Par Ingrid Labuzan (*)
L’accès à l’eau potable est l’un des points de contentieux les plus vifs entre Israël et la Palestine, à tel point que le processus d’Oslo avait soigneusement évité d’aborder la question. Trouver aujourd’hui une solution à ce problème semble d’autant plus improbable que la région traverse une véritable crise de l’eau.
La Palestine, exsangue, se meurt de soif. Selon B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme, 20% de la Cisjordanie n’est pas connecté au réseau d’eau et les réserves de l’hiver sont épuisées. Le déficit en eau pour l’année devrait être de 69 millions de mètres cubes. A Gaza, l’eau est saturée par la pollution. Certains prévoient une catastrophe sanitaire. Les territoires palestiniens dépendent des autorisations israéliennes pour développer de nouveaux accès à l’eau.
Autorisations qu’Israël est peu encline à donner, alors même qu’elle va devoir restreindre sa consommation d’eau, le pays n’ayant jamais connu une telle sécheresse. Il ne s’agit pas d’une catastrophe liée à un été torride, mais d’un phénomène durable. Le pays devra modifier ses habitudes de vie, car l’eau, ressource essentielle, viendra à manquer. Alors que son usage domestique augmente de 4% par an, le déficit en eau d’Israël devrait se monter à 350 millions de mètres cube en 2008.
Catastrophe annoncée également en Chine. Dépassée par sa démographie, débordée par sa croissance, le pays n’a pas assez d’eau pour répondre à ses besoins. Les sous-sols et les fleuves sont pollués et les deux tiers des villes n’ont pas assez d’eau. Certaines d’entre elles pourraient d’ailleurs connaître une réelle pénurie d’ici cinq à sept ans.
Une soif inextinguible
Contrairement aux idées reçues, les pays pauvres ne seront pas les seuls à souffrir de problèmes d’approvisionnement en eau. Véritable enjeu de survie, la question de l’accès à l’eau sera parmi les plus graves de ce siècle.
Les besoins en liquide bleu ne feront qu’augmenter, soumis à une pression démographique de plus en plus forte, mais aussi à une demande croissante de pays en plein boom. Les Chinois ont besoin d’eau pour leur agriculture, leur industrie. Bientôt, ils en voudront pour laver leurs voitures et remplir leurs piscines.
Si la consommation mondiale d’eau se maintient à son niveau actuel, les Nations unies estiment que, dans moins de 25 ans, cinq milliards d’êtres humains vivront dans des zones où il leur sera impossible de boire à leur soif, de cuisiner et de s’assurer une hygiène de base.
Notre population et notre consommation augmentent, pas la quantité d’eau sur Terre. La planète est couverte de 70% d’eau, mais seuls 2,5% de ce liquide sont potables. Des ressources relativement faibles au regard de la pression démographique, du changement climatique et de la pollution.
Les analystes les plus sérieux s’inquiètent. Vous ne pourrez qualifier Merrill Lynch ou Goldman Sachs d’écologistes alarmistes. Leurs analystes prévoient pourtant des pénuries d’eau à l’échelle mondiale, qui pourraient s’avérer plus dangereuses pour l’humanité que la hausse des prix des matières premières ou la diminution des ressources énergétiques.
Un coût humain et économique
L’accès à l’eau, son assainissement et l’hygiène sont autant de thèmes qui vont être abordés cette semaine à Stockholm, au cours de la semaine internationale de l’eau. 2 500 experts, issus du milieu scientifique, des organisations internationales ou de gouvernements, vont plancher sur la question.
L’occasion de rappeler les conséquences du manque d’eau potable dans le monde. 2,6 milliards de personnes n’y ont pas accès, soit plus d’un Terrien sur trois. La soif n’est pas la seule cause de mortalité. Le manque d’assainissement et d’hygiène causent la mort de 5 000 enfants chaque jour.
La situation est évidemment dramatique dans les pays pauvres, comme en Afrique, mais elle concerne également nos voisins. Qui savait qu’en Europe, 20 millions de personnes n’ont pas d’installation sanitaire réelle ?
Dans les pays en voie de développement, les maladies et les décès liés au manque d’eau propre freinent la croissance et le développement. La rareté de cette ressource pénalise également leur production agricole et leur capacité à nourrir les populations.
Les pays développés verront, quant à eux, souffrir certains secteurs liés à l’eau. Quand la neige aura fondu de nos montagnes, l’économie de régions entières sera menacée.
Miser sur une denrée irremplaçable
Les besoins en eau seront éternels, la demande de plus en plus forte. Jusqu’à aujourd’hui, aucun produit de substitution n’existe.
Le secteur de l’eau présente donc de bonnes opportunités d’investissement sur le long terme. Les acteurs du secteur se distinguent selon leur type d’activités : approvisionnement et traitement de l’eau, technologies liées à l’eau, services environnementaux. Regardez en particulier les équipementiers, fabricants de pompes, de valves, de tuyaux et autres matériaux permettant d’acheminer de l’eau. La désalinisation d’eau de mer est également un secteur digne d’intérêt.
Enfin, si vous préférez les produits plus financiers, sachez qu’il existe un hedge fund canadien qui se concentre de plus en plus sur l’eau : Sextant Capital Management.
Meilleures salutations,
Ingrid Labuzan
Pour la Chronique Agora
(*) Journaliste, Ingrid Labuzan est titulaire d’une maîtrise d’histoire, d’un master d’European Studies du King’s College London et d’un mastère médias de l’ECSP-EAP. Spécialisée sur le traitement de l’information et des médias étrangers, elle a vécu et travaillé pendant six moi à Shanghai. Elle a contribué à de nombreuses publications, dont le Nouvel Observateur Hors-série. Elle rédige désormais chaque jour la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.