** Alan Greenspan est de retour en première page. Selon lui, "le risque était lourdement sous-évalué" l’été dernier. Dommage qu’il ait attendu un an pour en parler.
* Comme vous le savez, cher lecteur, nous pensons que M. Greenspan a causé du tort à quelqu’un. Il a causé du tort à tous les Etats-Unis — en distribuant de l’argent et du crédit bien trop généreusement, et pendant bien trop longtemps.
* Mais M. Greenspan a pris sa retraite. Inutile de le critiquer. Il a continué en disant que l’immobilier reste "un problème critique". Bien entendu, l’immobilier n’est pas du tout un problème. Il devient plus abordable. C’est un problème uniquement pour les gens qui ont confondu le toit au-dessus de leurs têtes avec un investissement spéculatif. Et même pour eux, la chute actuelle de l’immobilier est une bonne chose ; cela leur remet les pieds sur le plancher des vaches.
* A part ça, la chute des valeurs immobilières sape le pouvoir de dépenses du consommateur américain moyen. Comme le lecteur le sait, les Américains ont pris l’habitude de dépenser de l’argent qu’ils n’avaient pas encore gagné. Ils n’ont fait qu’utiliser la valeur montante de leurs maisons comme nantissement.
* Mais qui dépense ce qui ne lui appartient pas doit rembourser — ou aller au violon.
* On pourrait s’attendre à ce que les consommateurs US aient pris l’habitude de ne PAS dépenser ce qu’ils ont déjà gagné. Les dettes doivent être remboursées. Les comptes doivent être soldés. Les erreurs doivent être réparées.
* Mais on est au 21ème siècle, que diable ! Un article dans le Financial Times nous annonçait hier que "les consommateurs n’épargnent pas en dépit de la morosité". Que pensez-vous de ces consommateurs ? Sont-ils bêtes… ou quoi ? Nous n’en savons rien. Les gens pensent qu’il existe un endroit paradisiaque et magique dans l’univers où les anciennes règles n’ont plus cours. Bon nombre d’entre eux semblent être d’avis qu’ils ne devront jamais rembourser ce qu’ils ont emprunté. Ils pensent que le gouvernement les tirera de là.
* Nous leur souhaitons bonne chance…
** "Une réduction, ça ne suffit pas", titrait un article signé Robert Shiller dans le New York Times. Shiller déclare que les tentatives de la Fed pour renflouer les consommateurs au moyen de réductions d’impôts sont trop faibles pour être efficaces. De plus, dit-il, ces réductions finissent en bonne partie par stimuler les économies d’autres gens.
* Vous vous rappellerez nos explications sur le système monétaire mondial. La Fed n’est plus la banque centrale des Etats-Unis. Elle est devenue la banque centrale du monde. Mais nous vivons dans un monde bizarre. La Fed fournit de l’argent — actuellement à moins de la moitié du taux d’inflation des prix à la consommation — afin de stimuler l’économie. Et ça stimule l’économie — l’économie chinoise. Et l’économie russe ! Et l’économie iranienne (quatrième plus grand exportateur de pétrole au monde). Et les économies de tous les producteurs de pétrole dans les sables d’Arabie !
* Il en va de même pour les "réductions d’impôts" des autorités américaines. Les Américains dépensent cet argent en carburant et autres produits d’importation. Les réductions étaient censées stimuler l’économie américaine, selon George W. Bush. Mais ce sont les étrangers, non les Américains, qui sont stimulés. Les étrangers construisent des villes étincelantes. Ils bâtissent d’immenses usines. Ils sortent plus d’automobiles de leurs chaînes de production… construisent plus de chemins de fer… goudronnent plus d’autoroutes.
** Même les lieux mal famés commencent à se sentir abandonnés. Selon un article de presse européen, "le credit crunch met à mal les prostituées". Au Nevada, les revenus des maisons closes ont été divisés par deux, les routiers ne pouvant pas se permettre le carburant nécessaire pour faire un petit détour.
* Mais où va le monde ? Nous n’en savons rien, mais la tournure que prennent les choses ne nous plaît guère.
* Alors que faire ? Le sujet est apparu ce week-end. Les cours sont enfin finis pour l’été. L’un de nos fils est revenu de Boston. Deux autres ont fini leurs examens en France. Nous les avons emmenés en Normandie pour le week-end, et nous avons tous travaillé à repeindre les fenêtres et les portes de notre vieille maison, de l’étable et des écuries. La peinture a ça de bien qu’elle invite à la conversation.
* "Papa, dans quoi est-ce que tu investis ?", demanda l’un des garçons.
* Nous avons expliqué que nous avons mis l’argent familial dans diverses choses.
* "Je ne suis pas vraiment un investisseur — sinon dans mon entreprise", avons-nous expliqué. "Mais je connais certaines personnes qui sont très bonnes en la matière. Ces gens font des recherches sur des sociétés individuelles — Warren Buffett, par exemple. S’ils sont bons, et s’ils ont de la chance, ils font un peu mieux que le marché lui-même. Sur une seule année, cela n’aurait pas beaucoup d’importance. Mais à très long terme, ça finit par faire une somme. Je leur ai donc donné une partie du patrimoine familial".
* "Les marchés émergents, par exemple. Je ne sais rien en ce qui concerne l’an prochain. Ou même les cinq prochaines années. Mais on peut raisonnablement parier que dans 10 à 20 ans, ces investissements sur les marchés émergents auront mieux performé que si on avait investi dans les valeurs US. Et si on a un homme de confiance, on peut voir à vraiment très long terme, se diversifier sur plusieurs marchés différents et ne s’inquiéter de rien".
* "Tu veux dire que tu as mis tout l’argent dans des marchés émergents ?"
* "Non, non… seulement un quart. Le reste est dans l’or, les ressources naturelles et les actions européennes — et là encore, une personne en qui j’ai confiance fait des placements de très long terme. Je ne sais pas si l’or va grimper à court terme. Mais à très long terme, il n’y a jamais eu meilleur moyen de préserver sa richesse. Je pense aussi qu’à long terme, les ressources naturelles seront un bon placement — si une personne de confiance te guide. Je suis dans une position privilégiée, dans le sens où je rencontre tant de personnes différentes essayant plein de manières différentes de gagner de l’argent. Dans mon activité, je les vois… je les rencontre… j’étudie leurs théories et je vois leurs résultats. La plupart d’entre eux sont une perte de temps. Pire, ils sont dangereux pour le capital des gens. Mais quelques-uns sont de véritables professionnels… des gens en qui l’on peut avoir confiance… et des gens qui feront un excellent travail".
* "Je sais tout ça, je lis la Chronique… et d’ailleurs, ça fausse probablement mon mode de pensée — parce que je placerai l’argent que j’épargnerai cet été dans l’or. Mais, Papa, que se passera-t-il si l’or baisse comme dans les années 90… ou si tous ces gestionnaires perdent l’argent ? Qu’est-ce que tu feras ? Tu ne devrais pas aussi avoir de l’argent en banque, pour prendre ta retraite ?"
* "Pas du tout… je ne prendrai jamais ma retraite. Et quand je deviendrai trop vieux pour travailler… expédiez-moi au ranch, en Argentine, et laissez-moi m’y dessécher et disparaître".
* "Très bien, Papa… ça me semble un bon plan".