▪ Il faut admettre que ces chiffres ne sont sans doute pas complètement exacts. Mais cette semaine, les sages européens ont mis sur pied un nouvel accord permettant de continuer à appliquer la politique de l’autruche. Au lieu de faire défaut ouvertement et honnêtement — comme la Grèce l’a fait à maintes reprises depuis 1827 –, les Grecs seront « secourus ».
Ainsi parlait Lucas Papademos, le technocrate qui conduit la Grèce à travers la vallée de la tromperie :
« Ce n’est pas une exagération que de dire que c’est un jour historique pour l’économie grecque ».
Il a raison. Ce n’est pas une exagération : c’est un mensonge pur et simple !
Qu’y a-t-il d’historique à un quinzième sauvetage ?
Et dès qu’on a repêché les Grecs, on leur fait boire la tasse. Ils sont censés faire des coupes claires dans le nombre de fonctionnaires, dans les dépenses et dans les allocations.
Déjà une personne sur cinq est au chômage… et ce chiffre grimpe à deux sur cinq parmi les jeunes. Rien qu’en novembre, 126 000 Grecs ont perdu leur emploi — l’équivalent de 3,5 millions aux Etats-Unis, en un mois.
Les Grecs ne sont pas les seuls à souffrir. Leurs créditeurs sont censés encaisser une perte de 100 milliards de dollars. Voilà qui ressemble de fort près à un défaut de paiement, selon nous.
Et qu’y a-t-il d’important quant au sixième grand défaut de la Grèce sur sa dette étrangère ? Elle a fait défaut pour la première fois en 1827. Depuis, c’est devenu une habitude.
▪ Il y a encore beaucoup de désendettement à faire
La chose importante, de notre point de vue, c’est que les Européens se désendettent… au moins un peu… à la périphérie de l’Europe.
Le problème, c’est qu’il y en reste bien plus. En outre, le niveau de dette augmente encore, généralement — grâce aux mêmes autorités que celles qui viennent d’élaborer le dernier accord sur la Grèce.
C’est là que nos chiffres deviennent un peu douteux. Non, allez : ils sont complètement douteux. Mais au moins nous donnent-ils un sens de la taille du problème.
Lorsqu’on a une dette équivalant à 100% du revenu, on peut probablement s’en sortir. Si le taux d’intérêt est de 5%, on consacre un vingtième du revenu au service de cette dette.
Mais si cette dette passe à 200% du revenu, le fardeau du passé commence à peser sur l’avenir. Il faut réduire les dépenses et les investissements parce qu’une grande partie du revenu doit être utilisée pour payer des choses qui ont déjà été produites et consommées. La croissance ralentit. L’économie se plaint.
A 5% d’intérêt, il faut consacrer pas moins de 10% du revenu simplement pour verser les intérêts. A 10%, on est vraiment en difficulté… avec un dollar sur cinq déjà mobilisé avant même qu’il entre dans les caisses.
Le monde génère environ 50 000 milliards de dollars de production par an. Certains pays — généralement pauvres — ont très peu de dettes pour la simple raison que personne ne veut leur prêter d’argent. D’autres — comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas — ont une dette totale qui dépasse les 500% du PIB. (Une grande partie est constituée de dettes hypothécaires, ce qui est un cas à part… dans la mesure où elles peuvent être considérées comme une dépense continue, un substitut au loyer).
Même à 200% du PIB, ce n’est pas forcément un boulet permanent et irréductible. Si l’économie se développe plus rapidement que la dette, le fardeau s’allège au cours du temps. C’est ce qui est arrivé aux Etats-Unis, par exemple, après la Deuxième Guerre mondiale… et à nouveau durant les années Clinton.
Le problème à présent — grosso modo — c’est que la croissance se trouve dans les pays qui ont peu de dettes… tandis que les dettes se trouvent dans les pays qui ont peu de croissance. Aux Etats-Unis, par exemple, la dette augmente deux à trois fois plus rapidement que le PIB.
Le monde développé n’est généralement guère différent de la Grèce. Certains pays ont plus de dettes. Certains en ont moins. Dans l’ensemble, la dette gouvernementale se monte à 100% du PIB. La dette des ménages vient s’y rajouter, à 200% du PIB… ou plus. La dette totale d’un pays développé moyen se situe à environ 300% du PIB.
Le PIB total est d’environ 40 000 milliards de dollars. Si bien que pour faire baisser la dette ne serait-ce qu’à deux fois le PIB, ces pays doivent en effacer environ 40 000 milliards de dollars.
Ca fait beaucoup de chemin à parcourir… sur une route difficile.