Le niveau des responsables de la fonction publique et des élus semble avoir nettement baissé, au cours des 50 dernières années.
« Ô puissant César ! Es-tu donc tombé si bas ! » – Jules César, de William Shakespeare, cité par le sénateur Sam Ervin
En juin 1972, un groupe de branquignols menés par d’ex-agents de la CIA entre par effraction dans l’immeuble du Watergate afin de récupérer des renseignements qui seraient utiles à la campagne présidentielle de Nixon. Ils crochètent la serrure, puis la recouvrent de scotch pour empêcher la porte de se reverrouiller et pouvoir revenir la nuit suivante.
Mais le scotch a été mal posé, et donc on peut le voir de l’extérieur. Un gardien de sécurité le remarque et le retire immédiatement.
Quand les cambrioleurs reviennent, la porte est à nouveau fermée. Alors ils crochètent la serrure une seconde fois, mais sans succès. Il faut dégonder la porte. Le cambriolage est si flagrant que, lorsqu’un stagiaire revient au bout d’une heure, il appelle immédiatement la police.
Un véhicule de police arrive quelques minutes plus tard, mais le guetteur des criminels ne le remarque pas et ne prévient donc pas les autres. La police entre dans le bâtiment et arrête cinq personnes à l’intérieur du siège du Comité national démocrate.
Un beau gâchis !
Le niveau des responsables de la fonction publique et des élus semble avoir nettement baissé, au cours des 50 dernières années. Mais est-ce vrai ?
Aujourd’hui, si l’on observe le scandale du Watergate, avec le recul, on se demande si la saga Epstein va prendre le même chemin.
Beaucoup de boucs émissaires ont été avancés, à l’époque, pour expliquer le cambriolage du Watergate. De nombreuses « théories du complot » ont été soulevées, telles les nappes de brume du Potomac.
Selon certains, Fidel Castro était derrière ce scandale (plusieurs cambrioleurs étaient cubains). Pour d’autres, c’était un complot de la CIA pour détruire Nixon. Nixon lui-même semblait pencher pour cette explication : il a presque limogé Bill Colby, devenu plus tard une source pour l’une de nos newsletters.
Selon une autre théorie, les démocrates eux-mêmes auraient organisé le cambriolage pour piéger des républicains.
Deux journalistes du Washington Post ont suivi l’affaire. Ensuite, le Sénat a créé une commission d’enquête appelant des témoins lors d’auditions télévisées. John Dean, conseiller de la Maison-Blanche, a vendu la mèche au comité de Sam Ervin en juin 1973.
Le mois suivant, on a appris que Nixon avait secrètement enregistré ses conversations téléphoniques. Naturellement, le public a voulu les entendre.
Les bandes magnétiques de Nixon sont un peu analogues aux dossiers Epstein. La justice a finalement exigé leur transmission.
Il convient de souligner qu’à Washington, dans les années 1970, beaucoup de gens avaient encore ce que l’on pourrait appeler « une notion du bien et du mal » héritée de l’ère Eisenhower. Et dans cette foire d’empoigne autour des bandes magnétiques, ils ont été très utiles, vu le nombre d’opportunités de faire capoter l’enquête.
Nixon a ordonné à son Attorney General (ministre de la Justice), Elliot Richardson, de « virer » le procureur spécial, Archibald Cox. Richardson et son adjoint, William Ruckelhaus, ont tous deux préféré démissionner qu’exécuter cet ordre. Ensuite, quand les bandes magnétiques ont été transmises, certaines étaient manquantes.
Cela a conduit à de nouveaux atermoiements. La bande magnétique constituant la preuve décisive – Nixon y tente de stopper l’enquête, faisant clairement obstruction à la justice – n’a pas été transmise avant juillet 1974. Nixon a démissionné le mois suivant, soit plus de deux ans après le cambriolage initial.
La partie la plus drôle, c’est probablement tout ce gag entourant le kidnapping de Martha Mitchell.
Mme Mitchell était l’épouse de l’ex-Attorney General, alors directeur de campagne du président pour sa réélection. Egalement connue sous le nom de « Mouth of the South » (la « grande gueule du Sud »), elle avait participé à des émissions de télévision populaires telles que Laugh-In.
Martha Mitchell était par-dessus tout une « commère ». Après avoir bu quelques verres, le soir, elle appelait les journalistes pour leur raconter ce qu’elle avait appris le jour-même. Et c’est ce que son mari a voulu éviter, quand Mme Mitchell a découvert le cambriolage du Watergate. L’un des hommes arrêtés n’était autre que le garde du corps de sa fille, l’ex-agent de la CIA, James McCord, qui pouvait donc relier le délit à la famille Mitchell et, au bout du compte, au comité de campagne du président.
Martha Mitchell se trouvait dans une maison de Newport Beach (Californie) quand elle s’est enfermée dans sa chambre et a composé le numéro de téléphone d’Helen Thomas, journaliste à l’agence de presse UPI (United Press International).
Mais Steve King avait été engagé par son mari pour l’empêcher de faire ce genre de choses, justement. Il a défoncé la porte de la chambre et arraché le téléphone du mur. Au cours des jours suivants, elle a été maintenue sous sédatifs et surveillée par des agents du FBI et des services secrets.
Et quand elle a enfin pu contacter Helen Thomas, elle a déclaré : « Je suis couverte de bleus. Je suis une prisonnière politique. »
Et tout a été déballé. John Mitchell a démissionné. Plus tard, il est allé en prison. Martha et lui se sont séparés et ne se sont plus jamais revus. Elle est morte en 1976.
C’est ce qui se rapproche le plus de ce que l’on constate aujourd’hui avec les dossiers Epstein. Mais les circonstances et le casting actuels sont très différents.
Est-ce que Pam Bondi fera la même chose qu’Elliot Richardson ? Et qui, au Sénat, aura la stature d’un Sam Ervin pour diriger la commission d’enquête ?
Et bien que les journalistes du Washington Post aient suivi de près la bagarre pour déterminer la façon et le moment où les dossiers Epstein seraient transmis, ils montrent peu d’intérêt pour ce qu’ils contiennent vraiment.
Comment cela va-t-il se passer ?
Attendons de voir…

1 commentaire
Histoire triste sur l’incompétence des Etats dans leur inévitable turpitude. La France suit, brillement, avec l’affaire du « rainbow warrior », mais elle démontre, chaque semaine, qu’elle peut beaucoup mieux faire. Plus tristement, j’observe l’incompétence, en France, du « cadre A » de la fonction publique, le grade précédent celui d’employé supérieur, mais avec beaucoup de pouvoir. Le niveau est si alarmant qu’à mon âge avancé, je me sens, calme, soldat d’une vieille troupe d’élite : m’en farcir un par semestre fait baisser ma neuropathie. Merci pour ce moment d’éternité.