▪ Le comité Nobel n’a jamais retiré son prix à qui que ce soit. Il devrait y réfléchir. Dans un article récent du New York Times, le lauréat du prix Nobel d’économie Paul Krugman révèle qu’il ne sait rien de l’économie… ou qu’il n’y a rien à en savoir. Nous commençons à penser que la deuxième option est la plus raisonnable.
"D’un point de vue économique", écrit-il, "la Deuxième Guerre mondiale a été avant tout une explosion de dépenses gouvernementales financées par le déficit, d’une ampleur qu’on n’aurait jamais approuvée auparavant. Les dépenses déficitaires ont créé un boom économique — et le boom a posé les bases de la prospérité à long terme"…
Durant les élections américaines de 1938, les électeurs ont montré ce qu’ils pensaient du New Deal : les démocrates ont perdu 70 sièges au Parlement. A l’époque, comme maintenant, le public ne croyait plus aux dépenses publiques, déclare Krugman. Près de deux personnes interrogées sur trois déclaraient être opposées aux efforts de relance. Sous la pression, Roosevelt céda ; il annula les dépenses supplémentaires prévues pour lutter contre le ralentissement.
Vive la Deuxième Guerre mondiale ! En temps de guerre, personne ne s’oppose à des dépenses militaires. Krugman a clairement énoncé sa position en 2008 dans son blog du New York Times.
"Le fait est que la guerre est, en général, expansionniste pour l’économie, au moins à court terme. La Deuxième Guerre mondiale, rappelez-vous, a mis fin à la Grande Dépression".
Si l’on se fie à cette ligne de pensée, la meilleure forme de dépenses de relance, c’est l’armée. Cela crée de la demande de consommation sans créer d’offre. Les prix à la consommation augmentent ; les gens dépensent. Le ralentissement économique ne tarde pas à prendre fin.
Mais si la Deuxième Guerre mondiale a aidé l’économie américaine, imaginez ce qu’elle a fait pour le Japon. Proportionnellement, ses efforts de relance ont écrasé ceux des Etats-Unis… et ont commencé bien plus tôt. Les dépenses militaires sont passées de 31% du budget au début des années 30 à près de 50% cinq ans plus tard. Au début des années 40, elles frôlaient les 70%, pour ensuite atteindre 100%. Les déficits et la dette ont grimpé en flèche.
Est-ce que cela a créé un boom ? Et comment ! Le Japon a été la première nation à sortir de la crise. Il a connu un boom… avant d’exploser. En matière de navires de guerre, d’avions et de soldats, le Japon fit bien vite partie des pays les plus riches du monde. Certes, les Etats-Unis avaient plus de ventilateurs électriques, d’automobiles, de chauffage central, d’aspirine, de glaces à la crème et de tous les autres accessoires de la vie civilisée de l’époque. Au milieu des années 30, les Etats-Unis produisaient 40 fois plus d’automobiles par personne que le Japon. Même durant la Grande Dépression, les Etats-Unis faisaient sept fois mieux que le Japon, et leurs salariés gagnaient 10 fois plus d’argent.
Les économistes ne peuvent même pas mesurer la prospérité réelle, sans parler de la trafiquer. Ils se servent donc des chiffres du PIB et de l’emploi comme un homme chauve met une perruque bon marché. Il a l’air ridicule et tricheur, mais c’est le mieux qu’il puisse faire. L’emploi disparaît, dans une économie de guerre. Le Japon a mis un million d’hommes sous les drapeaux. Deux millions d’autres étaient réservistes à temps partiel. Ceux qui n’étaient pas dans l’armée ont été mis au travail dans les usines de chars d’assaut et d’avions. En 1941, le Japon pouvait produire 10 000 avions par an. Si vous étiez une hirondelle, vous auriez eu du mal à construire votre nid dans les cheminées des usines japonaises ; elles crachaient de la fumée nuit et jour.
Sans parler des relances budgétaires ! Takahashi Korekiyo était connu comme "le Keynes japonais". Gillian Tett note dans le Financial Times qu’il fut assassiné en 1936 alors qu’il avait retrouvé ses esprits et essayé de reprendre le contrôle des finances de l’Etat. Il fut exécuté par des officiers de l’armée qui ne voulaient pas la fin des mesures de relance. Nous nous garderons bien de les juger ; à notre humble avis, la qualité des banques centrales pourrait probablement être améliorée par un petit assassinat de temps en temps.
Takahashi n’était pas le premier. Avant lui, Junnosuke Inoue avait défendu l’étalon-or et les budgets équilibrés. Il fut démis de ses fonctions en 1931 et assassiné en 1932. Le yen adossé à l’or fut aboli le jour où il quitta son poste. Ensuite, les dépenses publiques, les déficits, la planification centrale, la dette et l’inflation prirent le mors aux dents. En 1939, les Japonais dépensaient cinq millions de dollars par jour dans leur guerre contre la Chine — une somme gigantesque pour les Japonais à l’époque.
L’économie se trouva-t-elle améliorée par toutes ces dépenses ? Non, la majeure partie des ressources du pays furent mises à contribution pour construire des choses que personne ou presque ne voulait. Les usines fonctionnaient en sur-régime ; les gens s’appauvrissaient de plus en plus. Ensuite, après l’attaque de Pearl Harbor, le pays redoubla ses efforts de relance. Les rations furent réduites plus encore. Les heures de travail furent rallongées. Les rares produits de consommation encore disponibles étaient trois fois plus chers à la fin de la guerre qu’ils ne l’étaient au début. Les hommes étaient enrôlés dans les usines et dans l’armée. On attendait des femmes non seulement qu’elles fabriquent les tanks mais aussi qu’elles rejoignent la garde nationale et se préparent à repousser l’envahisseur américain à l’aide de lances de bambou. Quelle économie merveilleuse — fonctionnant au maximum de sa capacité, avec le plein emploi… jusqu’à ce que le général MacArthur mette fin à ses souffrances en 1945.
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