Pourra-t-on compter sur notre « Petit Papa Powell » en 2024 ?
Au moment de transmettre nos voeux, on aimerait que tout ce qui nous fait voir l’avenir avec un optimisme inoxydable – quelles que soient les contrariétés du quotidien – dure pour les 366 prochains jours (année bissextile oblige).
Mais pour le monde enchanté de la finance, la magie du calendrier de l’Avent s’est évaporée dès le lendemain du réveillon : le « rallye de Noël » n’a pas eu lieu.
Mais qui comptait vraiment dessus ?
Nos marchés ont été plus que gâtés par anticipation avec des hottes de plus-values boursières déversées chaque semaine, et durant les neuf semaines qui ont précédé le réveillon… comme si la liste complète des voeux des investisseurs avait été exaucée, en intégralité, chaque fois qu’ils en rédigeaient un brouillon depuis fin octobre.
Même pas besoin de mettre les voeux au propre, ni sous enveloppe : il suffisait de penser tout haut « Petit Papa Powell », puis de lui demander de promettre une baisse de taux, puis 2, puis 3, puis 6… puis pourquoi pas 12 en 2024.
Chaque quart de point de taux retiré – on l’espère dès la mi-mars – effacera un obstacle sur la route des 5 000 points pour le S&P 500, ou des 40 000 points pour le Dow Jones.
Mais Wall Street a d’ores et déjà préempté les bienfaits d’une demi-douzaine de baisses de taux, qui demeure du domaine de la pure hypothèse : les rendements de 10 à 30 ans se sont déjà détendus de 120 à 125 points, et l’une des conséquences les plus concrètes pour le commerce mondial réside dans le repli du dollar de 1,0550/E vers 1,110/E, ou du « dollar Index » de 107 vers 100,90.
Le parallélisme entre la hausse des indices US et celle de l’euro, du yen ou de la livre depuis le 1er novembre est assez saisissante… mais vous mentionnerez à juste titre la même concordance avec la baisse des taux.
Le vent a tourné au lendemain de Noël de façon indiscutable, avec +25 points repris depuis le 27 décembre et l’année 2024 débute avec un « 10 ans » américain retrouvant ses niveaux du 31 août dernier… et le billet vert s’ajuste parfaitement en renouant avec les 103, son niveau de clôture des 30 et 31 août.
La mécanique rendement/change semble fonctionner à la perfection sur les cinq derniers mois écoulés… et c’est justement cette perfection qui est troublante.
Car entre-temps a surgi un nouveau foyer de tension géopolitique au Proche-Orient, et ce dernier ne prend pas le chemin de l’apaisement… C’est même tout l’inverse avec des bombardements israéliens à répétition sur le sol libanais, mais également syrien, visant à évaluer jusqu’où le Hezbollah s’abstiendra de riposter, ce qui revient à tester la patience de Téhéran, et peut-être même d’autres pays comme la Chine et le Japon.
Dans un tout récent sondage réalisé par Natixis Investment Managers à la veille de Noël auprès de 500 investisseurs institutionnels dans une trentaine de pays, ces derniers ne s’y trompent pas : ils sont 49% à estimer que les conflits géopolitiques en cours sont le premier risque pour l’économie mondiale en 2024. Pas moins de 59% des sondés prévoient une hausse de la volatilité pour les actions, mais ils sont seulement 39% à le craindre pour les obligations.
La confiance dans le soutien de la Fedf et de la BCE à la bonne tenue de l’obligataire est le « sentiment » le plus largement partagé en ce début d’année, à tel point que les « assets-managers » envisagent de renforcer leurs mises dans la dette privée – avec une prédilection pour le high yield et le capital-investissement.
Cet appétit pour les dettes volatiles culmine au moment même où le taux de faillite est au plus haut, aux Etats-Unis comme en Europe, notamment en France, où le nombre de faillites déjà constatées dépasse les 57 000, et aurait frôlé les 60 000 au 31 décembre 2023.
Aux Etats-Unis, l’année 2023 s’est terminée avec un taux record de défaillance sur les cartes de crédit, les prêts auto, le crédit aux municipalités (à tel point que les banques régionales abandonnent les unes après les autres cette activité, perdant un maximum de plumes au passage en transférant leur portefeuille de prêts aux quelques repreneurs bénéficiant du soutien de la Fed).
Et comme l’argent – la liquidité globale – commence à manquer dans le « système », la solution évidente, du point de vue des marchés, consisterait pour la Fed à éteindre progressivement son « QT » (quantitative tightening).
Si Petit Papa Powell a commencé à réenchanter Wall Street deux mois avant Noël, pourquoi ne le ferait-il pas également durant les deux mois suivants ?