Le retour de la volatilité peut avoir fait quelques dégâts dans les bilans des banques qui vivent de leurs activités de marché et avaient misé gros sur sa baisse.
Durant les deux premières semaines de février les indices ont évolué dans le rouge. Nikkei, Nasdaq, CAC 40 : le sell-off n’a épargné aucune place boursière. Ce qui pouvait passer pour une saine correction rend désormais les opérateurs nerveux.
Krach ? Pas krach ? Tous les analystes se penchent sur leur boule de cristal pour savoir si la purge a vocation à continuer.
Psychologie des hedge funds, réaction des banques centrales, stratégies implémentées dans les algorithmes de trading… les facteurs sont nombreux. Seul l’avenir nous dira si les indices passent d’ici la fin du mois le seuil symbolique des 20% de perte.
Dans la tourmente et l’incertitude qui entourent ces mouvements brutaux, nous voyons d’ores et déjà se dessiner une conclusion : les marchés sortent du mode de fonctionnement « zombie » qu’ils avaient adopté depuis deux ans.
La hausse des taux longs, que nous étions nombreux à anticiper fin 2017 aux Publications Agora, est désormais actée. Les opérateurs doivent maintenant choisir entre des actions surévaluées et des obligations à 10 ans dont le rendement frôle les 3%.
Or les grosses mains avaient perdu l’habitude des arbitrages. Lorsque tout monte, l’investissement est facile : il suffit d’acheter. Toutes les stratégies finissent l’année dans le vert, et tous les gérants peuvent se vanter d’avoir misé sur le bon cheval. Qu’il est facile de gagner lorsque les organisateurs de la course distribuent une médaille d’or à chaque participant !
Désormais, la fête est finie et le mot « stratégie » va reprendre tout son sens. Certains marchés vont monter tandis que d’autres baisseront. Les tendances vont s’inverser brutalement. Il y aura des gagnants et – nous avions presque oublié ce concept – des perdants.
En un mot : la volatilité est de retour.
Quand le somnambule se réveille au fond du ravin
Le trade gagnant de ces deux dernières années était de miser sur l’écrasement de la volatilité. Vous connaissez certainement le VIX, l’indice d’incertitude sur les marchés.
Il représente, schématiquement, l’idée que se font les opérateurs sur l’évolution de la volatilité. Lorsque les marchés s’endorment (en stagnant, ou en suivant des tendances monotones), la volatilité baisse.
Il est possible d’investir sur la hausse ou la baisse de la volatilité par l’achat de contrats à terme, la mise en place de stratégies long/short sur des actions au comportement différent, ou tout simplement l’utilisation de trackers sur le VIX.
Les grosses mains ne se contentent bien sûr pas d’acheter des trackers comme M. Tout-le-Monde, mais ces trackers nous permettent de savoir, de manière transparente, quels résultats donnent les stratégies haussières ou baissières.
Parier sur la hausse de la volatilité depuis deux ans s’est avéré douloureux. Comme vous le savez, avoir raison trop tôt sur les marchés revient à avoir tort. Dans le cas d’une stratégie haussière sur le VIX, la punition a été double.
Non seulement le VIX est resté sage sur la période, mais à cette stabilité du sous-jacent s’est ajoutée un coût de détention des instruments financiers. Autrement dit, ceux qui misaient sur une hausse de la volatilité payaient pour attendre.
Miser sur une baisse de la volatilité, à l’inverse, était comme creuser dans une mine d’or inépuisable. Non seulement le VIX baissait, mais les instruments financiers permettaient un coût de détention négatif. Autant multiplier les prises de position et faire jouer à fond l’effet de levier pour cette stratégie immanquablement gagnante !
Entre janvier 2016 et janvier 2018, le tracker XIV, qui implémente cette stratégie baissière, est passé de 16,5 $ à 144 $ ! 870% d’augmentation en deux ans : voilà qui a fait rêver plus d’un gérant d’actifs. D’autant que les banques centrales promettent depuis la crise des subprime de tout faire pour éteindre la volatilité.
Tout allait pour le mieux dans le monde des vendeurs de volatilités. Et voici ce qui est arrivé au tracker XIV ces derniers jours :
Vous ne voyez pas le point bleu représentant le creux ? Regardez attentivement : il se situe tout en bas, à 5 $. Nous sommes depuis remontés à un peu plus de 6 $.
L’instrument ne vaut pour ainsi dire plus rien. Des années de hausse ont été effacées en quelques heures.
La bourse regorge de stratégies qui fonctionnent bien jusqu’à ce qu’elles s’effondrent. Les anglophones ont une expression tout à fait adaptée à ce genre de comportement : le ramassage de pièces jaunes devant un rouleau compresseur.
Les modestes gains accumulés patiemment sont, un jour ou l’autre, compensés par une perte massive.
Quelles conséquences pour les marchés ?
Si vous pensiez, en regardant l’évolution de votre PEA ces derniers jours, avoir essuyé de lourdes pertes, vous voilà rassuré.
Les 10% cédés par les marchés actions ne sont rien en comparaison des pertes essuyées par les vendeurs de volatilité.
En tant que fidèle lecteur des Publications Agora, vous n’avez très certainement pas parié plus que de raison sur la prolongation ad vitam aeternam de la politique-somnifère des banques centrales, et vous anticipiez un regain de nervosité sur les marchés. Vous n’avez donc probablement pas souffert directement de la hausse du VIX.
En revanche, vous avez peut-être en portefeuille des valeurs bancaires qui pouvaient sembler peu chères l’année dernière. Après tout, le prix de leurs actions présentait toujours une belle décote depuis l’éclatement de la crise du crédit subprime. La hausse anticipée des taux d’intérêt pouvait laisser espérer une hausse de leur rentabilité dans les prochaines années. Deux bonnes raisons de prendre un pari contrarien et de miser sur un retour en grâce des banques.
Si tel a été le cas, méfiez-vous. L’activité de trading est, vous le savez, désormais vitale pour les banques. C’est elle qui fait les résultats, bien plus que l’activité traditionnelle de banque de détail.
Or la plupart des enseignes tablaient sur un écrasement continu de la volatilité. Il y a beaucoup à craindre sur la performance des banques sur le trimestre en cours. Ce retournement de tendance fera des perdants et l’évolution de la valeur du XIV de Crédit Suisse nous montre que les pertes vont être massives.
Autant ne pas être là lorsque l’addition sera présentée aux actionnaires !
Le tableau est heureusement moins sombre pour les particuliers, pour qui le grand retour de la volatilité n’est pas nécessairement négatif. Rendez-vous demain pour voir comment vous pouvez même en tirer profit.
1 commentaire
Votre article est remarquable de précision et d’intelligence. Mais comme d’habitude à La Chronique, vous tirez des idées d’investissement qui ne prennent pas suffisamment en compte la logique inversée imposée par les banques centrales. Jim Rickards s’est fait complètement avoir avec son short Deutsche Bank (au bottom à 10€), et tous les lecteurs attentifs s’en souviennent encore, et ne cessent de le lui rappeler. En réalité, quand une banque commerciale subit un mauvais coup, comme avec cette histoire de VIX, les traders l’achètent, plutôt que la vendent, parce qu’ils travaillent dedans, ou à côté, et savent que sa BC va la renflouer, plus ou moins discrètement.
Il ne faut rien shorter jusqu’à l’extinction totale des QE dans le monde entier.