▪ Nous fustigions des marchés totalement privés d’inspiration la veille et ils explosent littéralement à la hausse ce mardi comme s’ils venaient de découvrir la Corne d’Abondance !
Pourtant, rien ne les prédisposait à accomplir des exploits. Les places européennes se sont envolées de 1,7% en moyenne, inscrivant une cascade de records annuels, tandis que les indices américains affichaient des scores que nous n’avions plus observés depuis mai 2008 à Wall Street.
▪ Le Dow Jones au zénith, le VIX au plus bas
Le Dow Jones déborde en effet les 13 055 points, c’est-à-dire sa meilleure marque depuis le zénith de clôture du 5 mai 2008.
Symétriquement, le VIX, l’indice du stress, a rouvert sur un plus bas depuis cinq ans, affichant un score rond de 14. Il traduit un niveau d’optimisme des opérateurs supérieurs à celui de l’automne 2007, quand Wall Street battait ses records historiques et ignorait même qu’il puisse exister une bulle immobilière ou surgir un beau jour un problème de refinancement des dettes souveraines.
Est-il besoin de rappeler que les mots subprime, dérivés toxiques, CDS ne faisaient pas encore partie du vocabulaire courant de Wall Street à cette époque ?
Le Dow Jones s’est hissé vers 13 130 points à la faveur de l’annonce d’un rachat massif de 15 milliards de dollars de ses propres titres par J.P. Morgan vers 21 heures. Il a ainsi renoué avec ses niveaux de fin décembre 2007, avant qu’il ne subisse les turbulences provoquées par l’affaire Kerviel.
Immédiatement, des bataillons d’idiots utiles avec de belles têtes de gagnants viennent nous rappeler que les taux d’intérêt américains sont à zéro. Suivant ce raisonnement unanimement approuvé par Wall Street, même à 26 000 points — c’est-à-dire après 200% de hausse supplémentaire — le Dow ne serait toujours pas cher.
N’oublions pas que le Nasdaq gravite encore 50% en-deçà de ses records de l’an 2000 et qu’une foule de titres n’ont pas retrouvé leurs niveaux record d’octobre 2007.
Ils ont raison, la preuve : France Telecom peut encore reprendre 200 euros avant de revoir ses records du printemps 2008. Si le titre y parvient, cela propulsera le CAC 40 vers 5 000.
Personne aujourd’hui n’ose suggérer que les bonnes nouvelles sont dans les cours ; c’est d’ailleurs bien naturel puisque les indices ont commencé à grimper dès 23 heures lundi soir (deux heures après la clôture de Wall Street) sans qu’il y ait — justement — de bonnes nouvelles.
Personne non plus pour nous expliquer les causes de cet étrange accès d’euphorie post-transactions officielles, alors que les indices américains avaient fini lundi sans tendance et dans des volumes dignes d’une Trêve des confiseurs.
▪ Fed : QE ou pas QE ?
Rien à se mettre sous la dent du côté des grands médias économiques… mais des « rumeurs » vite relayées par la blogosphère. Pour résumer : la Fed pourrait laisser transparaître la possibilité de mettre en oeuvre de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif — hypothèse en partie démentie par le communiqué officiel publié mardi soir.
Comment la psychologie des opérateurs a-t-elle pu basculer à ce point sur un prétexte aussi sujet à caution ? Et qui payait le marché avec une telle détermination ? Nous avons bien notre petite idée sur la question (avec peu de risques d’être démenti) et nous vous en réservons la primeur en fin de chronique.
En transactions électroniques hors séance, le CAC 40 a grimpé bien au-delà des 3 505 points vers minuit, tandis que le Dow Jones pulvérisait les 13 000 et le Nasdaq les 3 000 points.
Mais pas un mot à ce sujet à la reprise des cotations mardi matin. Les opérateurs savouraient cette merveilleuse aubaine, laquelle se matérialisait à Paris sous la forme d’un gros gap de 20 points dès l’ouverture (à 3 010 points). Le CAC 40 n’a mis ensuite que quelques secondes pour déborder le zénith annuel des 3 514 points.
▪ Un gap sans volumes
Les programmes d’achats informatisés se sont enclenchés et la spirale haussière s’est propagée inexorablement. Le CAC 40 a ainsi comblé le gap des 3 523 points dans la foulée avant de s’envoler vers 3 550 points en clôture, dans le sillage de Wall Street.
Mais au-delà d’un rally que personne n’avait vu venir — à commencer par les chartistes — il convient de le souligner, il y a une autre étrangeté qui semble ne choquer personne. Même avec la multiplication des stop achat robotisés, les volumes sont demeurés carrément anecdotiques, avec moins de trois milliards d’euros échangés à Paris.
Autrement dit, les robots jouent entre eux et les investisseurs dotés d’un cerveau normalement constitués sont complètement absents des débats.
Mais pour qui nous prennent donc tous ces gérants, tous ses stratèges, tous ces vendeurs d’actions qui viennent parader sur les principaux médias économiques en se prétendant tous acheteurs et archi-haussiers ? Ils devaient certainement tordre des trombones devant leurs écrans la veille en pestant contre le risque de voir l’Espagne prendre le même chemin que la Grèce — Madrid vient d’obtenir le droit d’afficher un déficit de 5,3% au lieu des 4,4% anticipés.
Les volumes — quasi inexistants à Paris comme ailleurs en Europe — démontrent qu’ils ne passent pas un ordre d’achat et qu’ils nous racontent n’importe quoi. Ils sont pathétiques à vouloir nous faire croire à tout prix qu’ils sont haussiers quand les cours montent et qu’ils avaient pris toutes leurs précautions quand le marché rebaisse.
▪ Mouvements de baisse et de hausse sur les marchés : personne ne voit rien venir
Ils n’avaient absolument rien vu venir mardi dernier (le 6 mars) quand le CAC 40 et l’Euro-Stoxx 50 avaient plongé de 3,5% : « après 11 semaines de hausse, à quoi pouvaient donc s’attendre les acheteurs ? Il fallait être bien naïf pour s’imaginer que la réalité économique ne finirait pas un jour par faire éclater cette bulle » !
Une semaine plus tard, jour pour jour, le CAC 40 prend 1,7% de façon tout aussi inattendue et tout ce beau monde le voit s’envoler vers 3 650, bien convaincu de la poursuite du rally, sous l’effet de l’action résolue des banques centrales pour faire grimper les indices boursiers de façon inexorable et illimitée.
La réalité, c’est qu’aucun de ces deux mouvements antagonistes à une semaine d’intervalle n’a été anticipés, aucun n’a d’ailleurs été clairement explicité, aucun n’a connu de suite.
Au-delà du gonflement de bulles d’actifs qui concernent aussi bien Wall Street que le CBOT (marché des dérivés sur les matières premières basé à Chicago), l’élément peut-être le plus vertigineux de cette séance de mardi, ce fut bel et bien le plongeon du VIX vers 14. Cela traduit un degré de confiance de pratiquement 100%… à l’image des 100% de hausse parmi les composants du CAC 40 mardi.
En ce qui concerne l’annonce de J.P. Morgan publiée une heure avant la clôture de Wall Street, nous soupçonnons fortement que ce soit la véritable cause de l’envolée de mardi. En effet, le prétexte du communiqué de la Fed était carrément une fausse piste, au vu de la consolidation qui a suivi sa publication.