** C’est le Financial Times qui rapportait hier la grande nouvelle sur la dernière page de son premier cahier :
* "La Chine… est de retour au pays de la bulle".
* Après l’expansion vient la contraction. Après la bulle vient le nettoyage. Après l’orage vient le soleil.
* Mais que se passe-t-il en Chine ? Qu’arrive-t-il après la plus grande bulle d’exportation de l’histoire ? Une nouvelle bulle ?
* Ca semble impossible. Le principal client de la Chine est ruiné. Le pays a bien trop d’usines pour les clients qui lui restent. Il devrait fermer boutique… et attendre que l’orage passe. Pourtant, la Chine se développe. Une combinaison d’argent brûlant… et de politique financière tout aussi incandescente… pleut sur la jeune pousse préférée de la planète comme de l’engrais miracle. Son excédent commercial et ses investissements étrangers directs — la source ordinaire de réserves de changes — ne sont qu’à la moitié de ce qu’ils étaient l’an passé. Mais les spéculateurs arrivent… apportant du cash avec eux. Cela a porté les réserves chinoises au-delà des 2 000 milliards de dollars… et fourni les liquidités nécessaires pour de nouvelles conditions de bulle. Les volumes de transaction des actions chinoises, par exemple, atteignent trois fois ceux de l’année dernière.
* Les investisseurs et les économistes du monde entier croient assister à un nouvel avènement. La croissance chinoise générera la reprise de l’économie mondiale. Alléluia, nous sommes sauvés ! Les choses seront bientôt "de retour à la normale".
* Nous avertissons d’ores et déjà les lecteurs de la Chronique Agora : cette bulle aussi éclatera.
* Un retour à la normale n’est pas souhaitable. "Normal", durant les années de bulle, signifiait perverti… bizarre… étrange… et malsain. Ce qui enrichit vraiment les gens, c’est la formation de capital — l’accumulation de machines, de ressources et de compétences. Mais au lieu de former du capital, l’économie de bulle en a consommé. Alors que les années de bulle "normale" se poursuivaient, les gens devenaient plus pauvres et plus vulnérables.
* La bulle principale a déjà éclaté. Et ces répliques de bulle ne la ramèneront pas. Eh oui : derrière ces chiffres plein de ressort, on trouve les même faits avachis que nous observons depuis le début de l’année. Les Américains n’achètent pas. Mortimer Zucker, dans le Wall Street Journal :
* "Les ménages, surchargés de dette à des niveaux historiques, épargneront plus. Le taux d’épargne est déjà passé à près de 7% du revenu après impôts, par rapport à 0% en 2007, et il continue de grimper. Chaque dollar d’épargne provient de la consommation. Dans la mesure où les dépenses de consommation sont le principal moteur de l’économie, nous aurons un secteur de la consommation faible, et de nombreuses entreprises n’auront tout simplement pas les moyens ou le besoin d’embaucher de nouveaux employés. Après les récessions de 1990-1991, les consommateurs ont acheté des maisons, des voitures et d’autres biens coûteux. Cette fois-ci, l’association entre mauvaises conditions de l’emploi et de credit crunch sévère signifie que les gens ne pourront obtenir de financement pour les grosses dépenses, et que ceux qui empruntent hésiteront à dépenser beaucoup. Le salaire est redevenu la principale source des dépenses".
* Les Américains n’achètent pas… si bien que la Chine ne vend pas. Les exportations… la source de sa véritable richesse… sont en baisse. Et il n’y a aucune raison de penser qu’elles reviendront de sitôt.
** Mais qu’en est-il des achats provenant de la Chine elle-même… et de ses voisins ? Ah, nous savions que vous alliez poser cette question. Nous avons donc préparé une réponse :
* Ca viendra… mais pas tout de suite. Le consommateur chinois moyen ne veut pas les mêmes choses qu’un Occidental moyen. Sa maison ne ressemble pas à une maison occidentale typique non plus. Elle est pleine de choses différentes. Il faudra du temps pour restructurer la machine à exporter chinoise et l’adapter au marché interne. Parallèlement aux usines, les canaux de distribution et de vente doivent être restructurés eux aussi. Et il faudra du temps avant que le consommateur chinois change ses habitudes. Tandis que le consommateur américain se transforme en fourmi — stockant diligemment des réserves pour les jours difficiles… le consommateur chinois doit se muer en cigale, en dépensier avide de luxe.
* La "destruction créatrice", voilà ce qu’il faut — avec les faillites, déceptions, difficultés et dislocations habituelles. La transition ne sera pas simple… ni rapide. Le chômage augmente. L’économie d’exportation doit être détruite avant qu’une nouvelle économie puisse être créée. Et pendant ce temps, le consommateur chinois perd des revenus. Il pourrait y avoir des émeutes, voire une guerre civile.
* Tout cela finira probablement par s’arranger. Mais en attendant, ça va barder.