▪ Il y a eu les vrais-faux lingots d’or fourrés au tungstène découverts à Hong Kong évoqués dans la Chronique d’hier — les pertes pour les propriétaires pourraient se chiffrer entre 7 et 7,5 milliards de dollars au cours actuel… Et voici que le monde découvre stupéfait que Dubaï serait au bord du défaut de paiement avec un encours de dette non sécurisé de 80 milliards de dollars. 75% de ce total a été émis par les sociétés Dubai World et Nakheel qui sont les véhicules d’investissement de la famille régnante — et en particulier du charismatique et visionnaire Cheikh Mohammed.
Je connais un tout petit peu les Emirats arabes unis et la solidarité qui prévaut entre les richissimes dirigeants de cette confédération de royaumes depuis plus de trente ans ; je ferai donc le pari que les plus grandes firmes immobilières de Dubaï ne connaîtront pas le déshonneur de ne pouvoir assumer leurs engagements financiers.
Mais la demande de moratoire sur une partie de la dette présentée avant-hier fait l’effet d’une douche froide dans un pays où il fait excessivement chaud et où la croissance était encore incandescente à la mi-2008.
L’Emirat d’Abu Dhabi s’est empressé de calmer un vent de panique boursière et obligataire mercredi matin : il a annoncé l’achat de cinq milliards de dollars d’obligations islamiques (sukuk) de la société Nakheel adossés aux actifs de la principale entreprise immobilière de la région. La prime de la dette souveraine de Dubaï s’est envolée de 110 points de base — de la même façon que celle de l’Islande un an auparavant.
Mais l’Islande — tout comme Dubaï — n’a pas de pétrole… tandis qu’Abu Dhabi en regorge. L’Emirat en extrait 2,6 millions de baril par jour. A 75 $ au cours actuel, cela assure de confortables rentrées quotidiennes : de quoi se financer un programme de rachats de créances à hauteur de 20 milliards de dollars. Ce sont en fait des droits négociables sur des parts de société avec des actifs immobiliers en garantie et qui versent des dividendes et non des intérêts prédéterminés, ce qui est interdit par l’islam.
▪ Même la perspective de voir Abu Dhabi devenir à terme propriétaire du quart de la dette de Dubaï ne suffit pas à rassurer complètement. Depuis l’achèvement de la construction du Burj Dubaï — la plus haute tour habitée au monde avec 818 mètres de hauteur — les prix de l’immobilier se sont effondrés de 50% en un an.
Il faut dire qu’en plus du plus haut édifice de la planète, Dubaï a fait surgir des eaux les trois plus grandes îles artificielles (Palm Jumeirah, Palm Jebel Ali et l’immense archipel de 300 îlots privatifs baptisé The World) jamais créées par l’homme.
Le volume de matériaux dragués depuis les fonds marins ou transportés par camions depuis des carrières proches d’Oman représente plusieurs dizaines de grandes pyramides de Kheops ! L’assèchement en plusieurs décennies des polders hollandais fait presque figure d’entreprise artisanale, et le terme « travaux pharaoniques » prend une toute autre dimension.
Alors que chaque île est recouverte de 2 000 villas hollywoodiennes et de dizaines d’hôtels de luxe face au large, des millions de mètres carrés de bureaux (sur la côte) et de logements résidentiels haut de gamme sont aujourd’hui inoccupés.
Les prix qui se pratiquent sur le marché sont loin de couvrir les coûts de construction. Cela aurait même pu être pire si Dubaï ne présentait l’attrait d’un paradis fiscal et d’une place financière à la pointe des technologies en matière de gestion d’actifs et de liquidités des placements boursiers — pour une place « émergente ».
Ne vous attendez donc pas à un scénario à la Bear Stearns ou à la Lehman aux Emirats, encore moins à un scandale à la Enron… bien que les enjeux financiers — en volume — soient assez comparables.
La situation semble beaucoup plus explosive en Chine où une spéculation effrénée vient se greffer sur la folie des grandeurs. Nous avons gardé en mémoire cette violente secousse financière dans les pays du Golfe au printemps 2008 qui précéda l’effondrement de la Bourse de Shanghai au milieu de l’été suivant… à méditer !
▪ Si nous demeurons raisonnablement confiant à propos des monarchies du Golfe, nous voudrions en revanche apporter un complément d’information important concernant l’excellent article rédigé par Cécile Chevré pour la Quotidienne de MoneyWeek.
Vous avez pu y savourer les passages suivant : « Quelle découverte ! Les banques ont encore des tonnes d’actifs pourris dans leurs coffres. Alors que tous crient à la reprise, l’origine de la crise — les crédits immobiliers — n’est pas complètement réglée. »
« C’est d’ailleurs ce que confirmait Dominique Strauss-Kahn dans Le Figaro : ‘il reste d’importantes pertes non dévoilées : 50% sont peut-être encore cachées dans les bilans. La proportion est plus forte en Europe qu’aux Etats-Unis. Je le redis : l’histoire des crises bancaires, notamment au Japon, démontre qu’il n’y aura pas de croissance vive et saine sans un nettoyage complet du bilan des banques' ».
« De son côté M. Slendebroek explique : ‘2007 a été l’année où le nombre de prêts accordés a été le plus important. Au regard de la dégradation de la conjoncture et du retrait de certaines banques du secteur immobilier, c’est en 2012 que les remboursements des créances immobilières vont être difficiles et que l’on atteindra un pic dans les défauts de paiement' ».
▪ Tout ce qui précède est ô combien exact, mais le second tsunami des créances douteuses pourrait arriver sur nous bien plus vite que la plupart des experts ne l’imaginent. Comme je l’ai expliqué à nos visiteurs au Salon Actionaria le week-end dernier, de nombreux emprunteurs font d’ores et déjà face à des demandes de remboursement anticipées « plein pot » de la part de leur banquier.
De quoi s’agit-il ? Eh bien, nous avons de nouveau affaire à l’exercice de l’une de ces clauses écrites en tout petit et à l’encre grise sur fond bistre, mentionnées au dos de la page 12, dans la rubrique « conditions particulières du prêt ». Ces clauses stipulent que la banque peut à tout moment suspendre les conditions de remboursement avantageuses accordées lors de l’achat d’un bien immobilier s’il s’avère que la valeur de ce dernier chute de plus de 20% par rapport à la valeur hypothécaire retenue comme garantie du prêt.
Autrement dit, le jeu de massacre a commencé dès le printemps dernier pour les malheureux emprunteurs qui se sont lancés au sommet de la bulle fin 1996/début 1997. Ceci explique que le taux de défaillance sur des prêts hypothécaire aménagés ait doublé en un an pour atteindre le taux vertigineux de 15% !
Et ce n’est qu’un début : l’année 2010 est sans exagération celle de tous les dangers !
▪ Pas de quoi troubler Wall Street qui gagnait 0,25% à la mi-séance hier. Beaucoup d’opérateurs étaient partagés entre la tentation de propulser le Dow Jones au contact des 10 500 points… alors que d’autres préfèreraient matérialiser quelques gains afin de partir plus léger avant le long pont de Thanksgiving qui commence aujourd’hui.
La baisse du dollar vers les 1,51 euro — et 1,5090 hier soir — est venue donner opportunément un coup de pouce aux gérants actions. Mais contrairement à lundi, cela n’a pas déclenché de vague d’euphorie ni de ramassage boursier tous azimuts. Les volumes d’échanges sont restés anémiques avec à peine 2,75 milliards d’euros négociés sur les 40 vedettes du CAC.
Le fait du jour restera certainement ce nouveau record absolu inscrit par l’once d’or à 1 190 $, alors que le pétrole progressait de 2,8% à 77,6 $ — encore loin des 80 $ atteints en début de mois lorsque le dollar menaçait déjà d’enfoncer le plancher des 1,50/1,5060 euro.