▪ De l’eau virtuelle pour une utilisation bien réelle
L’eau ne s’écoule pas uniquement de votre robinet. Elle est également dans les vêtements que vous portez, les objets que vous utilisez au quotidien et, bien entendu, votre assiette. Le concept d’eau virtuelle a été inventé en 1993 par John Anthony Allan de la School of Oriental and African Studies, à Londres. Il évoque les quantités d’eau qui sont nécessaires dans la fabrication de toute chose.
Ainsi, saviez-vous qu’il a fallu l’équivalent de 25 baignoires d’eau pour fabriquer votre T-shirt et que 2 200 litres ont été utilisés pour faire votre jean, du plant de coton au produit fini ? Que votre petite voiture a demandé 450 000 litres d’eau ? Qu’il faut plus de 10 litres pour une simple feuille de papier ?
Tous ces produits fabriqués avec de l’eau virtuelle sont commercialisés, échangés. Le coût de cette eau virtuelle est étudié dans les échanges commerciaux mondiaux. Ainsi, non seulement les Américains sont parmi les plus importants consommateurs d’eau au monde, mais ils sont aussi les premiers exportateurs d’eau virtuelle, au travers de leurs produits vendus partout dans le monde.
A l’inverse, des pays devant importer la plupart de leurs aliments, comme c’est le cas au Moyen-Orient, comptent de fait parmi les plus grands importateurs d’eau virtuelle. C’est par exemple le cas de la Jordanie, qui, en 2007, a importé entre 80 et 90% de son eau sous forme de nourriture.
Cela implique aussi un élément important : où se trouvent les usines du monde ? En Chine et en Inde surtout. Deux pays soumis à un fort stress hydrique. Donc lorsque la Chine commercialise tous ses produits made in China, elle nourrit sa croissance, mais elle assèche encore un peu plus son sol.
En 2007, il a été estimé que le volume d’eau virtuelle échangé, au travers de produits commercialisés, ne représentait pas moins de 20 fois le volume du Nil ! Soit environ 1 000 kilomètres cubes en un an. Les deux tiers partent dans l’agriculture, un quart est représenté par la viande et les produits laitiers, et un dixième seulement est utilisé pour les produits industriels.
Une gestion correcte des ressources en eau, selon l’Atlas mondial de l’eau, exigerait ainsi une spécialisation des pays. "En théorie, les pays aux ressources limitées devraient exporter des denrées alimentaires à faible teneur en eau mais chères, et importer des produits peu chers mais incorporant beaucoup d’eau".Autant dire mission impossible.
▪ L’eau est aussi de l’énergie
Mais ce n’est pas tout : l’eau est également essentielle à la production de l’énergie. En France, 60% de notre eau douce pompée sert ainsi à la production d’électricité, selon Gérard Payen, conseiller pour l’eau du Secrétaire général de l’ONU et président d’Aquafed.
Autre problème : la hausse des coûts de l’énergie, qui, par répercussion, fait monter le coût du pompage de l’eau et de son transport. Sans compter les sources d’énergie gourmandes en eau et dont l’utilisation se répand. Je parle de la géothermie, mais aussi, bien entendu, de l’hydroélectricité — dont le Brésil est d’ailleurs l’un des plus grands utilisateurs.
Problème : avec la raréfaction des ressources en eau, on peut s’attendre à une compétition entre les secteurs de l’énergie et de l’agriculture, pour l’eau.
A toute cette eau virtuelle et indispensable à la fabrication de nos objets du quotidien, n’oublions pas non plus que nous utilisons de plus en plus d’eau pour répondre à des plaisirs plus futiles : piscine, terrains de golf, parc d’attractions… Le National Geographic rapporte deux chiffres amusants (alarmants ?) à ce sujet : chaque partie de golf jouée en Floride demande plus de 11 000 litres d’eau d’arrosage ; chaque année, 568 milliards de litres d’eau s’évaporent des piscines des Etats-Unis.
▪ Les entreprises veulent leur part de la gourde
Les gouvernements ont tout intérêt à s’appuyer sur les entreprises privées pour trouver des solutions aux enjeux sur l’eau et des moyens d’approvisionner les populations.
Ainsi, Gérard Payen explique que, pour l’instant, ces dernières ne distribuent l’eau qu’à 3% ou 4% de la population dans les pays en développement. Pourtant, cela signifie qu’en moins de dix ans, elles ont apporté leurs services — et donc le précieux liquide — à 25 millions de personnes. Il faut encore assurer des services corrects dans le monde pour quatre milliards de personnes.
Nul doute que les entreprises ont un rôle à jouer face à ce défi. Des entreprises sur lesquelles nous choisissons justement d’investir. Quant aux autres entreprises, elles ne veulent pas rester sur la berge, mais veulent aussi plonger dans le bain. Et développer leurs activités liées à l’eau ou s’assurer de son approvisionnement.
Comme par exemple General Electric, qui rachète depuis cinq ans des petites sociétés du secteur. En septembre 2009, elle possédait ainsi un portefeuille de sociétés pour un montant total de quatre milliards de dollars. Des entreprises spécialisées dans le traitement des eaux. Siemens et ITT font de même.
Voilà un indice supplémentaire qui prouve que nous aussi, investisseurs, devons nous intéresser à ce secteur.