Entre droits de douane jugés illégaux, expulsions massives contestées et déclarations choc sur l’exécution d’équipages entiers, Donald Trump pousse les institutions américaines dans leurs retranchements.
« Je me fiche de la façon vous appelez cela. » – J.D. Vance, vice-président, après avoir appris que le fait de tuer des civils est un meurtre.
Pauvre Donald Trump.
Son programme repose sur deux axes principaux : les droits de douane et les expulsions. Tous deux se heurtent à la loi.
The New York Post rapporte :
« Un juge fédéral empêche Trump d’expulser rapidement les immigrants illégaux. »
CBS News ajoute :
« Les Etats-Unis pourraient devoir rembourser des milliards de dollars de droits de douane, selon une décision d’un juge fédéral. »
En clair, la légalité du programme de Trump reste incertaine.
Time précise cependant :
« La Cour suprême autorise Trump à reprendre les raids à grande échelle à Los Angeles. »
Nous ne savons pas quelle sera l’issue des procédures judiciaires. Mais nombre de mesures de l’équipe Trump ont déjà été jugées inconstitutionnelles ou manifestement abusives.
Les droits de douane, rappelons-le, sont une taxe prélevée sur les consommateurs américains. Or, le pouvoir de lever l’impôt appartient au Congrès, pas au président.
Certaines des taxes imposées par Trump sont si singulières qu’il devient difficile de les situer dans la structure constitutionnelle. Elles servent tour à tour de sanctions, de punitions, de levier de négociation et d’arme de politique étrangère.
Prenons sa taxe de 50 % sur les produits indiens : elle punit New Delhi pour ne pas avoir appliqué les sanctions américaines contre la Russie. Résultat : ce sont les consommateurs américains qui paient plus cher les biens importés. Mais s’agit-il là d’une décision de politique étrangère (domaine du président) ou d’une mesure fiscale (domaine du Congrès) ?
Même ambiguïté pour les droits de douane justifiés par la lutte contre le trafic de drogue.
Cryptopolitan écrit :
« Trump réimpose des droits de douane au Mexique et au Canada, invoquant le trafic de drogue. »
De quoi parle-t-on ? De politique fiscale ? De politique étrangère ? D’une mesure antidrogue ?
Les expulsions posent un problème tout aussi épineux. Les Etats-Unis sont une nation d’immigrants. Sommes-nous tous potentiellement expulsables ?
Trump a déjà déclaré à propos de Rosie O’Donnell – pourtant née à New York – que sa citoyenneté devrait être révoquée :
« Elle est une menace pour l’humanité et devrait rester dans le merveilleux pays qu’est l’Irlande, s’ils veulent bien d’elle. QUE DIEU BENISSE L’AMERIQUE ! »
Quant aux étrangers en situation irrégulière, le système juridique américain exige que l’on respecte la procédure : si l’on accuse quelqu’un, il doit pouvoir se défendre. On ne peut pas simplement ramasser des gens sur le parking d’un Home Depot et les expulser.
Mais au-delà de la légalité, un autre problème se pose : ces politiques ne fonctionnent pas.
Les emplois manufacturiers déclinent depuis plus d’un demi-siècle. La force du dollar rend les importations moins chères que la production locale. Dans les usines qui subsistent, les gains de productivité ont réduit le besoin de main-d’œuvre.
Les droits de douane – d’autant plus s’ils sont annulés par les tribunaux ou supprimés par la prochaine administration – ne feront pas revenir l’industrie. Produire au Vietnam permet d’économiser plus de 90 % sur le coût de la main-d’œuvre ; aucun tarif ne peut compenser cet écart. Au contraire, ces mesures ralentiront la croissance du PIB et détruiront encore plus d’emplois manufacturiers.
Quant aux expulsions, elles visent à réduire la « main-d’œuvre excédentaire ». Mais les Etats-Unis connaissent déjà le plein emploi. Chasser des travailleurs fera grimper le coût du travail, élargissant encore le fossé entre le coût de production américain et celui des autres pays. Cela aggravera aussi l’insolvabilité de la Sécurité sociale, rapprochant le moment – peut-être déjà atteint – où, comme l’a dit le chancelier allemand Friedrich Merz, « l’Etat-providence ne pourra plus être financé par ce que nous produisons ».
Ce constat n’a rien de nouveau : il suit le schéma classique des empires en déclin, étranglés financièrement et militairement.
Ainsi, après l’annonce des tarifs de 50 %, le premier ministre indien Modi a pris le premier avion pour Pékin. Russie, Inde et Chine forment désormais un bloc continental au cœur de l’Eurasie : exactement le type de coalition dont les Etats-Unis n’ont pas besoin… s’ils veulent conserver leur hégémonie.
Mais la semaine dernière, Trump a franchi une étape encore plus inquiétante.
Il a déclaré avoir ordonné l’exécution de tout l’équipage d’un bateau qui :
- se dirigeait peut-être vers les Etats-Unis… ou pas ;
- transportait peut-être de la drogue… ou pas ;
- violait peut-être la loi américaine… ou pas ;
- avait peut-être causé du tort à des citoyens américains… ou pas.
Le mot que J.D. Vance tourne en dérision figure dans le sixième commandement.
Rappelons qu’en 1919, un amendement constitutionnel avait interdit l’alcool. Des cartels de contrebandiers – l’un aurait impliqué le père de JFK – faisaient passer clandestinement le « rhum du diable » à la frontière. Les garde-côtes étaient chargés de les intercepter.
Ils furent arrêtés, certes, mais aucun n’a été exécuté sommairement. Et l’on ne connaît aucun exemple de barman abattu pour avoir servi un gin-tonic.
Ici, il se passe quelque chose de différent. Serait-ce le signe que nous franchissons un seuil dangereux ?