▪ "Depuis quelques années", écrit Tim Morgan dans Life After Growth ["La vie après la croissance", NDLR], "le TRE moyen mondial chute, alors que les ressources énergétiques sont devenues à la fois plus rares et plus difficiles (c’est-à-dire plus coûteuses en énergie) à extraire".
Vous avez peut-être déjà entendu parler du concept appelé taux de retour énergétique (TRE). Ce taux représente la quantité d’énergie nécessaire ramenée à la quantité d’énergie que nous extrayons. Certains, comme Morgan, pensent que ce chiffre est très important.
Par conséquent, une baisse du TRE est devenue la base de plusieurs prévisions pessimistes…
Selon ces scénarios, nous dépensons de plus en plus d’énergie pour obtenir de l’énergie et nous en avons de moins en moins pour les autres éléments discrétionnaires. Comme l’observe Morgan, "si les TRE chutent, notre façon de vivre consumériste est terminée".
Mon propos ici est de démonter cet argument erroné.
▪ Corrigeons une erreur ancienne
Je dois avouer que je me suis laissé avoir par ce concept de TRE. Il y a deux ans, j’avais écrit un article intitulé "Déchiffrez ce code : TRE — Pourquoi il est important aujourd’hui et qu’en faire". J’y incluais une liste de TRE approximatifs pour diverses sources d’énergie :
– Nouvelles sources de pétrole et de gaz dans les années 1970 : 30 pour 1
– Nouvelles sources de pétrole et de gaz conventionnels de nos jours : 20 pour 1
– Sables bitumeux : 5 pour 1
– Nucléaire : 4 pour 1
– Photovoltaïque : 4 pour 1
– Biocarburants : 2 pour 1
Je remarquais que de tels ratios chutaient et concluais qu’un ensemble de sources au TRE plus faible entraînait une hausse des prix de nombreuses matières premières, parce qu’"il faudra plus d’énergie pour les produire".
Ce n’est pas du tout ça.
J’aimerais corriger mon ancienne erreur, vous convaincre que le TRE est voué à l’échec et que vous ne vous fassiez pas avoir. Je partirai du postulat de Morgan parce qu’il se déclare clairement adepte de cette idée dans son nouveau livre.
L’hypothèse essentielle de Morgan apparaît dès la page cinq : "l’économie n’est pas du tout une question d’argent. Notre système économique est fondamentalement fonction de l’énergie excédentaire".
Ceci est la clé de tout l’argumentaire en faveur du TRE. Morgan le répète souvent. Et c’est complètement faux.
L’argent est l’élément principal. Il est l’essence de la vie économique. Il est au centre de la prise de décision. |
On ne peut ôter l’argent de cette équation ! L’argent est l’élément principal. Il est l’essence de la vie économique. Il est au centre de la prise de décision. Comme le disait l’économiste Hyman Minsky, "l’argent n’est pas tout. Il est l’unique chose".
▪ Un facteur essentiel…
Il faut se montrer sceptique face à ceux qui cherchent à analyser notre économie en ne prenant pas en compte l’argent. Les ménages et les entreprises prennent des décisions fondées sur l’argent. Ils n’utilisent certainement pas le TRE, et ne devraient d’ailleurs pas le faire.
Lorsqu’une entreprise décide de forer un puits ou de ne pas le faire, elle le fait sur la base des coûts et des bénéfices estimés. Elle prend une décision en se fondant sur un rendement attendu — mesuré par l’argent. Ca ne donne pas la même chose. Les projets à fort TRE peuvent être perdants. Les projets à faible TRE peuvent être gagnants — mesurés en bénéfices et en retour sur investissement, en terme d’argent.
Selon la logique de Morgan, le fait de générer de l’électricité ne devrait pas vous importer… Voici ce qu’en dit Robin Mills, qui travaille actuellement chez Manaar Energy (et qui travaillait auparavant pour la compagnie nationale pétrolière des Emirats Arabes Unis à Dubaï) :
"Générer de l’électricité, généralement avec une efficience de conversion thermale de moins de 50% sans compter les pertes de transmission, a un TRE bien inférieur à un mais reste rationnel et économique parce que l’électricité est une forme d’énergie très utile".
On accorde plus de valeur à l’électricité qu’aux ressources en entrée de la production. |
En d’autres termes, le coût de ce qui est nécessaire à la production est inférieur au coût de ce qui est produit. Cela fonctionne parce que… c’est rentable ! On accorde plus de valeur à l’électricité qu’aux ressources en entrée de la production. Cependant, vu au travers du prisme du TRE, cela n’a aucun sens.
▪ … pour comprendre l’économie réelle
On peut construire n’importe quel scénario catastrophe sur les ressources si on exclut les prix. Si, par exemple, des niveaux moindres de qualité des minerais étaient déterminants pour prévoir les prix, nous verrions alors une hausse continue des prix du cuivre et d’autres ressources. Clairement, ce n’est pas le cas. Mais cela n’empêche pas certains (généralement des géologues) d’utiliser ces concepts qui ne tiennent pas compte de l’argent pour faire des prévisions économiques d’une hausse des prix.
En règle générale, si on ne tient pas compte de l’argent, alors on ne tient pas compte de l’économie du monde réel tel qu’il existe aujourd’hui.
C’est là ma plus grande objection au TRE. Mais je ne vais pas entrer plus dans le détail ici. Cela serait trop long. Je n’expliquerai pas comment le TRE est calculé : il n’y a pas d’accord à ce sujet et lorsqu’on y pense, il est peut-être impossible de le savoir avec précision.
Au final, je pense que Morgan n’a pas vraiment compris l’argent moderne. Il se contente de répéter un vieux mythe sur ses origines. Il ne semble pas savoir que les monnaies fiduciaires ont de la valeur. (Il affirme que l’argent est un "titre sur des biens et services réels", ce qui ne fait que soulever cette question : pourquoi les gens acceptent-ils des dollars en échange de biens réels ?) Il ne semble pas comprendre que l’intérêt premier dans une économie de marché est de faire un bénéfice monétaire.
Contrairement à Morgan, on ne peut ne pas tenir compte de l’argent et espérer comprendre l’économie moderne. Il faut étudier l’argent. Et sur les marchés, il faut faire un excédent d’argent (un bénéfice) — sinon vous êtes rapidement mis hors jeu. Je ne peux pas dire que la même chose soit vraie pour le TRE — ce qui est peut-être le meilleur argument contre.
Vous pouvez ignorer le TRE, pas l’argent.
7 commentaires
Ce n’est pas ce que j’appelle une démonstration, il n’y a aucun raisonnement logique qui tend à démonter le principe du TRE.
Localement le TRE peut évidement être négatif et l’économie peut s’en accommoder si le bien produit à plus de valeur.
Le problème viendra lorsque la proportion de création d’énergie a faible TRE augmentera, c’est d’ailleurs déjà le cas actuellement, si l’économie ralenti et ne remettra plus les gaz, c’est que le TRE global à fortement diminuer, malgré les liquidités injectées.
Lorsque le TRE global sera négatif, il ne restera pour produire de l’énergie que le renouvelable…
Je suis tout à fait d’accord avec Gilliot. L’auteur ne démontre rien. Il ne fait qu’affirmer qu’il faut absolument prendre l’argent en compte. Il me semble que les partisans d’une explication énergétique de l’économie (tel que Jean-Marc Jancovici ou Benoît Thévard) indique juste que l’énergie est le principe final et structuant, l’argent n’en étant qu’un dérivé plus ou moins représentatif. L’industriel va certes garder en vue seulement l’argent, ça ne veut pas dire que cet argent ne dépend pas de quelque chose de plus essentiel (à savoir l’énergie). Pour que l’auteur puisse nous convaincre, il faudrait indiquer en quoi le TRE de façon générale (et non dans certains cas particuliers) ne correspond à aucune réalité…
Même commentaire que MM. Gilliot et Jouzel.
Ayant eu l’occasion de forger cette formulation du TRE en 2010 pour traduire l’anglicisme EROEI, je vous suggère de parcourir les ouvrages dans lesquels ce concept est exploré (notamment le livre de Joseph Tainter, L’Effondrement des sociétés complexes).
Rappelons d’abord ce qu’est le taux de retour énergétique. C’est la mise en relation de l’énergie produite et de l’énergie requise pour obtenir cette production.
Ainsi, prenons une source d’énergie ayant un TRE de 5. Il faudra 1unité énergétique pour en obtenir 5, c’est-à-dire qu’il restera 4 d’énergie nette.
Pour revenir à votre exposé, prenons un puits énergétique, type agrocarburant de première génération, avec un TRE de 0,8. Il pourra continuer effectivement à subsister économiquement sur le marché tant qu’il bénéficiera de subventions par exemple, ou que le coût des externalités ne sera pas pris en compte. A court terme, le raisonnement de l’argent que vous évoquez peut faire sens.
En revanche, à long terme, c’est plus compliqué : un changement de politique de subventions, la simple analyse du rendement de la filière condamne toutes les filières à bas TRE.
L’autre question du TRE est ensuite de savoir si l’on peut ou non maintenir notre niveau de civilisation, avec un grand nombre de personnes non directement productives (artistes, intellectuels, retraités), sans un TRE élevé.
J’attends toujours une contre-argumentation solide sur le sujet.
Vous avez beau soutenir, que l’économie est une question de finances, ce n’est pas l’argent, qui fait avancer les trains, qui vous procure nourriture, chaleur, vêtements, bien consommables etc…
Le pic de découverte des puits de pétrole date des années 70. Et le TRE est passé de 100 à environ 25.
Que se passera-t-il selon vous le jour où il vous faudra dépenser un baril de pétrole, pour en récolter un ?
Tout l’argent du monde n’y pourra rien, et l’économie mondialisée que nous connaissons aujourd’hui,
effondrera brutalement, si la transition n’a pas été anticipé, et si un changement radical dans nos modes de vie n’a pas été opéré. Réveillez vous !
Je suis content des réponses faites à cet article extrêmement anthropocentré. Nous aurons beaucoup de difficultés à cesser de regarder l’écologie avec des lunettes d’économiste pour regarder enfin l’économie avec des lunettes d’écologiste. Une filière peut être très profitable économiquement parlant et catastrophique sur le plan écologique. Les sables bitumineux en sont un exemple. Celui qui pense que l’argent, qui n’est qu’une convention entre les hommes, résoudra tous ces problèmes que pose une dette écologique grandissante dont nous ne connaitrons ni le terme ni le montant, qui seront non négociables, est comme celui qui « croit qu’une croissance infinie est possible dans un monde fini » : il « ne peut être qu’un fou ou un économiste ».
Si nous perdons une biosphère habitable, il admettra peut-être que nous perdons l’infini, et que, c’est mathématique, rapportée à l’infini, n’importe quelle dépense imaginable est égale à zéro. A ce moment là, tout l’argent du monde vaudra zéro.
Je trouve cet article navrant. Incroyable que l’on ne puisse à ce point être hermétique aux règles physiques de base.
Si des êtres humains se sont mis à utiliser des bœufs pour tirer les charrues, c’est parce que cet apport d’énergie animale leur évitait d’en fournir.
Si des être humains ce sont mis à utiliser des bateaux à voile plutôt qu’à rame, c’est parce que cette énergie leur évitait d’en fournir.
Si des êtres humains se sont mis à construire des moulins à vent ou à eau, c’est parce que cet investissement en énergie humaine leur permettait ensuite d’économiser leur énergie grâce à l’apport du moulin.
Il s’agit de physique avant d’argent.
Oui le TRE est une mesure pertinent mais comment calculer .Seul l’argent reflet la réalité .Comme dissent les socialo communistes c’est qu’une écriture. Quand une éolienne fabrique le KWH pour 8 centime et le solaire à 10 et une centrale nucléaire à 4 centimes ça simplifie les calcules alambiqués et certainement pas très éloigné des réalités autrement dit je mette UN KWH et je sorte 0.5 en somme ça se comporte comme une batterie je mette des KWH de dans et je sorte 50% . J’ai un pompe à chaleur depuis 40 ans c’est facile à calculer ça multiplie par 4 mon KWH je sais combien j’ai consommé donc combien gagné de KWH Je sais Oh combien ça m’a coûté en divisant le prix par 4 centimes Non ça ne fabrique pas de l’énergie non plus