Bientôt 1 500 Mds$ d’intérêts à verser aux créanciers des Etats-Unis… Le game over se rapproche-t-il ?
Alors que les 500 valeurs du S&P 500 ont perdu plus de 5 000 milliards de dollars de capitalisation en un mois (l’indice large culminait à 6 130 points le 17 février dernier, il est retombé à 5 600 points ce 17 mars), l’or est passé au cours de la même période de 2 900 $ à 2 990 $/3 000 $.
Le montant des réserves négociables de métal précieux atteint un record de 20 000 milliards de dollars de capitalisation, soit environ 40% de la valeur boursière des 500 composantes du S&P.
L’or, qui affiche +44% au cours des 12 derniers mois, a surperformé – souvent de façon spectaculaire – la plupart des classes d’actifs, notamment les small et mid-caps du Russell 2000, qui affichent -1% depuis le 17 mars 2024.
Le S&P 500 a progressé de seulement 11% depuis cette date alors qu’il reculait, jeudi dernier, de 6% depuis le début de l’année, l’or franchissant symétriquement le cap des +14% depuis le début de l’année (+14,5% avec le test des 3 005 $), soit un différentiel de 20% sur la période.
L’écart était encore plus spectaculaire jeudi dernier par rapport au NASDAQ, qui affichait -10,5% depuis le 1er janvier (et sur 12 mois, le NASDAQ ne gagne que 10%, soit -34% par rapport au métal précieux).
Seuls Athènes et Francfort, ex-aequo avec +15,2%, font mieux que l’or en Europe en 2025 (mais moins bien sur 12 mois). Hong-Kong est la seule place d’Asie à surperformer en 2025 avec +19%, loin devant Singapour avec +3%, ou Shanghai avec +2%.
Historiquement, l’or constitue la valeur refuge privilégiée quand les actifs spéculatifs corrigent – typiquement les actions et les crypto-monnaies – alors que ces deux classes ont flambé sans discontinuer de mi-mars 2024 au 19 février, ou même le 6 mars pour le DAX 40.
Même constat par rapport au dollar : or et billet vert évoluent de façon symétrique, mais une fois encore, pas du 17 mars 2024 au 27 février 2025.
Et l’or a également grimpé malgré la dégradation des marchés obligataires, notamment les Bunds et les OAT (qui affichent respectivement leurs pires niveaux depuis 14 ans, soit juin puis avril ou fin octobre 2011).
L’or a surmonté tous les obstacles traditionnels, s’est joué de toutes les « règles historiques ». Et il ne l’a pas fait en s’alimentant d’une frénésie spéculative, de vagues d’achats sur des produits dérivés à effet de levier.
La hausse repose sur des achats massifs d’or physique, notamment aux Etats-Unis. Les importations d’or des Etats-Unis ont atteint un record de 30,4 milliards de dollars en janvier, marquant un deuxième mois consécutif de forte augmentation. C’est plus de deux fois les montants observés pendant la grosse correction boursière de février/mars 2020 (début de la pandémie COVID, avec la spectaculaire vague de risk-off de la mi-mars).
Par ailleurs, l’or a atteint les 3 000 $ alors qu’un « risque » récurrent venait d’être écarté : Wall Street a salué ce vendredi 14 mars un accord bipartisan conclu par la Chambre et le Sénat (la signature vendredi soir avant minuit était acquise), ce qui écarte pour quelques mois un nouveau shutdown des administrations fédérales.
La trajectoire de l’or semble en revanche « classique » en relation avec l’anticipation par les ménages américains d’une récession au cours des 12 prochains mois : le consensus a dépassé les deux tiers fin février, et flirte avec 70% mi-mars.
L’indice de confiance des consommateurs de l’université du Michigan publié ce 14 mars a littéralement dévissé, de 64,7 vers 57,9 en mars (soit -10,5% sur un mois et de -27% sur un an), selon l’estimation préliminaire de l’université du Michigan.
Les sous-indices mensuels se dégradent dans toutes les catégories :
- finances personnelles (surendettement) ;
- marché du travail et perspectives salariales ;
- climat des affaires et prises de commandes ;
- inflation ;
- marchés boursiers (probablement les derniers à avoir pricé ce qui précède).
Ce que la hausse de l’or intègre, c’est rien de moins que le constat du doublement du coût de la dette en quatre ans (mandat de Biden), avec un montant record de 1 200 Mds$ à verser aux créanciers.
Ce fardeau reflète simplement la situation actuelle, si on arrêtait les comptes en cette mi-mars, sauf que la situation va fortement empirer d’ici juin avec 6 300 Mds$ de dette à refinancer d’ici la fin du 1er semestre 2025.
Et les intérêts seront payés avec « de l’argent magique qui n’existe pas » : comprenez, le Trésor US va devoir les imprimer.
Voilà le cadeau empoisonné dont l’administration Trump vient d’hériter.
Si par bonheur, les taux restent stables (aujourd’hui, le coût médian du refinancement de la dette est à 3,30%), le paiement des intérêts devrait atteindre 1 500 Mds$ de dollars d’ici la fin de l’année, soit plus de 1,65 fois et demi la valeur – très théorique – du stock d’or de la Fed.
Et même si la Fed parvenait à réduire ses taux de 100 points de base (le consensus médian table sur -75 points), les coûts d’intérêt atteindront toujours environ 1 300 Mds$.
Et cette hypothèse suppose que l’économie US évitera une récession ou tout ralentissement économique important… qui entraînerait une chute des recettes fiscales (le même péril guette la France, avec son budget 2025 bâti sur des prévisions irréalistes, pour ne pas dire délibérément fallacieuses).
Et l’Europe se lance à son tour dans une fuite en avant dans la dette avec +1.000 Mds€ de « dépenses d’investissement de modernisation de la défense » en Allemagne (sur 10 ans).
Là encore, il s’agit « d’argent magique qui n’existe pas ».
Europe ou Etats-Unis viennent de rentrer dans l’ère de la « menace existentielle », une situation qui coche pratiquement toutes les cases d’une crise argentine du début des années 2000 ou grecque (2010/2012).
Mais cette fois, à l’échelle d’un continent, ce n’est pas le niveau d’un pays de « second rang économique » qui sera sacrifié : c’est sa monnaie.
Certains se réjouissent presque d’une telle issue qui détruit la dette – les créanciers sont remboursés en monnaie de singe – mais les principaux créanciers du Trésor US ou de l’Etat français sont d’abord les futurs retraités.
Pour eux, toute solution autre que l’évaporation de la valeur de la monnaie reste préférable, même une récession ou une dépression.
Mais puisqu’il n’existe aucune certitude en la matière et que les Etats étranglés par la dette ont toujours opté pour la gabegie monétaire, quelle meilleure solution qu’accumuler de l’or qu’aucune banque centrale ne sait imprimer.
Et ce n’est pas pour rien que la chine, l’Inde, les Etats-Unis songent à consolider leur assise monétaire en accumulant de l’or.
Les Etats-Unis envisagent de constituer une réserve stratégique en crypto-monnaies, ce qui précipiterait la dévaluation du dollar si le mouvement faisait boule de neige au sein des épargnants américains.
Une solution alternative consisterait à réévaluer les réserves d’or existantes, à condition qu’un audit confirme bien la pleine propriété des Etats-Unis sur les 8 135 tonnes d’or (estimation vieille de 50 ans, soit environ 300 millions d’onces, d’une valeur proche de 900 Mds$, à rapprocher des 1 200 à 1 500 Mds$ d’intérêts de la dette US) stockées dans les coffres de la Fed, à Fort Knox, et dans les sous-sols de Manhattan.
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« Europe ou États-Unis viennent de rentrer dans l’ère de la « menace existentielle », une situation qui coche pratiquement toutes les cases d’une crise argentine du début des années 2000 ou grecque (2010/2012). » Tout est sans doute dit