L’idée revient régulièrement dans le débat public : taxer les riches pour réduire les inégalités et financer les services publics. Mais derrière ce discours séduisant, la réalité montre que l’impôt sur la fortune est loin d’être la solution miracle.
Dans ma dernière chronique, j’ai souligné que – contrairement à ce que prétendent le sénateur Bernie Sanders et la représentante Alexandria Ocasio-Cortez aux Etats-Unis – l’un des plus grands problèmes des pays occidentaux ne vient pas de ceux qui gagnent des milliards.
Il vient de ceux qui dépensent des milliers de milliards – à savoir nos élus.
Pourtant, l’idée de faire payer davantage les riches – voire de rétablir un impôt global sur la fortune en France – revient régulièrement sur le devant de la scène. Ses partisans prétendent que ce serait la solution aux inégalités croissantes, et un moyen sûr de renflouer les caisses publiques.
Mais quand on dépasse les slogans faciles, la réalité est toute autre…
Peu efficace, économiquement contre-productif et historiquement périlleux, l’impôt sur la fortune est l’exemple parfait de bonnes intentions qui produisent de mauvais résultats.
Commençons par les bases.
Taxer la valeur latente d’un patrimoine – c’est-à-dire des biens qui n’ont pas été vendus, donc qui n’ont pas généré de liquidités – pose trois problèmes majeurs.
- La valorisation : un casse-tête permanent
Comment évaluer justement des actifs non cotés, comme une PME ou une résidence secondaire ? Les estimations sont souvent arbitraires, ouvrant la porte aux litiges et aux excès de zèle administratif.
- La double, voire triple, imposition
Les plus-values sont déjà taxées. Les successions aussi. Et les revenus issus du patrimoine sont imposés lourdement. Ajouter un impôt sur la valeur brute du patrimoine revient à sanctionner à répétition ceux qui ont épargné ou investi. Un impôt sur la fortune vient donc empiler une couche supplémentaire, désincitant à l’investissement et pénalisant l’épargne à long terme.
- Des effets rétroactifs injustes
Taxer l’appréciation d’un actif comme s’il s’agissait d’un revenu réel revient à imposer un gain qui n’a pas encore été encaissé, voire jamais réalisé. Cela contrevient à l’esprit du droit fiscal, qui repose, en théorie, sur la notion de capacité contributive réelle.
Ce que nous apprennent les autres pays
En Espagne, un impôt sur la fortune de 3% a conduit à une fuite de 20% des capitaux de ses contribuables fortunés en moins de deux ans. En Norvège, une simple hausse de 1% a fait disparaître plus de 3,4 milliards de richesse taxable. En France, entre 2002 et 2012, l’ISF a contribué au départ de plus de 10 000 contribuables aisés, sans améliorer la redistribution.
A tel point que la quasi-totalité des pays européens ont abandonné leur impôt sur la fortune.
Distorsions de marché
Quand les contribuables doivent vendre des actifs pour payer l’impôt, cela provoque :
- des ventes non désirées ;
- une pression baissière sur les prix ;
- un détournement de l’investissement productif vers les niches fiscales ou les placements défensifs.
Et lorsqu’un actif est valable mais peu liquide (par exemple, un immeuble locatif ou une participation non cotée), cela crée une tension de trésorerie qui peut asphyxier des contribuables pourtant « riches sur le papier ».
Des dommages économiques importants
Un impôt sur la fortune de 2% aux Etats-Unis réduirait le PIB de plus de 6% et supprimerait plus d’un million d’emplois en l’espace d’une décennie. Les salaires baisseraient, les investissements en capital se tariraient et la classe moyenne – bien qu’elle soit « exemptée » – verrait ses revenus diminuer de 8%.
Ce n’est pas qu’une théorie.
En Espagne, les inégalités n’ont pas bougé sous l’effet de l’impôt sur la fortune, mais l’économie a reculé de 4,3% par an. Ce n’est pas de la redistribution, c’est de la destruction.
Aux Etats-Unis, l’impôt sur le revenu a été instauré en 1913 pour les 1% les plus riches. Taux de départ : 1%, plafond : 7%.
Aujourd’hui, les classes moyennes subissent des taux marginaux supérieurs à 22%, à 15% de cotisations sociales, et jusqu’à 10% d’impôts locaux et d’Etat.
Ce qui était temporaire est devenu structurel. Trois phénomènes l’expliquent :
- glissement des tranches (effet de l’inflation) ;
- élargissement de l’assiette (suppression des niches) ;
- normalisation des hausses (les taux d’urgence deviennent permanents).
Résultat : aujourd’hui, ce sont les classes moyennes qui portent le poids de la fiscalité sur le revenu, avec une pression plus forte qu’à l’époque.
Pourquoi en serait-il autrement avec un impôt sur la fortune ? Les riches paient-ils leur part ?
On entend souvent que « les riches ne paient pas leur part ». Mais les chiffres disent autre chose.
En 2022, les 1% les plus riches aux Etats-Unis ont payé 749 milliards de dollars d’impôt sur le revenu, soit plus que les 90% les moins riches réunis.
Si l’on ajoute les impôts locaux, les plus-values, les droits de succession et l’impôt sur les sociétés (in fine payé par les actionnaires), les ménages aisés supportent une pression fiscale réelle de 40% à 55%.
Les impôts confiscatoires ne rendent pas le système plus équitable. Ils le rendent moins efficace et plus punitif.
Il ne s’agit pas seulement d’une politique peu judicieuse – mais aussi d’une violation des droits de propriété.
Ce qu’il faut vraiment ?
Pas un nouvel impôt, pas une énième taxe punitive.
Mais une simplification du système fiscal, et un cadre stable et prévisible qui encourage l’investissement productif.
La prospérité ne vient pas de la punition, elle naît de la liberté, de l’initiative, et de la confiance dans les règles du jeu.
2 commentaires
L’histoire du dernier siècle a démontré que le libéralisme du Profit est, globalement et à terme, plus efficace que la réglementation par l’État. L’effondrement économique soviétique, l’habile reconversion Chinoise l’ont prouvé. Mais le recul économique et social des cinq dernières années en Occident montre qu’ entre le règne de l’État et le règne du Profit des Particuliers, la synthèse de ces contraires est difficile.
Par définition , le profit ne peut être général et permanent , ce qui explique, entre autres, la préférence pour la liquidité (possibilité de sortir avant les autres d’un investissement) et l’enfermement des citoyens-contribuables (faire payer à d’autres les profits ou privilèges des uns).