▪ Tout va bien, non ? La Grande Correction… elle est terminée ?
Eh bien, voyons où nous en sommes. En 2007, le secteur privé américain est rentré dans le mur. Il ne pouvait pas aller plus loin. Il avait trop de dettes. Les prêteurs et les investisseurs commençaient à réaliser que ces dettes ne seraient pas remboursées.
Des milliards… peut-être des milliers de milliards… de dollars avaient été prêtés à des gens qui n’étaient pas vraiment solvables… sur la base de nantissements qui ne valaient pas ce qu’on pensait qu’ils valaient. L’immobilier était dans une bulle. Il avait doublé au cours des 10 années précédentes — après n’avoir fait que suivre l’inflation durant les 100 années précédentes. Les maisons étaient surévaluées à tel point que le domicile moyen était complètement hors de portée de l’acheteur moyen.
Le processus d’endettement durait depuis 60 ans. Il a commencé à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il aurait dû se terminer bien plus tôt, mais les autorités et leurs économistes de poche avaient une théorie. Lorsqu’une économie commençait à « corriger » — c’est-à-dire à se débarrasser des dettes idiotes, des entreprises sottes et des spéculations insensées — les autorités pensaient qu’elles devaient intervenir pour y mettre fin. Ils pensaient qu’une économie saine se développe toujours. Les récessions — ou les corrections — étaient des choses qu’il fallait éliminer, comme la vermine.
Et leurs théories leur indiquaient comment faire. Lorsque les entrepreneurs et les investisseurs ont commencé à reprendre leurs esprits et corriger leurs erreurs, les autorités leur donnaient une nouvelle dose de l’élixir qui les avait tant grisés — du cash et du crédit.
Cette approche a « marché » pendant de nombreuses années — dans le sens où les autorités ont pu empêcher les corrections et maintenir l’économie en mode croissance. Toujours plus d’emplois. Plus de dépenses. Plus de production. Plus de dette.
Jusqu’à maintenant.
▪ Qui insulte sa grand-mère… cambriole une banque
Cette théorie est-elle saine ? Non. Si l’on laisse faire un enfant qui insulte sa grand-mère, il risque de finir par cambrioler une banque. C’est notre contre-théorie. Une économie a besoin de corriger de temps à autre. On fait toujours des erreurs — même les hommes d’affaires les plus intelligents et les spéculateurs les plus forts en maths. Si ces erreurs ne sont pas corrigées… elles s’additionnent et se multiplient. Les erreurs ne disparaissent pas. Et les gens n’en apprennent rien. Au lieu de ça, ils continuent à faire les mêmes erreurs jusqu’à ce que tout explose.
Les forêts, par exemple. La nature a un moyen de nettoyer les branches mortes : les feux de forêts. Arrêtez les petits feux, vous aurez une conflagration bien plus importante plus tard.
Nassim Taleb utilise l’exemple des restaurants. Imaginez un monde dans lequel les mauvais restaurants ne feraient jamais faillite. La nourriture serait abominable partout… parce qu’il est plus simple et moins cher de préparer de la mauvaise nourriture que de la bonne… et il n’y aurait pas de punition pour la mauvaise cuisine.
Ou les pilotes de ligne. Imaginons qu’ils boivent aux commandes. Est-ce que vous les virez… ou bien vous les mettez aux commandes d’un nouveau Dreamliner ?
Sans corrections, le bois mort… la mauvaise cuisine… les choses incompétentes, paresseuses, stupides et désastreuses que font les gens… ne seraient pas systématiquement éliminées. Nous aurions un monde zombie… attendant l’Apocalypse zombie.
Les petites corrections empêchent les grandes.
Mais les autorités tentent de mettre fin à la correction de la dette. Et elles veulent y parvenir de la pire manière possible… en ajoutant plus de dette !
Est-ce que ça empêchera le secteur privé de corriger ?
Sans doute pas — mais les autorités auront quelque succès. Elles balanceront la dette sous le nez des gens. Certains mordront à l’hameçon. Certains secteurs entreront en mode bulle. Certains spéculateurs parieront lourdement là-dessus… et gagneront.
Personne, absolument personne, ne sait ce qui se passera exactement. Mais nous savons une chose, en revanche : la dette est dangereuse. Elle rend le débiteur vulnérable aux chocs. Et la manière dont elle est distribuée par les autorités — aux entreprises, au secteur financier et aux ménages — les rend vulnérables aussi. Tout repose sur un fantasme : qu’on peut continuer à emprunter et dépenser… pratiquement pour toujours.
Les autorités impriment de l’argent — 84 milliards de dollars par mois. Les détentions d’actifs de la Fed — la base monétaire de la nation — quintuplent en cinq ans. Le déficit américain calculé selon les normes comptables en vigueur grimpe 20 fois plus vite que le PIB national.
Avertissement : les autorités font une grosse erreur. Attendez un peu qu’elle soit corrigée !
2 commentaires
Bonjour,
Citation: « . » Imaginez un monde dans lequel les mauvais restaurants ne feraient jamais faillite. La nourriture serait abominable partout… parce qu’il est plus simple et moins cher de préparer de la mauvaise nourriture que de la bonne… et il n’y aurait pas de punition pour la mauvaise cuisine. »
Mais les restaurants, hors les hauts de gamme je suppose, sont mauvais partout – partout des pays industrialisés. Car ici comme ailleurs, le monde mercantile tire parti à son profit – donc au détriment de ses clients – des possibilités offertes par la technique : congélation, « sous vide », industrialisation forcenée des aliments qu’il suffit d’acheter chez Métro, succédanés séréotypés (sauces) etc.
Comme ils ont, derrière des apparences de diversité, globalement tous la même pratique (effet concurrenciel effondrement des prix et minimisation des charges), ils ne font pas faillite car à quel restaurant différent pourrait bien se raccrocher le consommateur moyen pour étalonner son jugement qualité ?
Résultat : Il n’y a pas de « punition pour la mauvaise cuisine », contrairement à ce que clament les simplistes zombies théoriciens de l’efficience des marchés et cette « mauvaise cuisine pour le plus grand nombre généralisée », aidée par la grande surface et l’industrie du succédané pas cher, transforme le consommateur en zombie ignorant du goût.
Delphin, économiste de la réalité
Pour sortir de la crise, il faut une correction.
Oui, c’est une solution mais il semble que ce ne soient pas celle que le « système » privilégie.
Actuellement ce que l’on observe, c’est (1) une monétisation partielle des dettes (dont l’effet le plus visible à court terme est la bulle boursière en cours et l’effet le moins visible à moyen/long terme est l’appauvrissement des classes moyennes) et (2) une reprise à peine déguisée du colonialisme qui consiste à aller piller les ressources naturelles des pays du sud (ce qui constitue de facto l’objet social de la société « Occident SA » depuis cinq siècle d’existence).
La solution que vous suggérer consisterait pour nos amis zombies à scier la branche sur laquelle ils sont assis. On peut le regréter (moi le premier) mais, il faut reconnaître qu’il y a une certaine logique lorsque l’on tient tout les pouvoirs à essayer de faire payer la facture de la crise aux autres (classes moyennes du nord et du sud)…