Les banques centrales et les investisseurs se ruent sur le métal jaune. Mais l’expérience des années 1980 nous enseigne que les certitudes d’aujourd’hui peuvent devenir les erreurs de demain.
CBS News rapporte :
« L’inflation a augmenté en août. Voici pourquoi investir dans l’or semble être une bonne idée aujourd’hui. »
Mais est-il vraiment judicieux d’acheter de l’or en ce moment ?
Si nous avons eu un jour le don de prophétie, nous l’avons perdu depuis longtemps.
Comme notre virginité, il s’est dissipé dans un tourbillon d’erreurs, de malentendus, de désirs et d’émerveillements, le jour où nous avons découvert comment les choses fonctionnent réellement.
C’est l’un des rares avantages de l’âge. Nous ne nous souvenons peut-être pas de ce que nous faisions il y a 45 minutes, mais nous nous souvenons encore du son de la voix de Maggie Thatcher, il y a 45 ans.
Aujourd’hui, nous repensons au « plus grand événement d’investissement jamais organisé » à La Nouvelle-Orléans, orchestré par notre vieil ami Jim Blanchard, et à la manière dont nous y avons perdu notre virginité d’investisseur.
C’est là, devant des milliers de participants, que Mme Thatcher avait expliqué que « les sociétés qui permettent aux individus d’utiliser leurs talents pour créer et s’épanouir… permettent aussi à leur économie de s’épanouir ». Elle avait raison.
Milton Friedman avait raison, lui aussi, lorsqu’il nous rappela au micro que « la planification centrale n’a jamais fonctionné » et que les « conservateurs » devaient résister à la tentation naturelle des politiciens et des bureaucrates d’accroître sans cesse leur pouvoir.
Mais c’est ce même Friedman – le grand défenseur du capitalisme de libre marché – qui a encouragé l’administration Nixon à commettre ce qui reste sans doute la plus grande erreur financière de l’histoire américaine. C’est lui dont les théories monétaristes ont introduit la planification centrale au cœur même du système monétaire national.
La nouvelle monnaie de Friedman, annoncée par Nixon en 1971, était détachée de l’or. Désormais, un comité de banquiers et d’économistes fixerait les taux d’intérêt et veillerait à ce que la masse monétaire progresse en ligne avec la croissance du PIB. Friedman proposait une augmentation d’environ 3 % par an de l’offre de dollars, un rythme censé assurer la stabilité des prix. Ces sages de la Fed devaient ainsi gérer l’économie, en « assouplissant » le crédit dans les périodes difficiles, et en le resserrant en temps de prospérité.
Mais Friedman méconnaissait totalement la politique et sous-estimait la nature humaine. Le résultat a été catastrophique.
C’est cette erreur monumentale – donner aux autorités fédérales le pouvoir d’imprimer autant d’argent qu’elles le voulaient – qui a préparé le terrain pour l’autre grande vedette de la conférence de La Nouvelle-Orléans : Howard Ruff. Ancien ténor des Singing Sergeants et mormon fervent (« je suis un chrétien pratiquant, disait-il, et je continuerai à pratiquer jusqu’à ce que j’y arrive »), il est monté sur scène en 1980 en véritable héros.
Son message (« abandonnez le dollar, achetez de l’or ») s’était avéré, disons, en or au cours des cinq années précédentes. Ses fidèles étaient riches et ravis. Son activité de devin financier était florissante.
À cette époque, nous étions tous devenus des « fanatiques de l’or ». En moins d’une décennie, le prix du métal jaune était passé de 35 $ à plus de 600 $ l’once. Nous avions multiplié notre mise par 17. Nous avions compris quelque chose que la plupart des gens ignoraient : l’or était la vraie monnaie – tout le reste n’était que du crédit. Et nous pensions que le dollar était condamné.
Qui aurait douté d’Howard lorsqu’il annonçait avec assurance : « L’or atteindra 5 000 dollars l’once » ?
Et pourquoi pas ? La Fed avait perdu le contrôle de l’inflation. Les États-Unis avaient une monnaie fiduciaire. Et nous savions ce qu’il advenait des monnaies fiduciaires : avec le temps, elles retournaient toutes à leur valeur intrinsèque – zéro.
Weimar… nous voilà !
Mais l’âge a aussi ses vertus : il nous permet de nous souvenir de ce qui est arrivé ensuite. L’or a culminé à 875 $ le 21 janvier 1980. Puis, presque en catimini, un autre héros a changé le cours de l’histoire. Peu d’investisseurs ont remarqué qu’il avait pris la parole, ailleurs, pour déclarer :
« En mettant l’accent sur l’offre de réserves et en limitant la croissance de la masse monétaire par le mécanisme de réserve, nous pensons pouvoir mieux contrôler cette croissance sur une période plus courte. »
C’était le 6 octobre 1979. Les propos semblaient techniques, presque anodins. Mais Paul Volcker venait d’annoncer sa volonté de terrasser l’inflation. Où trouverait-il la force politique pour y parvenir ?
Elle est arrivée un an plus tard. Le 4 novembre 1980, Ronald Reagan a été élu et a soutenu Volcker. Ce dernier s’est mis alors à briser l’inflation avec détermination.
Si seulement nous avions mieux vu ce qui se jouait… Nous aurions évité des pertes colossales. Mais les arguments en faveur de l’or paraissaient si irréfutables.
La suite est connue : l’or n’a jamais atteint les 5 000 $, ni même un niveau proche de cela. Il est retombé à 259 $ au cours des vingt années suivantes. En tenant compte de l’inflation, la perte pour les investisseurs a été d’environ 80 %. Et en termes réels, le prix de l’or n’a retrouvé son niveau de 1980… que la semaine dernière.
Barron’s rapporte :
« Les cours de l’or ont poursuivi leur ascension, les prix des lingots dépassant leur record ajusté de 1980. L’or au comptant a progressé de 0,1 % pour atteindre 3 656,40 $ l’once, franchissant le précédent sommet ajusté de 3 498,77 $ l’once.
Cette envolée survient alors que les données économiques signalent un risque croissant de stagflation dans la première économie mondiale : les demandes d’allocations chômage atteignent leur plus haut niveau en quatre ans, et l’inflation globale accélère à 2,9 %, son plus haut niveau de l’année. »
Encore une fois, les arguments en faveur de l’or semblent imparables. Les petits investisseurs en achètent. Les banques centrales en accumulent. Les fonds d’investissement se ruent dessus.
Nous devons donc nous poser la question : sommes-nous à l’aube d’une nouvelle grande expérience ? Une nouvelle « vallée de la mort » pour l’or, d’une durée de 45 ans ? Une nouvelle occasion de perdre notre virginité d’investisseur ?

2 commentaires
« la planification centrale n’a jamais fonctionné » sauf en Chine, actuellement, où en France sous De Gaulle, Pompidou et Giscard.
Pour ce qui est de l’or, je continue à en accumuler. Mais quel sera le signal qu’il faut le vendre?
– Le remplacement du dollar par le yuan ou le bitcoin dans les échanges internationaux?
– La vente des stocks d’or des USA?
– la vente du stock d’or de la Russie?
La France ne progresse que planifiée…souplement. Merci pour vos conseils, ayant acheté des métaux précieux à temps. Le pari, c’est que la nouvelle monnaie d’un empire ou d’une nation doit être stable et reposer sur la confiance. La confiance c’est l’or ou l’argent, pour le moment. Ces deux là restent insuffisants et donc devraient s’apprécier. Les essais de « monnaie internationale » comme les DTS ne sont guère convaincants et restent limités aux échanges interétatiques. La volatilité des cryptomonnaies en limite l’usage pour les échanges, sauf à imaginer un « système de couverture ». Conclusion, c’est mieux de garder or et argent…pour le moment. Les dettes ne sont pas un problème tant qu’on peut les rembourser : c’est la seule vraie question.