L’encours des cryptos a été divisé par trois en six mois. Une baisse de cette ampleur ne va pas sans conséquences pour les sociétés qui ont lié leur sort au secteur, et les dominos pourraient commencer à tomber rapidement…
Voici peut-être la déclaration la plus imprudente de la semaine du 12 au 17 juin : alors que le Bitcoin testait pour la 13ème fois depuis le 11 mai le rempart à la baisse des 28 600 $, Michael Saylor, le PDG de MicroStrategy (le premier détenteur unique de Bitcoin avec 129 200 unités) affirmait que la cryptomonnaie de référence reste la « meilleure protection contre l’inflation ».
Michael Saylor rappelait que, depuis que sa firme a annoncé son premier achat de BTC le 11 août 2020 [le BTC cotait alors 12 000 $, NDLR], le bitcoin s’est apprécié de 149%, surperformant l’argent (-17%), l’or (-9%) le Nasdaq (5%), l’inflation PCE (11,2% sur 22 mois), le S&P500 (18%), la masse monétaire M2 (19%… score quasi identique au S&P 500), le prix des maisons (28%) et l’indices des prix à la production (33%).
Une chute en quelques jours
Cinq séances plus tard, le Bitcoin valait 10 000 $ de moins, faisant passer le gain à « seulement » 50%… mais, à la vitesse où la « mère de toutes les cryptos » s’effondre, et alors que le niveau des 19 800 $ (l’ex-zénith historique du 17 décembre 2017) ne semble plus infranchissable, il se pourrait que l’avantage par rapport à l’inflation soit réduit à néant avant la fin du mois de juin.
En effet, il n’existe tout simplement plus aucun support entre 20 000 et 12 900$ (ex-résistance du 26 juin 2019), ou 12 300 $, le précédent zénith du 17 août 2020.
Mais il va se poser dès ce lundi une question aux implications vertigineuses : MicroStrategy aurait fait état d’un prix de revient moyen de 30 500 $ (son niveau plancher du 20 juillet 2021) pour ses presque 130 000 jetons, et aurait emprunté plus de 50% des 3,8 Mds$ nécessaires pour ses achats auprès de différentes banques et investisseurs individuels fortunés. Son dernier emprunt en date, par exemple, aurait représenté 205 M$ auprès de Silvergate Bank pour acheter 4 300 bitcoins à 47 650 $… après 400 M$ en juillet… 600 M$ en février 2021… ou encore 650 M$ en décembre 2020.
Mettez-vous dans la peau de ces créanciers depuis le 9 mai dernier et l’enfoncement des 30 500 $, puis le 12 mai et la première incursion sous 27 000 $ depuis fin 2020…
Un mois plus tard, le 12 juin (à 16h), le Bitcoin décroche une première fois sous 27 000 $, puis enterre les derniers espoirs de rebond peu avant minuit.
Moins de 24 heures plus tard, il ne cote plus que 23 600 $. Quatre jours de plus, et il est tombé à 17 800 $. C’est 11 000 $ perdus en six séances qui font passer MicroStrategy d’une perte gérable (10% de moins-value sur l’encours de Bitcoin) à une perte abyssale de 40% qui désintègrera l’entreprise si les appels de marges sont appliqués, et place déjà ses créanciers au supplice.
Impossible stratégiquement d’exiger le remboursement de leurs prêts. Cela contraindrait MicroStrategy à liquider en mode panique 90% de ses Bitcoin, face à zéro acheteur, tout le monde sachant que le vendeur doit se couper le bras à n’importe quel prix.
Quels dominos tomberont ?
Mais ce n’est que la partie la plus sympathique de l’équation, car quelque chose de bien vital se joue, non plus pour le seul MicroStrateg, mais pour l’ensemble de la communauté Blockchain se joue. En effet, sous le cours de 20 000 $ par bitcoin, de nombreux « mineurs » contribuant à la solidité du Bitcoin et à l’ensemble des détenteurs cesseront leur activité, faute de rentabilité.
Puis, avec l’enfoncement des 19 000, 18 000 ou 17 000 $, c’est un véritable engrenage infernal d’arrêt des machines de minage, en mode « effondrement de la pyramide des dominos ».
Dès vendredi soir, les Antminer S17+/73T et S17+/67 (des machines servant à miner les cryptomonnaies) ont cessé leur activité, le point mort se situant à respectivement à 22 065 et à 25 085 $.
Puis ce fut au tour des Antminer S19 et S19j ainsi que les Whatsminer M30S+ qui requièrent un cours supérieur à 19 000 $.
Plus les cours descendent, plus grand est le nombre de fermes de minage qui cessent leur activité, tandis que la tentation grandit symétriquement de vendre le stock de Bitcoin que ces exploitants détiennent, non pas pour financer l’électricité (puisqu’ils arrêtent les machines), mais pour amortir le coût du matériel.
Des dizaines de milliers de serveurs sont équipés de cartes graphiques hautes performances qui doivent être remplacées en permanence, du fait de leur usure prématurée parce qu’exploitées au maximum de leur capacité et de la limite de résistance des microprocesseurs.
« Profitez de la vie ! »
Imaginez une console de type Xbox utilisée par 8 « gamers » survoltés se relayant toutes les 2 heures (soit deux équipes de quatre) pour disputer une partie 24 heures sur 24 et 365 jours par an contre des dizaines de milliers d’autres joueurs sur la planète, sur le jeu le plus « gourmand » en traitement de l’image, avec le plus grand nombre de fonctionnalités pouvant être mobilisées en simultané… et voilà la « vie » d’un seul des milliers de serveurs qui tournent en simultané pour « miner » des bitcoins.
Une « ferme de minage » a non seulement besoin de l’équivalent d’une ville moyenne (10 000 habitants) en terme de courant électrique pour tourner à plein régime, mais il faut en plus rajouter de l’énergie pour ventiler les étagères contenant les cartes graphiques et les empêcher de s’embraser comme une biscotte oubliée dans un micro-onde.
Les retombées du crypto-krach deviennent également politiques : le président salvadorien Nayib Bukele, qui a fait du Bitcoin l’une des monnaies officielles du Salvador, demande à ses concitoyens d’être patients face à l’effondrement su BTC sous les 20 000 $, soit moins de la moitié de ce que le gouvernement a payé pour constituer ses premières réserves.
Nous lui laissons le mot de la fin qui sont de vraies paroles de sagesse : « Arrêtez de regarder le graphique et profitez de la vie ! »
Avec une partie de l’épargne des salvadoriens – et des réserves de la banque centrale salvadorienne – qui a fondu de moitié, ce « profitez de la vie » prend une saveur toute particulière !
Est-ce que M. Bukele ne parlait pas pour lui-même… au cas où la poursuite de son mandat présidentiel deviendrait ingérable ?
3 commentaires
Tant de « schadenfreude » entre les lignes de cet article de Monsieur Béchade, qui depuis toujours s’est présenté comme un sceptique (le mot est gentil) du Bitcoin et des cryptomonnaies en général. Et pour l’instant (combien de temps durera cet instant ?), il est en train de savourer le fait d’avoir raison, tout comme ceux ceux qui prédisent un krach boursier durant dix ou douze ans ont de grandes chances de finir par avoir raison.
Je me contenterai de citer l’exemple (réel) d’un petit épargnant qui a commencé à accumuler des fractions de bitcoin en 2017 et qui, à un prix d’achat moyen d’environ 5 900 EUR, multiplie encore sa mise par près de 3,5 après l’impressionnante chute de ces dernières semaines. Pour ce petit épargnant, le bitcoin a constitué un excellent investissement (le meilleur de sa vie, à vrai dire) et une superbe protection contre l’inflation qui nous touche durement ces derniers temps.
Mais il est vrai que, pour la 452ème fois (selon les derniers relevés du nombre d’avis nécrologiques le concernant), le bitcoin est mort.
Monsieur Béchade, pourrez-vous nous en reparler dans un ou deux ans ? D’ici là, nous aurons eu le temps de savoir si le bitcoin est réellement mort ou s’il a repris sa course de plus belle, et si vous devriez enfin admettre, ou pas, qu’il est beaucoup plus résilient que vous ne le pensez.
Entre Béchade et vous il n’y a pas photo, vous nous faites le coup du petit épargnant ceci à titre de publicité gratuite, 98% des clients bitcoin ont perdus une grosse partie de leur capital et ce n’est pas terminé.
Il est vrai qu’avec le temps ( 1,2,5,10 ans) on peut prévoir que le marché de telle ou telle valeur ( Crypto ou pas ) va baisser. Le contraire est aussi vrai…
Alors le fait d’affoler les épargnants sur le court moyen ou long terme vous avance à quoi? Nous avons compris que vous devez vendre vos « lumières », qui sont, elles, toujours rentables. A part cela, vos écrits sont toujours intéressants