▪ Le mois d’août s’achève, mais la torpeur estivale semblait vouloir jouer les prolongations.
Il ne se passait tellement plus rien depuis le 10 août dernier — disparition de la volatilité, contraction des volumes sous les 1,5milliard d’euros en séance à Paris — que la Bourse ne constituait plus ni une source d’inspiration, ni de préoccupation… ni même un sujet de conversation entre professionnels.
Avec une place américaine shootée aux tranquillisants depuis vendredi dernier, dans le coma depuis lundi, les opérateurs ne souciaient même plus de surveiller les paramètres vitaux. Le pouls du marché s’apparentait à celui d’une marmotte en début de cycle d’hibernation, son électro-encéphalogramme apparaissait aussi plat que celui d’un hamster neurasthénique contemplant Secret Story au travers les barreaux de sa roue en plastique.
▪ Des marchés soporifiques
Le suivi des indices boursiers faisait bâiller jusqu’aux analystes techniques les plus motivés. Nous faisons allusion à ceux qui affirmaient que la récente envolée de 15% du CAC 40 n’était que la première étape d’un retour sur les 4 000 points. Pendant ce temps, les gérants pouvaient consacrer tout leur temps à déjeuner en terrasse, sans être obligé de garder un oeil rivé sur leur smartphone, ni même de le maintenir paramétré en mode vibreur.
Et aucun risque d’être dérangé par un client souhaitant passer un ordre en Bourse. En effet, les particuliers ont complètement déserté le compartiment actions, convaincus pour nombre d’entre eux que les évolutions miraculeuses des indices sont tout autant reliées à la réalité économique qu’un tapis volant à l’énergie mentale d’un illusionniste des Folies Bergères déguisé en fakir.
Cette séance de jeudi, même caractérisée par une orientation légèrement plus négative que les jours précédents, semblait bien partie pour s’achever par des écarts insignifiants.
Le CAC 40 par exemple ne corrigeait guère de plus de 0,3 ou 0,4% au moment de la réouverture de Wall Street. Les molles oscillations constatées autour d’un cours pivot de 3 400 points ne présentaient aucun caractère menaçant pour tous ceux s qui conservent leur portefeuille inchangé depuis le 25 juillet dernier — n’ayant accompli comme seul effort que de se retenir de vendre dans la hausse.
Le moins que nous puissions reconnaître, c’est que les programmeurs des robots algorithmique qui ont figé les cours ces trois dernières séances ont parfaitement réussi à endormir la méfiance de la plupart des opérateurs.
▪ Petite analyse technique de l’Euro-Stoxx 50
Les analystes techniques — si prompts à déclencher des stops et à faire décaler les cours de 1% avant que quiconque ait eu le temps de rafraîchir la page affichée à l’écran — n’ont même pas levé un sourcil ni le petit doigt ce jeudi lorsque l’Euro-Stoxx 50 s’est enfoncé sous le support des 2 415 points (plancher de clôture du 13 août).
Il faut dire que l’alerte à la baisse s’est matérialisée très tardivement ce jeudi (vers 16h) sans accélération des volumes et sans brusques dégagements sur le secteur bancaire.
Il fallait d’ailleurs faire très attention, car après un test des 2 400 points qui n’a duré que quelques secondes, l’indice s’est redressé jusque vers 2 411 points, niveau qu’il affichait encore à 17h25.
Revenu à quatre points du support à 10 minutes du fixing, il n’y avait certainement rien de fait. Les institutionnels bien intentionnés disposaient d’un laps de temps largement suffisant pour propulser l’indice au-delà des 2 415 points et piéger les vendeurs imprudents qui auraient pris la cassure des 2 415 points à la lettre.
A 17h35, le verdict technique s’avérait clairement baissier. Le sauvetage du support n’a pas eu lieu et une clôture à 2 403 points donne raison aux pessimistes. Une configuration de type tête/épaules est bien validée par l’enfoncement de la MM20 (2 435 points) puis de la ligne de cou des 2 415 points
Même en prenant comme référence les deux précédents plus bas intraday du mois d’août (des 13 et 24 août à 2 405 points), le scénario baissier demeure valide, avec un premier objectif de 2 340 points (ex-zénith de fin juillet) puis 2 300 points (base du canal ascendant moyen terme).
Tout comme l’Euro-Stoxx 50, le CAC40 (-1%) en a également terminé au plus bas du jour hier soir. Mais l’enfoncement des 3 400 points pouvait ne pas s’avérer décisif si les principaux indices américains parvenaient à préserver leurs supports moyen terme (13 000 sur le Dow Jones, 1 400 points sur le S&P).
Wall Street pouvait se raccrocher à la hausse surprise (0,4% au lieu de 0,2%) des dépenses des ménages américains (pour une hausse de 0,3% des revenus).
Le tableau macro-économique reste plus inquiétant de ce côté-ci de l’Atlantique. En effet, nous avons assisté à une forte chute du moral des milieux d’affaire européens au mois d’août. D’autre part, et 24 heures seulement après la Catalogne, c’était à la région espagnole de Valence de solliciter une aide de 4,5 milliards d’euros auprès de Madrid.
▪ Le 12 septembre sera une date-clé
Combien de temps M. Rajoy parviendra-t-il à différer la demande concernant la mise en oeuvre du plan de secours concoctée par Bruxelles et la BCE ? Il lui faut tenir au moins jusqu’au 12 septembre et la prise de position officielle de la Cour constitutionnelle allemande sur le statut du MES. Tout porte à croire que l’octroi d’une licence bancaire — ou de tout dispositif lui permettant de faire usage d’un effet de levier — sera jugé illégal, ce qui limitera très sérieusement ses moyens d’action.
Si les sages de Karlsruhe rendent un jugement conforme à la constitution allemande, cela n’interdira pas des rachats massifs de dette souveraine par la BCE.
Et le dernier verrou en la matière, c’est la Bundesbank — et plus précisément son patron Jens Weidmann – qui le maintient en position fermée depuis le mois de mars.
Si Angela Merkel cesse de soutenir sans réserves Jens Weidmann (plébiscité par l’aile conservatrice de la coalition au pouvoir), ce que certains observateurs croient déceler, Mario Draghi a peut-être déjà gagné la partie de planche à billets qu’il promet aux marchés depuis le 25 juillet dernier.
Comme il veut avoir le triomphe modeste, il a décliné l’occasion de parader à Jackson Hole au prétexte que les difficultés de l’Europe le tenaient trop occupé.
Les cambistes n’ont pas encore acté la défaite politique et monétaire du clan ultra-orthodoxe de la Bundesbank. Mais surveillez l’euro car s’il replonge sous les 1,2420 $, c’est que les rotatives de la BCE vont se mettre à tourner à plein régime cet automne.
Et l’une des conséquences les plus néfastes, ce pourrait être une nouvelle flambée du prix des denrées agricoles et des céréales de première nécessité — dont les cours battent déjà des records — pour les pays en voie de développement.
Et là malheureusement, il n’est pas possible d’imprimer les millions de boisseaux de blé, de soja et de maïs nécessaires pour éviter des famines meurtrières dès cet hiver.