Malgré tous les beaux discours sur la « reprise » et l’accélération de la croissance américaine, les salaires stagnent depuis 2000 et ne payent plus le travail.
En réalité, c’est pire : pour les 20% des salariés au bas de l’échelle, ils stagnent depuis les années 1970.
Le Produit intérieur brut (PIB) a certes augmenté depuis 2000, mais la part du PIB destiné aux salaires s’est effondrée. Cette tendance prolonge une tendance à la baisse qui dure depuis 47 ans.
J’ai expliqué que « notre société se divise à cause des inégalités toxiques de notre économie. » Deuxième partie de l’explication : la stagnation des salaires.
Pourquoi la stagnation des bas salaires nous condamne-t-elle ? Parce que notre système nécessite une hausse constante des revenus des ménages pour fonctionner – pas seulement pour les 5% les plus riches, mais pour les 80% les plus riches.
Les programmes sociaux aux Etats-Unis – Sécurité sociale, Medicare et Medicaid – sont des programmes avec un financement par répartition : toutes les dépenses d’une année sont payées par les impôts collectés cette année. Comme je l’ai déjà expliqué, ce qu’on appelle les Trust Funds sont des fictions ; lorsque la Sécurité sociale est en déficit, la différence entre les recettes et les dépenses est comblée par l’émission de bons du Trésor sur les marchés – exactement le même mécanisme que le gouvernement utilise pour financer tout autre déficit.
Les données démographiques aux Etats-Unis ont changé au cours des deux dernières générations. La génération des baby-boomers prend sa retraite en masse, augmentant le nombre de bénéficiaires de ces programmes, tandis que le nombre de travailleurs à temps plein par rapport au nombre de retraités est en baisse : à 10-pour-1 auparavant, il n’est plus que de 2-pour-1 aujourd’hui. On compte 60 millions de bénéficiaires de la Sécurité sociale et de Medicare pour environ 120 millions de travailleurs à temps plein aux Etats-Unis.
Pendant ce temps, les dépenses médicales par personne grimpent en flèche. Des cartels de la santé plus mercantiles que jamais, des traitements nouveaux et toujours plus chers, l’augmentation des maladies chroniques liées au mode de vie – il y a beaucoup de causes à cette tendance. Rien ne permet d’étayer le fantasme que cette tendance s’inversera par magie.
[NDLR : Cela peut paraître incroyable, mais vous pouvez profiter de ce système de croissance des frais médicaux et engranger des plus-values. Notre spécialiste vous explique tout ici.]
Des coûts qui grimpent de 6% par an
Les coûts grimpent en flèche et le nombre de retraités augmente sans cesse mais les salaires, eux, stagnent. Voyez-vous le problème ? Tous les programmes financés par répartition sont basés sur l’hypothèse que le nombre de travailleurs et les salaires qu’ils gagnent augmenteront à un rythme supérieur au taux de l’inflation et un rythme égal au taux d’augmentation des programmes financés par répartition.
Si 95% des ménages gagnent moins d’argent après ajustement à l’inflation, et que leur richesse a également diminué ou stagné, alors comment peut-on payer pour des programmes qui augmentent de 6% ou plus chaque année ?
En fait, on ne peut pas.
Le budget au niveau des Etats et des collectivités augmente également chaque année à mesure que les citoyens exigent plus de services, que les infrastructures nécessitent une maintenance et des améliorations coûteuses et que les coûts globaux pour fournir des services publics augmentent (la hausse des dépenses des gouvernements est principalement due aux remboursements de santé). Comment les ménages peuvent-ils payer des impôts fonciers et une TVA plus élevés si leurs revenus stagnent ?
Salaires stagnants = rentrées d’impôts sur le revenu stagnantes
Si les salaires stagnent, comment les ménages peuvent-ils dépenser plus ? La réponse conventionnelle est : nous créerons des bulles dans les actions, les obligations et l’immobilier afin que les ménages puissent dépenser cette nouvelle richesse.
Théorie séduisante mais seuls les ménages américains aux plus hauts revenus possèdent suffisamment de ces actifs. Jetez un oeil sur ces deux graphiques : les revenus comme l’inégalité des richesses atteignent des sommets.
Ce graphique montre que la majorité de la croissance des revenus est aujourd’hui concentrée dans le dixième des 1% les plus riches et la plus grande partie de ce qui reste va aux 5% les plus riches. Ceci est le seul résultat auquel aboutissent la financiarisation et les bulles d’actifs gonflées par les banques centrales.
Voici un autre graphique montrant la même dynamique mais excluant les plus-values.
Les 90% les plus pauvres ont perdu 10% lors de la décennie 2002-2012, les 5% les plus riches ont gagné 6% et, tout en haut de la pyramide des revenus, le centième des 1% les plus riches a gagné 76%.
La conclusion donne à réfléchir : les salaires ne sont plus un moyen adéquat pour distribuer le revenu ou payer le travail.
Notre système est profondément cassé – pas uniquement au niveau économique mais également au niveau social. Se cramponner à ce modèle condamnera le système.
Le système actuel ne peut perdurer. Emprunter des milliers de milliards de dollars pour couvrir cet échec ne fonctionnera plus encore très longtemps. Nous avons besoin d’un système nouveau.