▪ Après les 6,15% perdus en avril, la Bourse de Paris double la mise au mois de mai (-6,1%) et il s’en est fallu de peu pour que le CAC 40 affiche -7%. L’affaire semblait très mal engagée à un quart d’heure de la clôture : le repli atteignait alors 0,9% et l’indice flirtait avec les 2 985 points.
C’est alors que s’est amorcé une remontée en flèche d’une vingtaine de points en moins de 10 minutes, un véritable cavalier seul à la hausse, alors que toutes les autres places continuaient de broyer du noir. Le CAC 40 est alors passé au-dessus des 3 000 points.
Ce mouvement fut jugé pour le moins singulier compte tenu de la lourdeur des autres indices (DAX, S&P, Nasdaq…), mais nous n’avions encore rien vu !
Le CAC 40 a bondi de 0,5% durant le fixing. L’indice repassait ainsi de -0,45% à +0,05% en clôture tandis que pas moins de 1,7 milliard d’euros changeaient de mains en quelques secondes.
▪ Qui tire les ficelles de manière aussi grossière ?
Le chiffre d’affaires du jour a tout simplement doublé entre 17h20 et 17h35, passant de deux à quatre milliard d’euros en tout juste un quart d’heure.
Peu importe qu’il s’agisse d’une rumeur de plan de sauvetage des banques espagnoles ou d’une vague de rachat technique de ventes à découvert de fin de mois. L’investisseur non-initié constate une nouvelle fois que les cours peuvent décaler de façon aussi inattendue qu’inexplicable au gré des tours de passe-passe de quelques très grosses mains qui ne se préoccupent même pas d’enfiler des gants de velours.
Leur style, c’est plutôt le fer à cheval dans un gant de boxe… et le direct au menton. Pas de temps à perdre avec des feintes du gauche et des tentatives de crochet au foie pour user l’adversaire.
C’est la force brutale du poids lourd contre le jeu de jambe du poids plume. Si une seule droite du mastard atteint son but, son challenger traverse le ring sans toucher le sol et atterrit dans les cordes pour un K.-O. net et sans bavure.
▪ Un marche qui n’offre que des mauvais coups
Nous partageons l’avis de beaucoup de gérants : dans un marché tel que nous le décrivons depuis la mi-janvier, il n’y a que des mauvais coups à prendre.
Nous avons assisté à la perpétuation d’une hausse absurde et sans volume entre 3 380 et 3 600 points (du 31 janvier au 16 mars) puis à une rechute tout aussi linéaire du 16 mars au 18 mai avec le test des 2 970, c’est-à-dire le plancher de la mi-décembre 2011.
C’est dire à quel point la hausse du premier trimestre a été une bulle gonflée à coups de LTRO et d’un flux continu de pieux mensonges sur le retour de la croissance aux Etats-Unis, la résolution de la crise grecque et la santé des banques espagnoles.
▪ Les rumeurs sur le sort des banques espagnoles n’en finissent plus
C’est précisément ce dernier point qui occasionne la multiplication de rumeurs émanant de sources anonymes (comme de bien entendu !) évoquant tantôt un recours au MES, tantôt un mystérieux plan du FMI pour renflouer Bankia et autres cajas en déconfiture.
Le FMI, s’il décidait de se s’engager sur cette voie périlleuse, a tout intérêt à faire l’inventaire de ses moyens d’action : les 50 milliards d’euros que le gouvernement évoque pour sauver son système financier ne sont certainement qu’un hors d’oeuvre.
Le montant des créances douteuses est désormais estimé à 350 milliards d’euros — tiens, tiens… c’est exactement le chiffre que nous évoquons régulièrement depuis trois ans !
Pour vous rendre ce tableau encore plus concret, figurez-vous que 50% des prêts consentis entre janvier 2007 et l’été 2008 sont en défaut avéré.
▪ Espagne : créances douteuses et ruines saisies
Les emprunteurs défaillants ne rembourseront jamais et les biens saisis (dans le cadre de la garantie hypothécaire) ne sont souvent que des carcasses d’habitations non achevées qui pourrissent aux quatre vents.
Des biens invendables, voués à la démolition, mais qui sont toujours comptabilisés à leur valeur vénale par les établissements de crédit.
C’est bien là le problème : ce ne sont pas seulement les créances qui sont douteuses mais également la valeur réelle du patrimoine immobilier. Certaines estimations font état d’un stock de trois millions de logements vides figurant à l’actif des banques.
Nous souhaitons bonne chance au FMI avec les Espagnols, puisqu’il semble hors de question que Christine Lagarde accorde de quelconques largesses aux banques grecques.
Pourtant, les banques helléniques sont bien plus affectées par les emprunts d’Etat (autrefois réputés sans risques) qu’elles détiennent que par les retombées d’une spéculation immobilière effrénée. Les plus coupables ne sont pas forcément ceux que l’on croit !
Nous ne croyons pas plus à la dernière rumeur de sauvetage qu’aux précédentes. Mais quelques gros malins ont certainement dû transformer ces solutions virtuelles en plus-values bien réelles !
▪ Les indices américains font de l’équilibrisme, attention aux coups de vent
Tenez… les indices américains qui chutaient de 0,8% en moyenne après 23 heures de cotations étaient pratiquement revenus à l’équilibre une heure plus tard… sur du vent !
Mais la rumeur n’a pas surgi à n’importe quel moment. Elle a commencé à circuler alors que le S&P menaçait directement le support des 1 300 points tandis que le VIX refranchissait le cap critique des 25 (trahissant une poussée de stress très alarmante).
En Europe aussi, les indices avaient tenté de rebondir en début de matinée, mais ils avaient peu à peu reperdu leur avance avant de basculer dans le rouge à 14h15 (publication de l’enquête ADP). Ce fut le début de la série noire !
▪ On enchaîne les mauvais chiffres… on va bientôt pouvoir sans faire un collier !
Les marchés ont enchaîné déception sur déception, avec une croissance indienne qui ressort à 5,3% au lieu des 6,1% espérés ; rappelons que le pays affronte l’une des pires grèves générales de son histoire, pour cause de flambée des carburants.
Aux Etats-Unis, ce sont quatre mauvais chiffres qui se sont enchaînés à 90 minutes d’intervalle, à commencer par l’enquête ADP qui s’avère médiocre. 133 000 nouveaux emplois ont été créés dans le secteur privé au lieu des 148 000 à 150 000 postes supplémentaires attendus.
Autre mauvaise surprise, les inscriptions hebdomadaires aux allocations chômage bondissent de 13 000 à 383 000 alors qu’elle étaient attendues stables à 370 000 (plus mauvais score depuis un mois).
La deuxième estimation de la croissance américaine au premier trimestre est ressortie à 1,9% contre 2,2% en première lecture — un score de 2% aurait été le bienvenu.
Le coup de grâce fut asséné peu avant 16h par la chute du PMI de Chicago. L’indice des directeurs d’achat plonge de 3,5 points à 52,7 contre une stabilité attendue au mois de mai.
Tout cela n’affectait paradoxalement pas le dollar qui en a profité pour établir un nouveau record annuel à 1,2350/euro.
▪ Un démenti qui arrive trop tôt = beau plongeon sur les marchés
La rumeur du Wall Street Journal ne l’a même pas fait rétrograder sous les 1,24/euro. La raison de cette absence de correction — ne serait-ce que technique — vous l’avez déjà devinée vu la teneur des précédents paragraphes: c’était du bidon, du vent… et probablement un hoax sorti au bon moment, dans le bon média. Comprenez celui qui a l’onction des marchés américains et qui ne se montre pas très regardant sur la fiabilité de certaines infos sensibles.
Le démenti formel de la présidente du FMI puis du ministre espagnol de l’Economie, Luis de Guindos, est tombé 20 minutes trop tôt, ce qui a provoqué une spectaculaire rechute de plus de 100 points du Dow Jones à un quart d’heure de la clôture.
Il faudrait vraiment avoir l’esprit bien retors et s’obstiner à voir le mal partout pour imaginer qu’il s’agit d’une seconde tentative de manipulation éhontée des marchés en l’espace de 24 heures.
Il y avait juste 150 points à gagner à la hausse sur le Dow Jones puis 100 points à la baisse sur un splendide spécimen de piège à gogos. Voilà une belle occasion de se refaire un peu de cash après un mois boursier perdant de 6,2%.
S’il a fallu recourir à deux reprises à l’expédient de la désinformation pour faire grimper artificiellement les cours, il est facile d’imaginer quelle est la pente naturelle des marchés en cette entame de mois de juin !
Si les chiffres des créations d’emploi américains ne sont pas bons ce vendredi, profitez de n’importe quelle rumeur évoquant la mise en oeuvre d’un QE3 par la Fed pour couvrir votre portefeuille : ce pourrait être la dernière occasion avant un beau plongeon !
2 commentaires
[…] Etrangement, pas une seule rumeur (fallacieuse ou simplement idiote) n’a circulé sur les marchés ces dernières 48 heures alors que nous avions assisté à un véritable festival de mercredi à vendredi dernier. […]
[…] ▪ En 10 semaines, on se retrouve au bord du gouffre Le pessimisme est à son comble en ce début de mois de juin et il n’y a plus de liquidité dans le marché. C’est ce qui provoque une succession de mouvements indiciels brutaux et peut-être savamment orchestrés — flash krach haussier mercredi à 13h en Europe et jeudi vers 17h30 à Wall Street, avant une spectaculaire rechute une fois les rumeurs démenties. […]