Chute des ventes, fuites à la direction, flottes réticentes, quotas intenables… l’industrie automobile européenne cale sur sa transition vers l’électrique.
Les constructeurs automobiles du Vieux continent rencontrent des difficultés en raison de la stagnation des ventes et du manque de rentabilité dans l’électrique.
Sur un an, Renault a reculé de 31 %, tandis que Stellantis, maison mère de Citroën et de Fiat, a chuté de 55 %. Sur la même période, le CAC 40 progresse de 3 %.

En France, les particuliers réduisent leurs achats de voitures à batteries, malgré une production en hausse sous l’effet des quotas. Le graphique ci-dessous, publié par la Plateforme automobile française, montre que la part de marché des voitures à batteries est en perte de vitesse depuis 2023.

De plus, les achats de voitures pour les flottes d’entreprises et les administrations, traditionnellement un moteur de la demande pour l’électrique, reculent des deux côtés de l’Atlantique.
Aux Etats-Unis, les ventes de voitures aux flottes ont baissé de 2,1 % au premier semestre 2025 par rapport à la même période de l’année précédente, selon le groupe Bobit. En Europe, les ventes de véhicules utilitaires déclinent également. Le report jusqu’en 2027 des amendes européennes liées aux émissions réduit la pression réglementaire sur les entreprises pour convertir leurs flottes à l’électrique.
Entre assouplissement des directives et diminution des aides publiques, les entreprises freinent leurs achats de voitures et de camions.
En France, par exemple, les immatriculations de véhicules utilitaires légers (moins de 5,1 tonnes) ont chuté de 24,4 % en juin 2025 sur un an. Celles des véhicules lourds (plus de 5,1 tonnes) ont reculé de 23,7 %.
L’Union européenne s’est fixé un objectif de 24 % de véhicules électriques dans les utilitaires d’ici 2027. La part actuelle n’atteint que 9 %. Chez Stellantis, le P-DG a averti que le groupe risque une amende de 2,6 milliards d’euros en 2027 en raison d’un manque de ventes de voitures électriques. L’entreprise envisage la fermeture d’usines de production thermique si aucun changement n’est apporté aux directives.
Renault : la contagion des difficultés sectorielles
Le 15 juillet, Renault a lancé un avertissement sur ses résultats annuels. Le groupe évoque « une pression commerciale accrue liée à la poursuite de la baisse du marché retail et une sous-performance de l’activité LCV [les véhicules utilitaires] dans un marché en fort repli en Europe ».
La marge opérationnelle est désormais attendue à 6 %, contre 8,1 % au premier semestre 2024.
Entre baisse des revenus et augmentation des coûts, le constructeur prévoit un flux de trésorerie libre de seulement 47 millions d’euros – loin des 645 millions d’euros anticipés par les analystes.
Cette chute du cash-flow traduit des dépenses supérieures aux attentes et une rentabilité inférieure aux prévisions.
Le départ à la mi-juin de Luca de Meo, P-DG de Renault, a été perçu comme un possible abandon du navire avant la tempête. Le courtier Oddo BHF commente :
« S’il n’y a, a priori, aucun lien à faire entre le départ du CEO et cet avertissement, le timing n’en reste pas moins malheureux. Il devrait alimenter les doutes quant aux perspectives du constructeur, au moins à court terme. »
Après plus de trente ans dans l’industrie automobile, M. de Meo quitte Renault pour un poste chez le groupe de luxe Kering. Ce départ peut être interprété comme un signal de défiance quant à l’avenir du constructeur – et, plus largement, du secteur.
Malgré le report de deux ans des amendes européennes au début de l’année, les constructeurs restent prudents quant aux effets potentiels des quotas. Certains tentent de masquer temporairement les difficultés en augmentant les ventes aux loueurs.
Selon Numerama, les constructeurs recourent à la technique dite de « l’immatriculation tactique » pour gonfler artificiellement les chiffres de ventes de véhicules électriques.
Mais ces ventes de court terme aux sociétés de location alimentent le marché de l’occasion, ce qui contribue à la chute des prix de revente des voitures à batteries.
Les loueurs conservent généralement les véhicules moins de deux ans avant de les remettre sur le marché, ce qui accroît la pression à la baisse sur les prix.
Ainsi, le départ de M. de Meo peut s’interpréter comme un avertissement sur les perspectives du secteur. L’alerte sur les résultats, survenue un mois après, renforce les soupçons quant aux motivations de sa démission.
Stellantis : les ennuis s’accumulent
Chez Stellantis, les difficultés s’expliquent en grande partie par une stratégie de hausses de prix, malgré l’accumulation d’invendus chez les concessionnaires.
Au deuxième trimestre, les ventes de véhicules ont reculé de 6 % en glissement annuel. En Amérique du Nord, la chute atteint 25 %. Depuis 2018, les volumes de Stellantis sur le marché américain sont en déclin, conséquence directe d’une politique tarifaire dissuasive.
Cette erreur stratégique a mené au remplacement de Carlos Tavares à la tête du groupe.
Face à l’envolée des stocks, Stellantis a finalement cédé à la baisse des prix début 2024. Cette stratégie a permis d’écouler 100 000 véhicules. Selon Fortune, ces rabais ont accéléré les délais de vente : -23 % pour les pick-ups Ram, -18 % pour les Jeep.
Mais les difficultés persistent.
En Europe, la fin de la production des Fiat 500 thermiques – conséquence directe des quotas – a pesé sur les résultats. En juillet, Stellantis annonce une perte nette de 2,3 milliards d’euros au premier semestre.
Malgré une marge opérationnelle de 500 millions d’euros sur six mois, le groupe a déprécié certains actifs et annulé plusieurs projets.
Selon Stellantis, les résultats intègrent « environ 3,3 milliards d’euros de charges nettes avant impôts, principalement liées aux coûts d’annulation de programmes et aux dépréciations de plateformes, à l’impact net de la récente législation éliminant le taux de pénalité CAFE [amendes européennes sur les émissions] et aux restructurations ».
Avec la suspension des pénalités européennes jusqu’en 2027, Stellantis prévoit une stagnation des ventes de véhicules électriques et acte une perte sur ses investissements dans ce domaine.
Le secteur sous pression
Les espoirs placés dans les voitures électriques se transforment en pertes d’investissements. L’abandon progressif des moteurs thermiques prive les constructeurs de modèles encore très demandés – au détriment des entreprises comme des consommateurs.
Renault est à son tour rattrapé par les difficultés, comme le montre la chute de son excédent de trésorerie au premier semestre.
Le départ anticipé de son P-DG semble rétrospectivement en être un avertissement.
L’abandon de certains modèles et les investissements dictés par la contrainte réglementaire entraînent des coûts croissants et des pertes d’opportunités.
Entre faibles ventes et crainte d’amendes, les constructeurs affrontent une conjonction de menaces. Sans révision des ambitions autour du tout-électrique, les perspectives restent sombres pour Renault, Stellantis et l’ensemble du secteur automobile européen.
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2 commentaires
Les consommateurs se seraient ils aperçu que les lubies des gouvernements sont nuisibles ?
Nucléaire, industrie automobile, agro alimentaire, l’Europe est malade de l’écologie dite punitive. Les consommateurs font leur compte et le compte n’y est plus. Ont voté !!!