« Rien que des mauvaises nouvelles, dans le journal », nous confie un confrère, nous évitant ainsi la peine de le lire nous-même.
« Un immeuble a pris feu, ici, à Londres. Des dizaines de morts. Un type a tiré sur des républicains dans un stade de baseball. Il en a blessé quelques-uns. La Fed a relevé les taux. »
Seule cette dernière chose relève de notre domaine.
Nous le déclarons officiellement : la Fed ne relèvera jamais sérieusement les taux. Et elle ne « normalisera » jamais volontairement son bilan.
Notre ami est peut-être passé à côté des nouvelles les plus intéressantes. Dans tout ce que déverse la presse, quelques éléments ressortent et méritent d’être examinés de plus près.
D’abord, l’inflation passe au-dessous de l’objectif de 2% de la Fed. En fait, les derniers chiffres sont inférieurs à ceux de la période de l’élection de Trump.
Les attentes d’inflation, mesurées par le « point mort de l’inflation » du marché obligataire, sont en baisse, en général, depuis 35 ans. L’an dernier, cette tendance a eu l’air de s’achever lorsque les rendements et l’inflation ont tous deux atteint un plus bas avant l’élection de Trump.
Depuis, ils baissent à nouveau.
Actuellement, le marché prévoit un taux d’inflation d’à peine 1,72% au cours des 10 prochaines années. Cela signifie trois choses…
Premièrement, jusqu’à présent, le « pari de l’inflation » a été un flop. Au lieu de grimper, l’inflation a baissé.
Deuxièmement, cela signifie également qu’au lieu de s’emballer… l’économie a ralenti.
Troisièmement, le taux d’intérêt « réel », le rendement moins l’inflation, même après un nouveau relèvement de la Fed, est toujours négatif.
… Et donc, on s’interroge. Comment se fait-il que les actions soient encore proches d’un plus haut historique, à ce stade avancé du cycle économique ?
Les expansions ne durent pas éternellement. Elles doivent se reposer de temps en temps. Nous ne savons pas quand la prochaine récession se manifestera, mais voici ce que nous savons : elle se rapproche de jour en jour.
Nous ne savons pas quand le prochain marché baissier se manifestera non plus. Mais voici ce que nous savons : les marchés haussiers ne durent pas éternellement non plus. Plus le marché baissier est long à se manifester, plus il est affamé lorsqu’il débarque.
Une chose encore : tant que les taux « réels » demeurent négatifs… la Fed ne mènera pas un retour « à la normale ». Elle ne maîtrise pas la tendance dont elle est prisonnière… et qui la traîne partout, tel le corps inerte d’Hector attaché au char d’Achille.
Une « ère glaciaire » de plus de 10 ans
Il y a des années, nous avons exposé une idée peu séduisante, selon laquelle l’économie américaine suivait celle du Japon… mais avec un décalage de 10 ans. Les actions japonaises se sont effondrées en 1989. Le Nasdaq, aux Etats-Unis, s’est effondré en 1999.
Cette hypothèse a rapidement eu l’air fragile… sinon absurde.
Le Japon – malgré d’outrageants efforts de « relance » – n’a jamais réussi à ranimer son économie, ni à faire revenir son marché actions à cette époque glorieuse de la fin des années 1980. La déflation est allée et venue… les actions accusant toujours une baisse de 50% à 80%… sur les 25 années suivantes.
Parallèlement, aux Etats-Unis, on s’en souciait peu. La Fed a abaissé les taux. Le secteur du crédit immobilier a réagi.
Voilà ce qui s’est produit ensuite : la bulle immobilière/financière de 2005-2007… la crise de 2008-2009… puis le grand boom de 2009-2016… suivi de la bulle de la reflation de 2017.
Mais ces bulles ont peut-être dissimulé la tendance la plus importante. Car pendant que la Fed faisait s’envoler l’immobilier, le secteur financier et les actions… le dynamisme économique à long terme était à la baisse.
Les taux de croissance ont chuté. Et les taux d’intérêt, aux Etats-Unis comme au Japon, ont conservé la même tendance baissière, avec un décalage de 10 ans entre le Japon et les Etats-Unis.
Autrement dit, malgré les pétarades qui l’entouraient, le moteur de l’économie réelle devenait silencieux.
Les consommateurs commençaient à manquer d’argent. Les voitures restaient chez les concessionnaires. Les salaires réels stagnaient. Les bénéfices des entreprises chutaient (du moins sur le territoire national).
Albert Edwards, économiste à la Société Générale, a annoncé dès 1996 sa propre hypothèse « d’ère glaciaire ». Il pense que l’économie américaine est sous l’emprise d’un refroidissement à long terme. Les gens vieillissent. La croissance marque le pas. La dette ralentit tout.
Stimulation et relance sont financières mais pas économiques
Comme nous l’avons vu, les banques centrales parviennent à stimuler les marchés financiers avec davantage de dettes, mais pas l’économie sous-jacente, qui s’affaiblit.
Au cours de la prochaine crise, Edwards pense (comme nous) que les banques centrales seront obligées de réagir en appliquant des mesures encore plus idiotes. La Fed – comme la Banque centrale du Japon – achètera de plus en plus d’obligations, amenant le cycle des taux d’intérêt à des rendements encore plus faibles.
Cette « ère glaciaire » va se prolonger au cours des prochaines années, dit-il. C’est bon pour les obligations et mauvais pour les actions. Au cours des 10 prochaines années, les actions procureront probablement peu de sécurité et de gains aux investisseurs.
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