Acheter des actions, c’est participer au jeu boursier… Alors mieux vaut en connaître les règles, et notamment celles qui régissent le prix des actions.
Revenons sur ce dont je vous parlais la semaine dernière, la « monnaie-actifs financiers-billets de loterie ».
Le prix de ces billets grimpe à la fois en fonction de la masse de monnaie dont on veut se débarrasser parce qu’elle ne rapporte rien, et en fonction de l’attrait des billets de loterie, c’est-à-dire en fonction de la tendance boursière.
Plus la tendance boursière est haussière et plus vous avez envie de participer au jeu, plus vous payez cher les billets de loterie. Donc comprenez bien que les prix en Bourse dépendent concrètement et objectivement, d’un côté, de la masse de monnaie dont les gens disposent et, d’autre part, de l’attrait du jeu.
L’attrait du jeu, c’est un appétit en grande partie produit par le phénomène d’imitation : les gagnants font des envieux, on a envie de gagner comme eux. On dit que la hausse appelle la hausse.
Nous sommes au cœur de l’alchimie boursière et monétaire, et il est important que vous compreniez ce que je viens d’expliquer.
La pratique boursière repose sur une mystification, sur le retard de l’intelligence. Cette mystification consiste à faire croire aux participants que les prix boursiers reflètent les valeurs fondamentales des actifs sous-jacents. Elle consiste à faire croire que les actifs financiers sont restés inchangés, et qu’ils sont toujours ce qu’ils étaient dans les années 1970.
C’est une illusion ou, pire, une tromperie. Le prix des actifs financiers est maintenant monétaire. Cela signifie que, ce qui le détermine, c’est la quantité de monnaie émise et l’attrait du jeu. Le prix des actifs financiers ne vient plus « du bas », de la remontée et de l’expression de la valeur, de ce que certains appellent les « fondamentaux ». Non, il vient « du haut » c’est-à-dire de ce que l’on utilise pour acheter des actifs financiers : la monnaie.
La valeur boursière n’a plus de lien avec la valeur fondamentale
Le rapport entre les valeurs fondamentales d’antan et les valeurs boursières ont été brisés et il n’y a plus que les fondamentalistes qui y croient. Ils s’accrochent à leurs certitudes anciennes, continuent de croire au lien entre le fondamental et le prix, et rêvent de ce qu’ils appellent la réconciliation.
La réconciliation, c’est le mythe auquel croient les fondamentalistes de l’investissement. Ils soutiennent que, un jour ou l’autre, le réel va s’imposer, la valeur intrinsèque va se venger.
Ils n’ont cependant pas compris l’essentiel, à savoir que, lorsque la Fed et ses consœurs disent que les actifs financiers sont à leur prix, cela signifie qu’elles affirment – comme je viens de l’expliquer – que les actifs financiers ont changé de nature, ils sont devenus quasi-monétaires.
Les actifs financiers seront toujours à leur prix tant que la monnaie sera surabondante et qu’elle ne rapportera rien, donc tant que les taux d’intérêt seront à zéro. Et tant que les taux d’intérêt réels (prenant en compte l’inflation) seront négatifs, alors les prix des actifs financiers pourront être considérés comme justes, même s’ils sont infinis.
Ce que j’essaie de vous faire assimiler c’est que, comme la monnaie qui est libérée, les actifs financiers sont libres, ils volent, ils flottent.
On ne les achète plus pour leur valeur d’usage qui est le minuscule rendement qu’ils offrent. On les achète parce que l’on croit que cela va continuer. On échange de la monnaie excédentaire contre l’espoir que cela va continuer à monter. On oublie la valeur d’usage et on passe à la seule valeur d’échange puis, mieux, à la seule valeur « désir », le désir de participer au grand jeu.
Des règles du jeu temporaires
Il faut comprendre au passage que la frivolité des prix que je décris et analyse peut donner l’impression d’avoir encore un lien avec les valeurs dites fondamentales. C’est parfois le cas avec les modes boursières. Imposées par les patrons du Casino, elles ont des règles du jeu temporaires qui ont pour objectif de créer des mouvements de foule. Ces derniers temps, c’était le cas avec l’explosion de l’engouement pour tout ce qui touche aux véhicules électriques.
La règle du jeu boursier n’est pas le fondamental, la production et le mouvement des richesses et des cash flows, tous bien réels, non, c’est la logique financière.
De la même façon que la monnaie a été détachée de l’or et de la valeur travail, on a coupé le lien entre les actifs financiers et les valeurs fondamentales. La libération de la création de monnaie a produit tout à fait logiquement la libération de la valorisation des actifs financiers.
De la même façon que l’on peut à notre époque mettre en circulation toute quantité de monnaie, on peut échanger cette monnaie qui ne rapporte rien contre une quantité d’actifs financiers plus ou moins « rares » et ainsi participer à la Grande Loterie, au Grand Casino Mondial tenu par les banques systémiques.
Je pense que vous avez compris et, si vous avez compris, vous savez pourquoi les actifs financiers sont maintenant de la quasi-monnaie : c’est parce que l’on passe de l’une à l’autre très facilement et parce que les banques centrales garantissent que cela sera toujours possible.
C’est ce que l’on a vu depuis mars 2020 : les banques centrales ont créé près de 20 000Mds$ de monnaie, garantissant que toujours les porteurs d’actifs financiers pourront échanger leurs actifs financiers contre l’argent. En clair, qu’ils pourront toujours vendre.
Les banques centrales assurent ce que j’appelle « la monnaieitude », c’est-à-dire la liquidité.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]