Si le profit est au centre de la Bourse, il fallait bien trouver une manière de le mesurer… Ce fut chose faite avec un ratio qui détermine pour beaucoup la qualité d’un investissement.
Comme nous l’avons vu hier, la Bourse est devenue un lieu essentiel pour le capitalisme, l’un des rares où il est possible de dégager des profits. Mais le processus d’alchimie boursière nécessite toujours plus de hausse, toujours plus de profits.
Le ratio utilisé en Bourse du multiple cours/bénéfice (ou PER pour price to earnings ratio, en anglais) n’est rien d’autre que le ratio clef qui gouverne sans le dire le système capitaliste, puisque c’est le ratio du profit par rapport au capital ; ce capital étant réévalué ou dévalué en continu selon que le taux de profit est supérieur ou inférieur aux taux moyen.
Le système qui a été mis en place progressivement à partir des années 1965 est un système de dictature croissante et envahissante, sans limite, du taux de profit du capital. C’est le système de l’extension du capital.
La dérégulation qui a commencé autour de 1965 comme réponse à la chute de la profitabilité du capital a en fait étendu l’emprise du système capitaliste. Elle a rendu encore plus capitaliste des secteurs qui ne l’étaient pas tout à fait. La mise en Bourse de nouvelles activités économiques équivaut à les rendre plus soumises au critère du profit.
De 40 à 200% du PIB
Avant, la capitalisation boursière n’était que de 40% de la production nationale aux Etats-Unis. Maintenant, elle est de 200%. Ce qui signifie que la contrainte, la dictature du profit, a été envahissante et tyrannique.
Cela signifie que tout est géré en fonction de la Bourse, y compris les entreprises, la politique monétaire, fiscale, réglementaire… la politique tout court.
La montée de la part et du poids des Bourses dans les économies est la révolution majeure, c’est elle qui a instaurée le besoin du profit maximum. Les cours, les indices, quand ils montent réclament toujours plus de profit pour se maintenir.
Et, assimilez ceci, si les cours de Bourse ne se maintiennent pas, le système s’effondre car il s’est adossé aux cours de Bourse depuis 20 ans !
Son ancrage, son collatéral ultime, ce sont les cours de la Bourse, exactement comme cela était le cas lors de la grande expérience de John Law, qui émit de la monnaie et basa le système sur le cours des actions de la Compagnie des Indes, ses perspectives de profit et celles de ses avatars.
Lévitation générale
Tout le système est adossé à la Bourse, donc tout ne tient que parce que la Bourse lévite.
C’est elle qui fait tenir l’échafaudage des collatéraux du crédit et, pour faire tenir cet échafaudage, il faut que le crédit tienne. Et, pour que le crédit tienne, il faut toujours en produire plus, l’étendre et le rouler et… faire monter la Bourse.
Si vous ne comprenez pas cela, vous ne pouvez comprendre le Système et pourquoi il est géré au profit de la Bourse.
Le système n’est pas géré au profit des milliardaires – ce n’est qu’une incidence –, il est géré au profit de l’Ogre, de la Bourse.
La Bourse a pris le pouvoir sans que qui que ce soit l’ait voulu et compris, rien que par sa logique qui consiste à capitaliser les taux de profitabilité du capital.
Le taux de profitabilité a tendance à chuter sans arrêt, parce que la masse de capital a tendance à s’accroitre sans cesse plus vite que la masse profit dans le système et que le critère de la profitabilité a pris le dessus.
Nos systèmes sont devenus des monstres auto-destructeurs parce que l’espace central du capitalisme, c’est la Bourse.
Les mercenaires du système
En parallèle, les mercenaires du système vous répètent les imbécillités du keynésianisme, c’est-à-dire que l’activité économique est déterminée par la demande. En réalité, l’activité économique est déterminée par l’investissement, lequel est déterminé par le taux de profitabilité du capital.
La chaine de causalité est la suivante : profitabilité du capital ; investissement ; emploi ; revenus ; demande ; profitabilité ; investissement ; et ainsi de suite.
Ci-dessous, l’évolution du taux de profit estimé pour les pays du G20 (très similaire à celui estimé pour le monde entier) :
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]