Les actifs financiers (actions et obligations) n’ont jamais été aussi chers face aux actifs réels (or et matières premières) depuis 1925. Les « cygnes noirs » ou autres menaces planent.
Chaque année depuis 2014, je profite de la lecture du rapport annuel « In GOLD we TRUST » pour faire un point écrit sur l’or dans ces colonnes.
Ronald-Peter Stöferle rédige ce document très lu et très commenté depuis 2007, désormais en collaboration avec son collègue Mark J. Valek de chez Incrementum Liechtenstein AG.
Pour le plus grand plaisir du lecteur, le nombre de pages de ce rapport semble corrélé au bilan agrégé des grandes banques centrales, puisque l’on est passé de 144 pages en 2016 à rien de moins que 169 pages dans cette dernière mouture.
Outre le bilan de l’année écoulée sur le front du métal jaune, les auteurs y abordent plusieurs sujets connexes parmi lesquels la dé-dollarisation des échanges commerciaux, la dynamique désastreuse de la monnaie-dette, la guerre contre le cash et l’essor des cryptomonnaies.
Comme chaque année, Stöferle et Valek reviennent avec un regard critique sur leurs prévisions de l’année précédente et confirment ou réajustent leurs objectifs au vu des évènements, tout cela agrémenté de citations éclectiques allant cette année d’Homer Simpson au philosophe danois Søren Kierkegaard, en passant par Clint Eastwood.
Nous avions quitté les auteurs le 28 juin 2016 avec une once à 1 309 $ (et à 1 185 € *) et un objectif de prix pour juin 2018 à 2 300 $. A 1 264 $ l’once au 1er juin 2017 (date de publication du rapport), les auteurs écrivent pour la première fois que cet objectif « pourrait se révéler excessivement optimiste ». (* je m’exprimerai seulement en $ dans cet article, puisqu’il s’agit de la devise la plus utilisée dans le rapport qui nous intéresse.)
Les causes du déclin de l’or à l’automne 2016 ? Donald Trump !
Qu’est-ce qui a amené le prix de l’or à entrer à l’automne dernier dans le cadre de ce que les auteurs estiment être une « correction aux confins d’un nouveau marché haussier », alors qu’il avait fait un très beau départ sur le premier semestre 2016 ?
source : WGC
Pour Stöferle et Valek, il ne fait aucun doute que le plus grand responsable porte le nom de Donald Trump. Avec son élection, « les actions ont reçu une nouvelle poussée et la hausse de l’or s’est (temporairement) arrêtée ».
Dans un contexte de taux d’intérêts faibles et d’ascension inébranlable des marchés actions, les promesses de diminution de la fiscalité faites par le nouveau président et les espoirs d’amélioration de la situation économique ont eu deux effets. Elles ont poussé les investisseurs à l’achat d’actions et, combinées aux attentes du cycle de hausse des taux annoncé par la Fed (le deuxième grand responsable de la baisse de l’or), elles ont contribué à soutenir la valeur du dollar.
Cette peur de rater le train (« fear of missing out » ou FOMO) sur les marchés américains a conduit les investisseurs à délaisser le métal jaune pour concentrer leurs positions en bourse.
Cela à tel point qu’aujourd’hui, le ratio actif réels/actifs financiers est à son plus bas depuis… 1925 !
L’analyste Jesse Felder parle à ce titre de l' »Everything Bubble » (la « Bulle de tout »), qui succède à la bulle des dot.com et à la bulle du marché immobilier américain.
Vous vous en doutez certainement, pour nos deux auteurs, ce phénomène n’est pas durable. Il est cependant très simple à expliquer : nous vivons à l’époque du « surréalisme monétaire avancé ». Le seul premier trimestre 2017 a vu les plus grandes banques centrales créer l’équivalent de pratiquement 1 000 Mds$, cette « supernova de liquidités » étant à l’origine d’un « calme fragile et temporaire sur les marchés financiers ».
Espérons pour les investisseurs qu’ils sauront sortir de leur « frivolité » le moment venu car, pour Stöferle et Valek, des oiseaux de mauvais augure planent à l’horizon. Des cygnes. Pas toujours noirs, mais tout de même de dangereux ornithorynques, vous allez voir.
Du côté de chez les Swan
Stöferle et Valek distinguent entre trois types de cygnes :
- Les cygnes noirs : il s’agit des risques auxquels il est presque impossible de se préparer tant ils sont difficiles à imaginer et dont la matérialisation, hautement improbable, a des conséquences extrêmes ;
- Les cygnes gris : il s’agit des risques dont la matérialisation est également hautement improbable et qui donnerait lieu à des conséquences extrêmes, mais qu’il est possible d’imaginer car des évènements similaires se sont déjà produits dans le passé. Il est par conséquent possible de s’y préparer ;
- Les cygnes blancs : « il s’agit d’évènements auxquels on peut s’attendre, peu importe qu’ils soient probables ou non ».
Le cygne blanc d’une récession américaine
Personne aujourd’hui ne semble anticiper un retournement de l’activité économique américaine.
En mai 2017, la Fed estimait le risque de récession à 0,68%. Un sondage de Bloomberg montrait que sur 89 économistes interrogés, pas un seul ne prévoit une contraction du PIB américain en 2017, en 2018 ou en 2019 (ils prévoient en moyenne 2,3% de croissance annuelle sur cette période).
A un niveau au plus bas depuis 27 ans, le VIX atteste que les intervenants ont foi en la robustesse de l’économie américaine et qu’ils n’anticipent pas de retournement des marchés. Autant dire que « si le climat économique et financier devenait hostile, la surprise serait vaste ».
Pourtant, Stöferle et Valek y voient plutôt un cygne blanc qu’un cygne noir. Ils relèvent en effet nombre de raisons d’envisager un tel retournement.
Commençons avec la politique de normalisation monétaire annoncée par Ben Bernanke à la mi-2013 et confirmée et détaillée il y a quelques jours par Janet Yellen. Les auteurs montrent qu’il est très peu probable que la Fed soit en mesure de relever les taux sans que cela ne génère de turbulences. D’une part, « chaque crise financière a été précédée d’une hausse des taux » et, d’autre part, « 16 des 19 hausses des taux des 100 dernières années se sont soldées par des récessions ».
Or, historiquement relèvent les auteurs, « un ralentissement du crédit et de la croissance de l’offre de monnaie ont toujours été des indicateurs fiables d’un affaiblissement imminent de l’activité économique et d’une menace de récession grandissante ».
D’ailleurs, l’analyse de la durée des cycles économiques aux Etats-Unis permet de dresser un constat assez inquiétant.
Les 49 périodes d’expansion économique ont duré 36 mois en moyenne. Si l’on s’intéresse uniquement à ce qui s’est passé après la Seconde Guerre mondiale, les 12 phases d’expansion ont quant à elles duré 61 mois en moyenne.
Or, en juin 2017, la phase d’expansion économique actuelle en est à son 96ème mois, « ce qui en fait la troisième la plus longue de l’histoire ». Encore 24 mois, et le record historique américain serait battu, ce que les auteurs jugent « improbable » au vu des fondamentaux économiques et monétaires.
Leur avis ? La Fed ne parviendra pas à mener à bien son programme de normalisation monétaire et tout cela se terminera par de rapides baisses des taux et un nouveau round de quantitative easing, qui devra être « significativement plus large que le QE3 » du fait de la loi de « l’utilité marginale décroissante des thérapies monétaires ».
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