Les dettes de BlackRock, le pivot de la Banque d’Angleterre et la folie des faux taux…
Oui, cher lecteur, nous vivons dans un monde YODO maintenant. Les investisseurs se rendent compte que, lorsqu’ils sont morts, ils le sont pour toujours. Aucune magie vaudou de la Fed ne les fera revenir d’outre-tombe.
C’est une première, pour la plupart d’entre eux. Aucune chance de s’entraîner. Aucune chance d’apprendre.
L’ambiance est donc surtout morose, sur les marchés. Un récent rapport sur l’emploi a mis en lumière un marché de l’emploi plus fort que prévu. Les investisseurs ont estimé que les chances d’une volte-face de la Fed avaient baissé. Ils ont vendu des actions. MarketWatch :
« Alors que les marchés n’ont pas encore véritablement tiré la sonnette d’alarme, une ambiance de plus en plus sombre commence à se répandre en coulisses.
John Vail de Nikko Asset Management a affirmé qu’une récession mondiale ‘courte mais effrayante’ est susceptible de se produire dans un futur proche.
Ben Emons, de Medley Global Advisors, a pour sa part soutenu que la décision prise mercredi par les principaux producteurs de pétrole de réduire la production, à partir du mois prochain, pourrait se transformer en une longue période d’inflation plus élevée et de fortes fluctuations du marché.
L’expert en volatilité Harley Bassman a ajouté que les actions pourraient chuter de 20% par rapport à leur valeur actuelle – une ampleur similaire à la baisse du ‘Black Monday’ de 1987. »
A mesure que la Fed relève les taux, ils retrouvent une valeur plus « normale » que celle constatée depuis de nombreuses années. Mais la « normalité » terrifie les investisseurs. Ils réalisent alors à quel point les choses ont pris une tournure étrange, comprenant alors qu’il leur sera peut-être nécessaire de reculer avant de pouvoir aller de l’avant. Autrement dit, ils pourraient devoir renoncer à leurs profits de l’ère de la Bulle et admettre qu’une grande partie de leurs certitudes était soit un mensonge soit une illusion.
De manière désordonnée
On n’obtient pas d’argent réel avec une planche à billet.
Le crédit de la banque centrale diffère de l’argent qui a été gagné et économisé.
Il y a des limites à la valeur des actifs… et à l’ampleur de la dette que vous pouvez supporter.
Sans oublier que les prix baissent de la même manière qu’ils augmentent.
Les faux taux d’intérêt – inutiles ! – font plus de mal que de bien.
Et un groupe d’idiots à la Fed ne peut pas vraiment améliorer une économie de 24 000 Mds$.
Tout cela est normal. Mais, quand vous avez vécu dans un monde de rêve, le retour à la normale peut être brutal.
Jusqu’à présent, la baisse des actions et des obligations était ordonnée, avec des ventes, mais pas de panique. Aujourd’hui, nous nous posons des questions sur le désordre à venir.
Partout dans le monde, des plus grandes institutions – comme BlackRock et son PDG Larry Fink – au plus petit ménage ne gagnant que le salaire minimum, les taux d’intérêt normaux réduisent l’écart entre le revenu et les dépenses. Pour beaucoup, l’écart disparaît complètement… et puis les dépenses dépassent les revenus. Alors, comme disait notre vieil ami Sid Taylor, un analyste du budget du département de la Défense : « Lorsque vos sorties d’argent sont supérieures à vos revenus, votre train de vie vous mènera à votre perte. »
La Banque d’Angleterre a « pivoté » lorsqu’elle a compris les conséquences de la « normalité » sur le marché des obligations d’Etat du Royaume-Uni (Gilt). Ce sont d’ailleurs les investissements les plus sûrs au Royaume-Uni. Ce ne sont pas des NFT ou des cryptomonnaies. L’Angleterre se porte bien. Les Gilts ne vont pas disparaître.
Mais les obligations d’Etat peuvent tout de même encore vous faire perdre beaucoup d’argent. Et c’est ce qui est arrivé aux géants britanniques de la retraite et de l’assurance quand la Banque d’Angleterre les a sauvés.
Leçons non apprises
Imaginez que vous dirigiez une grande entreprise spécialisée en gestion des retraites. Vous avez des milliards d’actifs, mais aussi des milliards de dettes. Vos clients s’apprêtent à prendre leur retraite ; vous devez vous assurer qu’ils auront l’argent qui leur a été promis.
Vous investissez en toute sécurité, prudemment… en veillant à ne pas perdre d’argent. C’est de l’argent qui doit absolument, toujours être disponible quand il est réclamé.
Le problème, c’est que vos prévisions sont fondées sur des taux d’intérêt « normaux ». Avec un taux d’intérêt de 4%, vous êtes serein. Vos actifs rapporteraient suffisamment pour couvrir les versements à venir. Mais avec un taux zéro ? Vous avez dû innover.
Puis arrive Larry Fink, le PDG de BlackRock. Il vous dit de ne pas vous inquiéter. Vous pouvez utiliser sa stratégie « d’investissement fondé sur le passif » (LDI ou « liability-driven investing »). Au cours de la dernière grande période de perturbation du marché, en 2008, Larry a perdu 100 M$ pour First Boston en pariant sur des titres adossés à des créances hypothécaires. Mais maintenant, il a tiré des leçons de ses erreurs, d’après ses dires.
Vous ne voulez pas jouer avec l’épargne-retraite de vos clients. Mais que pouvez-vous faire d’autre ? En plus, Larry tient un discours… eh bien… presque scientifique. Il vous montre des graphiques et des tableaux réalisés avec soin. L’idée est plutôt simple. Si vous avez besoin de 4% d’intérêts, et que vos investissements ne rapportent que 1%… vous empruntez une somme 3 fois supérieure à vos actifs afin de vous retrouver avec 4 fois plus de rendement.
Larry porte un beau costume. Il dit qu’il se soucie profondément de l’environnement, de la justice sociale et de la gouvernance d’entreprise éclairée. Quand il en parle, tout cela semble si facile.
Et bientôt, votre fonds de pension aura emprunté des milliards de dollars et les fonds LDI de Larry bénéficieront de plus de 1 000 Mds$ d’actifs. Mais que se passe-t-il ensuite ? Juste au moment où vous pensiez que les choses pourraient s’arranger, les rendements obligataires britanniques augmentent… donc les prix des obligations correspondantes baissent.
Les Gilts servaient de garantie derrière les milliards que les fonds avaient empruntés. Lorsqu’ils ont chuté, les fonds de pension ont reçu des appels de marge et ont dû vendre leurs Gilts avec de fortes pertes pour honorer les paiements dus à leurs créanciers, ce qui a encore réduit la valeur de leurs garanties.
Paniquez les premiers, devancez la mêlée
C’était la situation du 29 septembre. Le marché des obligations devenait désordonné. L’empire de la dette LDI de Larry Fink chancelait. S’il se renversait… il pourrait entraîner l’ensemble du système dans sa chute, ce monde farfelu créé par les taux d’intérêt extrêmement bas.
Rien n’est sûr. Les prix des actions sont bas. Les prix des obligations sont bas. Même l’or est en baisse de 300 $ l’once (plus de 15%) depuis mars.
Lorsque les prix des actifs baissent, les prêteurs et les investisseurs – et toutes leurs spéculations truquées – font face à divers problèmes. Parce que les actifs des investisseurs sont les garanties des prêteurs. Voilà ce que le Royaume-Uni a touché du doigt en cette période de clarté et de normalité… dont il n’avait que faire.
Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique… Les fonds de pension américains ont fait des paris similaires, essayant de compenser un manque de rendement en misant des sommes plus importantes. Les sociétés, quant à elles, ont emprunté plus que jamais dans l’histoire, afin de dissimuler des bénéfices faibles et d’augmenter le prix de leurs actions. Même le gouvernement américain commence à vaciller sous le poids d’une dette de 31 000 Mds$ de dollars. Il sera bientôt confronté à des paiements d’intérêts de 1 000 Mds$ supplémentaires par an.
La situation est instable. Puis, les investisseurs, qui font la queue patiemment maintenant, vont commencer à pousser et se bousculer… et se ruer vers la sortie.