** La "moyenne" est étonnamment anormale. Les investisseurs doivent absolument garder ce fait étrange à l’esprit.
– Pendant plus de 30 ans, depuis les années 70, le rendement annuel sur les investissements en Bourse atteignait une moyenne de 10%, selon les mesures du S&P 500. La variation, sur n’importe quelle année donnée, oscillait entre -26% et +37%. Voici donc la question qui se pose : pendant combien d’années pensez-vous que la Bourse a rapporté 10%, à plus ou moins 2% ?
– La réponse, c’est que cela ne s’est passé qu’une seule fois. Durant les 29 autres années, la Bourse a rapporté des bénéfices bien loin de la moyenne. En réalité, pendant 10 de ces 30 années, la Bourse est montée et est descendue de plus de 20%. C’est très loin de la moyenne. En d’autres termes, on peut dire que la "moyenne" n’est pas la norme en Bourse. La Bourse est bien plus agitée que les moyennes ne le laissent penser.
– Ces faits me rappellent une vieille plaisanterie, celle du professeur d’économie qui plonge une main dans de l’eau bouillante, et l’autre dans de l’eau glacée. "Alors, comment est l’eau, professeur ?", lui demande l’un de ses étudiants. "Si l’on fait une moyenne, elle est à température ambiante", répond le professeur.
– J’ai tiré ces informations sur le comportement de la Bourse du livre de Howard Mark, Memo to : Oaktree Clients, a collection of shareholders letters from 1990-2005 ["Mémo pour les clients d’Oaktree, un recueil de lettres aux actionnaires de 1990 à 2005", ndlr.]. Le livre coûte 200 $, il est entièrement imprimé sur du vélin épais, avec une reliure cousue. J’en ai quand même récupéré un exemplaire et j’ai commencé à le lire : vous n’aurez donc pas besoin de le faire…
– Mark est le co-fondateur d’Oaktree Capital, qui investit principalement sur les marchés obligataires. Il est respecté par ses pairs et son historique est bon. Ses lettres parlent de ses principes d’investissement et de ses expériences au fil des années.
– Mark remarque que ces grandes variations dans les prix des actions "ne s’expliquent pas uniquement par le fait que la chance tourne pour les entreprises, les secteurs ou les économies. On peut les attribuer en grande partie aux changements d’humeur des investisseurs".
** L’intérêt majeur de la lecture des lettres de Mark, c’est qu’elles renforcent les bases. J’ai aimé la façon dont il se moque gentiment des conseillers dont le raisonnement est le suivant : "je prévoie que l’économie va faire A. Si A se produit, les taux d’intérêt devraient faire B. Avec des taux d’intérêt B, la Bourse devrait faire C. Dans un environnement comme celui-ci, le secteur le plus performant devrait être D, et l’action E devrait être celle qui augmentera le plus".
– La plupart des gens ne font pas de probabilités de manière intuitive. Résultat, ils ont tendance à exagérer la possibilité que leurs prédictions se réalisent. Comme le remarque Mark, si vous faites cinq prédictions et que chacune a 67% de chances d’être juste, il n’y a donc que 13% de chances pour qu’elles soient toutes justes. Plus vous faites de prédictions, même si chacune d’entre elle est probable, moins il y a de chances pour qu’elles soient toutes justes. Souvenez-vous en la prochaine fois que vous entendrez un économiste vous raconter son scénario préféré.
– Comme Mark travaille principalement dans les marchés de dettes, il est plus au courant des cycles du crédit que la plupart des gens. "Plus j’évolue dans le milieu de l’investissement", écrit-il dans une lettre de 1998, "plus je respecte le rôle du cycle du crédit".
– Tous ceux qui ont vécu le marché de 2008 seront sûrement d’accord avec lui. En 2008, le marché s’est gelé, comme une bouteille de Coca-Cola dans l’Arctique. Là où il était autrefois facile de lever des capitaux et d’emprunter de l’argent, subitement, même les emprunteurs solvables ne pouvaient plus rien obtenir.
– Les cycles du crédit amplifient les variations de l’économie au sens plus large. "Regardez autour de vous la prochaine fois qu’une crise se produit ; vous trouverez sûrement un prêteur", écrit Mark.
– Dans une lettre datée de 2000, il décrit les effets d’une contraction du crédit, en s’appuyant sur les travaux de Richard Bookstaber. Le document me rappelle beaucoup ce qui s’est produit en 2008. En général, quand les prix chutent, cela attire les acheteurs. Mais dans une crise du crédit, la chute des prix déclenche une augmentation du nombre de ventes. Comme les gens luttent pour trouver des liquidités, la chute des prix réduit l’offre en liquidités potentielles (puisque les prix chutent, vous devez vendre de plus en plus pour lever une quantité donnée de liquidités).
– Un cercle vicieux se développe alors, qui peut faire couler les prix loin, bien loin en dessous de leur valeur intrinsèque. Les stratégies de diversification échouent dans des environnements de ce type, puisque tout chute.
– Pour les investisseurs, une marge de sécurité devient absolument essentielle. Dans un cycle de contraction du crédit, les investisseurs doivent se concentrer sur la solidité des bilans, mais aussi sur le prix qu’ils paient chaque investissement. Comme le répète toujours Mark : en soi, aucune idée d’investissement n’est bonne ou mauvaise. Tout dépend du prix que l’on paie. "La chose la plus importante — celle qui prime sur toutes les autres", écrit-il, "c’est la relation entre le prix et la valeur".
– J’étudie les investisseurs depuis près de 20 ans. Pour ce faire, je lis les lettres et les livres des investisseurs qui sont dans la partie depuis longtemps, et qui jouent bien. L’une des choses que j’ai apprises, c’est qu’il existe de nombreuses façons de gagner de l’argent en Bourse au fil du temps. La diversité de points de vue donne au terrain son parfum et sa couleur. Les investisseurs sont aussi différents les uns des autres que le sont plusieurs espèces d’oiseaux.
– Quoi qu’il en soit, Mark transmet une sagesse intemporelle qui peut servir à tous les investisseurs.