▪ Les chiffres de « l’inflation » sont probablement les plus importants de tous ceux que calculent les ronds-de-cuir. Parce que ces chiffres tiennent compte de tous les autres. Si vous dites que votre maison a vu son prix grimper, nous devons savoir de combien tout le reste a grimpé. Si le prix de votre maison a doublé alors que tout le reste doublait aussi, vous n’avez en réalité pas fait le moindre gain. De même, votre salaire peut augmenter — mais ça ne vous servira à rien s’il n’augmente pas plus que les choses que vous achetez. Sinon, cela revient à rester immobile tandis que le reste du monde avance sans vous.
La croissance du PIB elle-même est ajustée à l’inflation. Si la production grimpe de 10% tandis que l’indice des prix à la consommation (IPC) grimpe lui aussi de 10%… la production réelle, après inflation, stagne. Retraites, impôts, certaines formes d’assurance — les chiffres de l’IPC sont utilisés pour corriger des distorsions causées par l’inflation. Mais si les chiffres de l’IPC sont eux-mêmes faussés, alors c’est tout le système qui s’en trouve déformé.
On peut penser que c’est une simple question de mesurer le taux d’augmentation des prix. Il suffit de prendre un panier de biens et de services. On suit les prix. Le problème, c’est que les composants du panier tendent à changer. On peut acheter des fraises en juin parce qu’elles sont disponibles à un prix raisonnables. Achetez-les en mars, en revanche, elles seront plus chères. On sera tenté de dire que les prix grimpent parce que c’est ce qu’ils font.
Les statisticiens ne nient pas forcément la réalité ; ils la redéfinissent simplement. D’abord, ils font des « ajustements saisonniers » pour sortir les fraises du panier de mars. Ensuite, ils procèdent à des substitutions ; quand une chose devient chère, les acheteurs passent à une autre. Les statisticiens soulignent bien qu’ils substituent d’autres éléments de même qualité, pour que les mesures restent justes. Mais ce processus introduit une nouvelle nuance.
Disons que vous avez besoin d’acheter un nouvel ordinateur. Vous allez au magasin. Vous vous rendez compte que l’ordinateur qu’on vous propose est à peu près au même prix que celui que vous avez acheté l’an dernier. Pas d’augmentation de l’IPC ! Mais vous regardez de plus près, et constatez que cet ordinateur est deux fois plus puissant. Hmmm. Voilà que vous obtenez deux fois plus d’ordinateur pour le même prix… mais vous ne pouvez pas acheter la moitié de l’ordinateur. Vous sortez donc votre porte-monnaie et payez autant que l’an dernier.
Que font les mathématiciens de cette information ? Ils maintiennent que le prix de l’informatique a été divisé par deux ! Ils peuvent prouver que c’est le cas en examinant les prix des ordinateurs de seconde main. Votre ordinateur, sur le marché, se vendrait moitié moins cher que le nouveau modèle. Le nouveau modèle est donc deux fois meilleur. CQFD.
Ce raisonnement ne semble pas entièrement déraisonnable. Mais un ordinateur à 1 000 $ est une part substantielle du budget de la plupart des ménages. Et cet ajustement « hédoniste » des prix tire largement à la baisse la mesure des prix à la consommation, quand bien même le ménage moyen dépenserait exactement autant cette année que l’année précédente. Le coût de la vie d’une famille moyenne reste inchangé, mais les statisticiens affirment qu’elle dépense moins.
Cette approche pourrait fonctionner pour d’autres choses. Une automobile, par exemple. Si les constructeurs automobiles commençaient à produire des voitures deux fois plus rapidement… et doublaient les prix… les statisticiens devraient ignorer les prix sur l’étiquette et conclure qu’ils n’ont pas changé.
Et qu’en est-il d’autres objets de consommation ? Une femme achète une nouvelle paire de chaussures pour 100 $. L’année suivante, ces chaussures sont démodées. Elle tente de vendre son ancienne paire dans une boutique de seconde main. Les chaussures ne lui rapportent que 5 $ — une chute de 95%. Est-ce que ça signifie qu’une nouvelle paire de chaussures est 20 fois plus précieuse ? Si c’est le cas, en partant du principe qu’elle achète une nouvelle paire pour 100 $, a-t-elle vraiment eu pour 2 000 $ de chaussures ? Mesures hédonistes, ajustements saisonniers, substitutions — les statisticiens peuvent truquer tous les chiffres qu’ils veulent.
Les autorités vous donneront un chiffre précis pour l’inflation comme s’il avait une signification précise et exacte. Mais tous les chiffres sont douteux — mais ça n’empêche pas les économistes de les empiler comme s’il s’agissait de briques stables et immuables. Et sur cette montagne branlante, ils érigent leurs politiques de planification centrale.
1 commentaire
Merci pour cette revue rapide – il est vrai que l’inflation a une importance sans mesure.
J’aimerai juste souligner que la métaphore des voitures est quelque peu faussée: ce n’est pas la vitesse mais le kilometrage total qui est à souligner! En gros, les statisticiens diront que le prix n’a pas changé si une nouvelle voiture, au prix double, pouvait parcourir deux fois plus de kilomètres en une vie.