▪ Depuis l’annonce de Mario Draghi, les mesures historiques de la BCE et le chemin de plus en plus "japonais" que prend la Zone euro… il y a de quoi se poser des questions.
"Nous avons vu comment les taux d’intérêt nuls ont bien fonctionné pour la croissance japonaise", disait Dan Denning hier. "Cette politique est aussi efficace que planter un clou avec un doigt".
Toute cette situation est étroitement liée à celle des banques (vous pouvez d’ailleurs retrouver l’excellent article de Mory Doré sur le sujet ici et ici, en deux parties) — et elle ne se limite pas au Vieux Continent.
Simone Wapler donnait mercredi dans sa Stratégie une analyse approfondie de la situation :
▪ "La Grèce dont tout le monde s’arrachait la dette ne semble pas tirée d’affaire, mais aucune importance puisque le guichet de la Banque centrale européenne accueillera toujours les créances douteuses.
Les Etats sont toujours désargentés (et cela n’ira pas en s’améliorant). La particularité des gens désargentés, c’est qu’ils ont tendance à devenir méchants et les gouvernements n’échappent pas à la règle. La Commission européenne s’intéresse au dumping fiscal de l’Irlande.
Plus ambitieux, les Etats-Unis ont déclaré la guerre mondiale au secret bancaire.L’affaire BNP Paribas n’est qu’une anecdote de cette guerre. Comme le dit très pertinemment Charles Gave dans sa note du jour (BNP, Big Brother and the US Dollar), les Américains entendent imposer leur loi fiscale à la terre entière :
‘Dans chaque transaction en dollar, il y aura désormais non plus deux parties, mais trois : l’acheteur, le vendeur et le gouvernement américain’.
Le gouvernement américain veut sa part, sa taxe. Aujourd’hui plus de 60% du commerce mondial se fait en dollar et 60% des réserves des banques centrales sont en dollar (i.e. de la dette américaine). Pensez-vous que cette proportion va augmenter ? Non, bien sûr. La ‘dédollarisation’ va s’accélérer… ce qui, en toute logique, devrait pousser à la baisse du dollar".
Mais les choses ne sont pas aussi simples, continue Simone :
▪ "La situation se complique car nous avons beaucoup de forces antagonistes en présence. Revenons sur les mesures de Mario Draghi. Elles sont évidemment inutiles puisqu’il s’agit de forcer des banques malsaines à prêter de l’argent qui n’existe pas à des emprunteurs insolvables(les gens solvables tiennent à le rester et ne souhaitent donc pas emprunter). On voit mal en quoi la multiplication de bouts de papier ou de lignes de crédit serait bonne pour l’économie (sauf évidemment pour ceux qui touchent une commission sur le placement de ces papiers ou crédits).
Cependant, de plus en plus de gens tiennent le raisonnement suivant : puisque les marchés actions s’achètent à crédit et que crédit il y a, les marchés actions vont monter. Les fonds de pension japonais s’apprêtent à vendre la dette japonaise (qui ne rapporte rien et ne permet pas de servir les rentes des retraités japonais de plus en plus nombreux) pour acheter des actions étrangères. Encore un facteur de hausse, donc.
Ce raisonnement a une limite : les actions montent si les entreprises dégagent plus de résultats. Mais où sont ces fameux résultats ? En Europe, ceux de l’Eurostoxx 600 baissent depuis octobre 2011. Le marché est donc suracheté, à 24 fois les bénéfices par action. Ce niveau donne à réfléchir pour des entreprises matures comme celles de l’Eurostoxx 600.
Encore une fois, il sera très difficile d’être les premiers à se diriger vers la sortie ; en dehors du fait qu’il faudra être le premier à voir le signal d’alarme, la foule est devenue tellement dense que l’exercice sera périlleux".
Prudence donc. Profitez de la hausse actuelle si vous le souhaitez — mais choisissez avec un soin extrême les valeurs que vous mettez dans votre portefeuille. Préférez des entreprises innovantes, dont le marché est solide, qui ont fait leurs preuves… et surtout, n’oubliez pas que la clé du succès, en Bourse, c’est surtout de savoir précisément quand vendre !
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora