▪ C’est la mi-temps de la correction boursière du second trimestre 2010. Les baissiers sont partis se rafraîchir à la buvette ; pendant ce temps-là, les haussiers propulsent allègrement leurs ballons couverts d’inscriptions « je joue à fond la hausse » dans les buts vides !
Et de sept, s’exclamaient-ils sur un ton euphorique jeudi midi, tandis que le CAC 40 testait les 3 700 points et l’Eurotop 100 les 2 200 points… Sauf que cela compte pour du beurre car personne n’est dupe de la cause de cette remontée spectaculaire et à marche forcée qui dure depuis le 10 juin.
Cela a commencé par un « short squeeze » sous les 3 400 points à Paris — un joli piège pour les spéculateurs à la baisse. Cela s’est ensuite poursuivi par des rachats techniques visant à limiter les pertes globales du premier semestre qui s’achève aujourd’hui !
Les baissiers ont par ailleurs quitté le terrain le 9 juin avec un avantage de 19 à la baisse (19% de repli entre le zénith du 16 avril et le plancher du 25 mai, -16% entre le 16 avril et le 8 juin). Ils ont donc tout intérêt à laisser les cours remonter pour accroître leurs futurs gains potentiels.
▪ Les acheteurs ont accompli héroïquement leur mission ces trois derniers jours car ils ont été pris sous une grêle de mauvais chiffres conjoncturels. Les derniers en date concernent l’indice d’activité de la Fed de Philadelphie, en chute libre de 21,4 vers 8 ce mois-ci, ainsi que le marché du travail US avec un bond inattendu des demandeurs d’indemnité chômage (+12 000, à 472 000 personnes) à l’issue de la seconde semaine du mois de juin.
Après les constructeurs automobiles, les spécialistes de la grande distribution notent à leur tour une plus grande frilosité des consommateurs depuis six semaines : le fléchissement des dépenses a coïncidé avec le début de la correction à Wall Street. Les chiffres du secteur immobilier publiés mercredi étaient quant à eux exécrables, avec une chute de 10% des mises en chantier de logements neufs et de 5,6% des demandes de permis de construire au mois de mai.
C’est à se demander si un seul secteur d’activité véhicule encore des indications favorables aux Etats-Unis… Rappelons que dans le même temps, les dépenses consécutives à la mise en oeuvre du méga-plan de relance de février 2009 sont à leur zénith et devraient commencer à se tarir d’ici la fin de l’année 2010.
C’est à peine si le moteur de la machine à créer des emplois a toussoté à la fin du premier trimestre — avant de caler lamentablement dès que Washington a cessé de tirer sur le starter. L’épais nuage de fumée du mois de mai (+420 000 emploi) n’annonçait en aucun cas une bonne carburation de l’économie américaine. En effet, 95% des postes comptabilisés au 4 juin ne sont que des embauches temporaires — et même très éphémères — correspondant au recensement de la population américaine, une opération qui devrait être bouclée avant la fin de l’été.
▪ Les Etats-Unis ne semblent pas plus susceptibles de se débarrasser rapidement de la marée noire causée par le groupe BP que de la marée noire du chômage. Elle a débuté fin 2007 et son débit véritable a été constamment minoré aux yeux du grand public.
Pour ce faire, tous les moyens sont bons — qu’il s’agisse de « biais statistiques saisonniers », de radiations des listes, de modifications de la nomenclature des différentes catégories de demandeurs d’emplois… Washington ne se montre pas plus transparent que BP sur les problèmes dans lesquels s’englue l’économie américaine et contre lesquels il n’existe aucune parade.
Il ne pouvait exister de moyens efficaces que préventifs. Dans l’impossibilité d’éliminer la cause (la délocalisation des emplois ou la rupture d’un pipe-line), il faut renoncer aux faux-fuyants qui ne trompent plus personne.
Les queues s’allongent devant les soupes populaires comme jamais depuis le temps des « raisins de la colère »… Quant au désastre écologique, déjà chiffré à 20 milliards de dollars, il commence seulement à donner la juste mesure de ce qui attend les riverains du golfe du Mexique au cours des 18 prochains mois. Cela si l’on se base sur la vitesse de dispersion de la pollution en surface et les courants sous-marins emportant les éléments les plus lourds… qui finiront bien par atteindre eux aussi les côtes.
Ce seront des centaines de milliers de personnes au chômage (pêcheurs, restaurateurs, salariés du secteur agro-alimentaire, hôteliers, agents immobiliers…) qui finiront par aller chercher du travail ailleurs, comme la famille Joad dans la saga écrite par John Steinbeck.
▪ En France, les chiffres du chômage réel sont tout aussi tabous mais le « filet social » empêchait que le ressenti de la population soit trop anxiogène. L’éloignement des perspectives de départ en retraite (alors que le taux d’activité des seniors est d’à peine 50%) pourrait gâter l’humeur des consommateurs : un redoutable effet de ciseaux se profile.
Il faut se préparer à un alourdissement de la fiscalité qui va frapper les classes moyennes supérieures (toutes les professions libérales liées à la santé vont se voir infliger une dose d’impôts non remboursables). Viendra également la nécessité d’accroître l’effort d’épargne en vue de fins de carrières qui s’annoncent chaotiques si la croissance ne revient pas… ce qui semble à peu près certain.
Et les cessions de valeurs mobilières vont être taxées dès le premier euro tandis que les plus-values vont certainement écoper d’un surcroît de CSG d’ici la prochaine loi de finances. Mais avec un peu de chance, une rechute de la bourse permettra d’échapper à l’appétit du fisc… Que du bonheur !