Un détournement de fonds mondial se déroule depuis des années dans l’économie mondiale. Jusqu’à présent, cette « arnaque en pyramide » donnait l’impression d’enrichir tout le monde, mais des fissures commencent à apparaître dans l’édifice…
Lorsque le bezzle, le détournement de fonds dont nous parlons hier, se produit, a souligné l’économiste John Kenneth Galbraith, « il y a une augmentation nette de la richesse perçue, de la richesse psychique ».
Pourquoi ? Parce que celui qui détourne se sent (et est) plus riche, alors que ses victimes ne se rendent pas compte qu’ils sont moins riches.
Pensez par exemple aux nombreux investisseurs dupés de leur épargne-retraite par des stratagèmes de Ponzi comme celui orchestré par Bernie Madoff. Pensez aux comptes d’épargne actuels gonflés par le Ponzi de la Fed, de la BCE ou de la banque centrale japonaise.
Dans de telles situations, n’oubliez pas, la richesse collective perçue dépasse la richesse collective réelle ; pendant un certain temps, le monde semble être un endroit plus heureux (et plus riche) qu’il ne l’est vraiment. Pensez là encore à l’impression de richesse que Macron a réussi à donner depuis 18 mois en créant des centaines de milliards de dettes que la France n’a et n’aura jamais les moyens de rembourser/honorer. Idem bien sûr pour les Etats-Unis !
Comme l’a expliqué plus tard l’économiste britannique John Kay :
« La joie du bezzle – du détournement – c’est que deux personnes, chacune ignorant l’existence et le rôle de l’autre, peuvent profiter de la même richesse. »
Des dettes qui ne valent plus rien
En ce sens, le bezzle est créé non seulement par des intrigants de Ponzi, comme Madoff, mais aussi sous la forme d’entreprises – comme Enron, par exemple, ou WorldCom – dont les fraudes comptables se traduisent par des actifs surévalués et des valorisations boursières excessivement élevées, jusqu’à ce que les fraudes comptables soient découvertes.
Il y a une augmentation collective de la richesse psychique à mesure que la valeur du bezzle augmente.
Plus il y a de dettes dans un système et plus le bezzle, plus la masse de détournements, augmente – car la plupart de ces dettes ne valent rien, elles ne valent que tant que l’on continue d’en créer de nouvelles. C’est cela que l’on appelle le Ponzi : la création de nouvelles dettes soutient la valeur des anciennes et masque le fait qu’elles ne valent rien.
Malheureusement, le bezzle est temporaire, poursuit Galbraith ; à un moment donné, les investisseurs se rendent compte qu’ils ont été dupés et qu’ils sont donc moins riches qu’ils ne l’avaient supposé. Lorsque cela se produit, la richesse perçue diminue jusqu’à ce qu’elle se rapproche à nouveau de la richesse réelle. Tout s’inverse.
L’effet des détournements est donc de faire monter temporairement la richesse totale perçue avant de la ramener au niveau ou en dessous de son niveau d’origine. Le bezzle euphorise collectivement au début et peut déclencher des dépenses plus élevées que d’habitude, jusqu’à ce que la réalité s’installe – après quoi cela devient terrible et tout peut s’effondrer.
Un concept amélioré
Le bezzle sans détournement de fonds apparent est le bezzle de notre époque.
En soi, le bezzle est un concept assez utile, mais il a été amélioré dans les années 1990, par le vice-président de Berkshire Hathaway, Charles Munger. Il l’a développé en un concept beaucoup plus large et plus subtil.
Le bezzle n’a pas besoin de détournement de fonds effectif pour fonctionner, a-t-il souligné. Chaque fois que la valeur marchande déclarée d’un actif ou d’un portefeuille dépasse temporairement sa valeur économique réelle, l’économie subit la même augmentation de la richesse psychique que dans le bezzle, suivie d’une diminution.
Comme Munger l’a expliqué dans un discours de 2000 :
« Galbraith a inventé le mot ‘bezzle’ parce qu’il a vu que le détournement de fonds non divulgué avait un effet stimulant très puissant sur les dépenses. Après tout, le détourneur dépense plus parce qu’il a plus de revenus, et son employeur dépense comme avant parce qu’il ne sait pas qu’il s’est appauvri.
Mais Galbraith n’a pas poussé sa perspicacité. Il s’est contenté d’arrêter avant d’avoir épuisé la question. Je vais donc maintenant essayer de pousser le concept de ‘bezzle’ de Galbraith au niveau logique suivant. »
Munger a poursuivi en illustrant comment la hausse des prix des actifs, lorsqu’elle est plus rapide que les augmentations de la valeur économique à long terme sous-jacente, peut contribuer à ce qu’il a maintenant rebaptisé le febezzle – un mot maladroit qui n’a jamais été repris.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]