▪ Vous souvenez-vous de la phrase « achetez ce que la Chine a besoin d’acheter » ? Cela a été notre thèse pendant des années. J’y ai souvent puisé de l’inspiration. Et les valeurs des producteurs de potasse, de pétrole, de minerai de fer et autres éléments tirés de la terre ont bien performé. Mais les périodes de fortune vont et viennent. Ces matières premières seront-elles de bons investissements aujourd’hui pour demain ?
D’abord, permettez-moi de rappeler ce que tout investisseur dans les matières premières devrait savoir : la Chine est votre plus grand acheteur.
Par conséquent, répondre à la question que j’ai posée plus haut signifie que vous devez réfléchir au taux de croissance de la Chine. Lorsque la croissance de la Chine ralentit, c’est mauvais pour les matières premières. Lorsqu’elle accélère, c’est bon pour les matières premières. C’est logique, n’est-ce pas ? Au cas où vous ne l’auriez pas compris, l’activité manufacturière de la Chine a chuté pour le troisième mois d’affilée en juin. Le PMI (Purchasing Managers Index) s’établissait à 50,9, alors qu’il était à 52 en mai. Tout nombre au-delà de 50 est signe d’expansion ; en dessous, cela signifie une contraction.
Officieusement, la situation est probablement pire, parce que le gouvernement chinois manipule les chiffres déplaisants.
Qu’est-il arrivé aux prix des matières premières au cours de ces trois mois ? Etudions l’indice Dow Jones-UBS Commodity, qui est composé de 19 matières premières — il est complet et va de l’aluminium au zinc. La plupart de ces 19 matières premières ont chuté au cours de ces derniers mois.
N’oubliez pas que la Chine est encore en croissance, mais à un rythme plus ralenti. Imaginez à présent ce qui arriverait si la croissance de la Chine se contractait réellement ?
▪ Voilà l’une de ces choses qui semblera d’une extrême évidence rétrospectivement. Mais si vous êtes inquiet à propos d’un ralentissement en Chine — comme je le suis — alors vous devriez prendre vos distances avec les matières premières qui figurent en haut de la liste d’achats chinoise. Ceci est l’exact opposé de ce que j’ai prôné ces dernières années.
Cela signifie que vous devriez éviter tout particulièrement le ciment, le minerai de fer, le charbon, le porc et l’acier. Vous devriez plutôt vous tourner vers la nourriture, le blé et la volaille, qui ne sont pas aussi sensibles aux achats chinois. Chose étonnante, le pétrole est tout au bas de la liste et fait figure d’exception. Alors que le prix du pétrole était en baisse au deuxième trimestre, les importations chinoises approchaient des niveaux record. Cela ne signifie pas que les prix du pétrole ne chuteront pas si la Chine ralentit ou se contracte, mais à ce stade le pétrole semble moins influençable que d’autres matières premières.
L’autre grande exception est les métaux précieux. Tandis que les importations chinoises de cuivre, de charbon et de minerai de fer sont en baisse depuis un an, le pays continue à acheter en quantités des métaux précieux. Il n’existe pas de données officielles mais on estime que les importations chinoises d’or s’élèvent à 200 tonnes sur le premier semestre. Ce chiffre est à comparer aux 250 tonnes pour toute l’année dernière, quatre fois plus qu’en 2009. La Chine a acheté tout cet or malgré le fait qu’elle est le premier producteur mondial d’or.
Ce genre d’analyse peut même aller plus loin. Certains pays, eux aussi, ont profité de la fièvre d’achats chinoise. Le Brésil, pour sa part, est un gros fournisseur des besoins chinois en matières premières. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait été parmi les marchés les moins performants au deuxième trimestre, en baisse de plus de 5%. Ainsi va la Chine, ainsi va le Brésil. On pourrait dire la même chose du Canada (également en baisse de 5%) et de l’Australie. La Russie, autre grand marché des matières premières, était en baisse de 7% au deuxième trimestre.
Je reconnais que cette analyse est troublante. Mais cela vaut la peine de réfléchir à ce qui arrivera si la Chine ralentit encore plus, voire se contacte. Toutes les économies se contractent à un stade ou à un autre, ne serait-ce que sur une période donnée. L’économie chinoise ne s’est pas contractée depuis 1976. Cela fait 35 ans, ce qui est une longue période entre des dégagements économiques.
D’un autre côté, on parle de la fin de la Chine depuis longtemps. Plus récemment, Jim Chanos, le célèbre hedge funder et celui qui sera à jamais connu comme « l’homme qui a vendu à découvert Enron » a trouvé de nombreux points problématiques dans le boom chinois.
Il souligne que l’investissement en immobilisations en Chine représente 50% de l’économie. Ce chiffre est bien supérieur aux chiffres de bulles passées sur d’autres marchés. Tout cet investissement a créé « des villes fantômes inhabitées, des lignes ferroviaires à grande vitesse qui ne mènent nulle part et des appartements vides ». Il signale également un endettement excessif engagé dans la spéculation immobilière. « Toute la Chine est devenue un pays de spéculateurs immobiliers en puissance », affirme-t-il. L’immobilier en tant que pourcentage de l’économie a atteint des niveaux qui rappellent ceux de l’Irlande avant la bulle. L’inflation échappe également à tout contrôle — d’où l’achat massif par les Chinois de métaux précieux pour protéger leur richesse — et la nourriture et les produits de première nécessité représentent à présent 50% du budget chinois moyen.
Tout cela est également inquiétant. Ce qui plus troublant est que rares sont ceux qui veulent regarder en face l’horrible possibilité que peut-être, il est temps de lever le pied sur les matières premières. « Nous ne pensons pas qu’il est temps à présent de lever le pied sur les matières premières », ont récemment déclaré, de façon catégorique, les analystes de Barclays. « C’est même tout le contraire ».
C’est là l’opinion générale. Et c’est l’opinion facile, parce que jusqu’ici, elle s’est avérée juste. Selon Barry Bannister chez Stifel Financial, « les prix des matières premières ont atteint le meilleur rendement sur une période de 10 ans depuis 200 ans ». Et au cours des 10 dernières années, les valeurs les plus performantes ont été celles impliquées dans l’extraction de matières premières.
A ce jour, « acheter les plus bas » a été toujours rentable concernant les matières premières. Peut-être le consensus aura-t-il à nouveau raison. En fait, je l’espère. Le monde est plus facile à investir lorsqu’on peut compter sur la Chine — la deuxième plus grande économie mondiale.
Mais je dis : attention, premier avertissement.