▪ Le 4 juillet, les Américains ont célébré leur indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne.
Nous revenons tout juste de Londres ; il est difficile de voir la raison de toutes ces histoires. Les Anglais semblent plutôt sympathiques. La reine a gardé toute sa dignité. Le gouvernement britannique ne semble pas pire que son homologue américain. Et David Cameron semble avoir une bien meilleure idée de ce qu’il est en train de faire que l’équipe Obama.
Cameron appelle à "l’austérité". Il veut que le public britannique fasse des sacrifices, de manière à ce que les finances publiques britanniques puissent être reprises en main. Nous doutons qu’il réussisse. Pour autant que nous en sachions, aucun gouvernement élu démocratiquement n’a jamais pu réduire sa dette pendant une contraction du crédit. Quelques gouvernements — dont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne — ont réussi à réduire leurs dettes dans les années 80 et 90. Mais leurs économies étaient alors en plein boom. Tant que l’économie se développe plus rapidement que la dette, cette dernière décline en tant que pourcentage du PIB. Les années 80 et 90 étaient des années de boom. Le crédit se développait. Les gens achetaient de plus en plus de choses dont ils n’avaient pas besoin avec de plus en plus d’argent qu’ils n’avaient pas.
Bien entendu, ce genre de boom ne peut durer éternellement. Lorsqu’il a pris fin en 2007, cela a tout changé, financièrement parlant, pour les gouvernements comme pour les ménages et les entreprises. Les revenus fiscaux ont chuté. Les dépenses ont grimpé. Idem pour les renflouages et usines à gaz qu’ils appellent "dépenses de relance".
A mesure que les déficits grimpent, il en va de même pour la dette… et pour les voix qui nous disent qu’il ne faut pas s’en inquiéter. Ces voix — menées par Paul Krugman dans le New York Times — mentionnent le déclin de la dette dans les années 80 et 90. Ils disent qu’on peut éliminer la dette par la croissance aujourd’hui, comme on l’a fait autrefois.
A la Chronique Agora, nous n’écartons aucune hypothèse. Il y a bien longtemps que nous n’avons pas dit une chose avec une conviction absolue et inébranlable. Aujourd’hui, même lorsqu’on nous demande notre nom, nous vérifions les initiales sur nos vêtements pour en être certain.
Peut-on se sortir de la crise par la croissance ? Eh bien, tout est possible. Mais deux choses rendent ça plutôt improbable. Nous vivons une contraction du crédit. Elle fait partie de ce que nous appelons la Grande Correction. Les taux de croissance seront bas… voire négatifs à l’occasion. Les déficits gouvernementaux, en revanche, devraient grimper.
Deuxième chose : la composition de l’économie. Elle est de plus en plus contrôlée par le gouvernement. La "croissance" dans une telle économie est largement fictive. Elle reflète une activité, mais pas la prospérité. C’est une activité dans laquelle on ne peut pas puiser pour rembourser la dette. Au contraire, elle ne fait que l’alourdir.
▪ Krugman et al. invoquent un autre exemple : la Seconde Guerre mondiale. A la fin de la guerre, la dette américaine était équivalente à celle d’aujourd’hui en tant que pourcentage du PIB. "Alors où est le problème ? Cela ne nous a causé aucun tort à l’époque", disent-ils.
Sauf que le gouvernement américain était en fait en bien meilleure position financière à cette époque. Même s’il avait à peu près la même dette nationale officielle, il ne comptait presque pas de passif hors bilan, de garanties financières et d’engagements sans fin. Aux dernières nouvelles, ces éléments dépassaient les 50 000 milliards de dollars.
Et il y a la dette du secteur privé, qui atteint elle aussi les 50 000 milliards de dollars environ. A combien se montait la dette privée américaine en 1950 ? A zéro ou presque.
Durant la période d’après-guerre, nous étions à une phase différente du cycle du crédit. Les gens commençaient tout juste à dépenser. Ils n’avaient pas une montagne de dette. Ils avaient une montagne d’épargne !
Oui, cher lecteur, les gens avaient fait des sacrifices durant les années de guerre. Ils avaient retardé leur consommation. Puis les soldats sont revenus — et avec eux, de la demande accumulée et de la véritable épargne qu’ils pouvaient mettre au travail. L’économie était donc prête pour une expansion de crédit, non une contraction. Les gens avaient vécu des années de vaches maigres ; ils étaient prêts pour quelques vaches grasses.
Nous sommes dans la situation inverse aujourd’hui. Peu de sacrifices ont été faits ces 50 dernières années. Au contraire, ces décennies ont vu une augmentation des extravagances. Voilà pourquoi les sacrifices sont nécessaires aujourd’hui.
Les ménages ne font que commencer à réduire leurs dépenses. Les gouvernements européens réduisent les leurs également — c’est du moins ce qu’ils disent. Et sous l’influence de Krugman et des autres néo-keynésiens, le gouvernement américain continue d’accumuler de gigantesques déficits… espérant que la dette sera refinancée et remboursée, comme ça avait été le cas après la Seconde Guerre mondiale.
Le principal avantage de la guerre, c’est qu’il y a eu un après-guerre. La Seconde Guerre mondiale avait un début et une fin. Lorsqu’elle se termina, les gens purent enfin revenir à une vie normale. L’économie était elle aussi prête à passer à une nouvelle phase — au lieu de fabriquer des chars d’assaut, il s’agissait de fabriquer des chauffe-eau. Les gouvernements purent enfin cesser d’emprunter et commencer à rembourser leurs dettes.
Le principal problème, avec le combat actuel, c’est qu’aucune fin ne se profile à l’horizon.