Moins endettées, attachées à une rentabilité de long terme, les entreprises familiales ont un parcours boursier supérieur aux autres.
Je me souviens avoir visité une fabrique de saké à Kyoto, au Japon. Rien de spécial — les distilleries ne manquent pas au Japon –, sauf que celle-ci était en activité depuis 900 ans.
Plus important encore : sur toute cette période, elle était restée aux mains de la même famille.
J’ai pensé à elle en lisant un nouveau rapport de la banque d’investissement Credit Suisse, intitulé « Le CS Family 1 000 en 2018 » ; c’est le deuxième rapport de ce genre — le premier ayant été publié en septembre dernier. En dépit de son titre, le rapport de cette année se penche sur 923 entreprises familiales cotées à travers le monde.
Les entreprises doivent remplir deux critères pour faire partie de l’étude :
– La participation directe des fondateurs ou de leurs descendants doit être de 20% au minimum.
– Les droits de vote des fondateurs ou de leurs descendants doivent atteindre au moins 20%.
Les conclusions de l’étude sont importantes pour les investisseurs. Elles montrent que les entreprises familiales font mieux que leurs pairs. Voir le tableau ci-dessous :
Cette surperformance se maintient quelle que soit la capitalisation boursière, la région ou l’industrie.
Les entreprises familiales cotées me fascinent depuis longtemps. Je suis en particulier intéressé par les décisions qu’elles prennent, par rapport à leurs homologues non-familiales.
Au cours des ans, j’ai beaucoup lu sur le sujet. J’ai également accumulé ma propre expérience directe en investissant dans des entreprises familiales.
Le rapport CS confirme une bonne partie des recherches existantes et de ma propre expérience sur les raisons pour lesquelles de telles entreprises s’en sortent mieux.
Voici quatre idées choisies…
Les entreprises familiales ont moins recours à la dette
Le rapport CS révèle que les CS Family 1 000 utilisent moins l’endettement que leurs pairs, de 22%. Les familles tendent à adopter un point de vue de long terme. Elles veulent que l’activité dure jusqu’à la génération suivante — puis celle d’après.
Par conséquent, ce sont souvent les entreprises familiales qui survivent très longtemps, tout comme cette distillerie de Kyoto. En fait, un tableau du rapport de CS détaille les plus anciens membres du CS 1 000 : ils remontent jusque dans les années 1700.
Comme le disait Peter Lynch, le légendaire investisseur qui a géré le fonds Magellan de Fidelity pendant de nombreuses années, difficile de faire faillite quand on n’a pas de dettes.
Les entreprises familiales tendent à générer de meilleurs rendements en cash
Cela semble sensé là aussi. Après tout, c’est le cash qui compte vraiment. Pas les revenus. Pas l’EBDITA. Pas une cible arbitraire fixée par l’industrie financière.
Le cash, c’est ce qui paie les factures, les dividendes etc. Les familles tendent à ne pas se laisser distraire par le bruit financier. Elles se concentrent sur la trésorerie générée par leur activité — et cela même si elles ont tendance à dépenser plus.
CS a découvert que les entreprises familiales réinvestissent une plus grande part de leurs profits dans leur entreprise, et dépensent plus en recherche & développement (R&D). Là encore, cela reflète une vision de long terme.
Des dirigeants obnubilés par des chiffres trimestriels peuvent facilement sabrer dans ces coûts même si cela endommage l’activité à long terme.
Autre découverte importante : les entreprises familiales tendent à coter plus cher que leurs homologues non-familiales. Selon CS, cette prime est d’environ 10% mais tend à fluctuer. Dans tous les cas, c’est un rappel utile : il ne faut pas craindre de payer la qualité un peu plus cher.
CS conclut son rapport par ces mots :
« Nos calculs pour chacune des catégories ‘focus à long terme’ suggèrent clairement que les entreprises familiales ont effectivement une philosophie d’investissement de plus long terme. […] Avoir un horizon d’investissement de long terme donne aux entreprises la flexibilité nécessaire pour s’éloigner du calendrier des bénéfices trimestriels afin de se concentrer sur la croissance, les marges et les rendements cycliques. Cela permet de lisser le cash-flow, réduisant ainsi le besoin de financement externe. A son tour, cela a soutenu la surperformance du cours des entreprises familiales depuis 2006″.
Bien investir, c’est faire attention à de tels avantages : ils peuvent sembler petits, mais sur toute une vie d’investissement, ils s’accumulent !
[NDLR : Comment investir dans des entreprises familiales en France — et profiter de cette surperformance ? La réponse est ici… ]
1 commentaire
comme le dirait Nicholas Taleb, ils « jouent leur peau », beaucoup plus qu’un dirigeant traditionnel