Les Américains ont plus consommé lors de ce Black Friday que pour le précédent. Serait-ce le début de la relance pour une économie en difficulté ? En réalité, d’autres problèmes pèsent…
C’est officiel, nous revoilà en période faste !
Aux Etats-Unis, les ventes du Black Friday ont atteint un nouveau record, cette année, dépassant de 2,3% celles de l’an dernier. Les ventes en lignes pour la période de Thanksgiving ont également progressé de 2,9%. Alors n’écoutez pas les alarmistes qui parlent de récession ! Contentez-vous de regarder les chiffres.
C’est ce que certains vous diront. Mais voici ce qu’ils ne vous diront pas : tous ces chiffres de vente sont nominaux. En d’autres termes, ils ne tiennent pas compte de l’inflation.
Si, cette année, un article coûte 10% de plus que l’an dernier, une diminution des ventes en volume peut très bien produire une augmentation des chiffres de vente, qui sont communiqués en valeur. Mais la véritable quantité de biens vendus peut être en baisse par rapport à l’année précédente. Les chiffres définitifs sont simplement masqués en raison de l’inflation.
En pratique, si l’on corrige de l’inflation les chiffres de vente nominaux pour cette année, on découvre que les ventes réelles ont baissé d’environ 5%… Un chiffre qui est cohérent avec une récession. Evidemment, il ne colle pas aux discours dominants, mais cela ne modifie en rien les faits.
Récession : le compte à rebours a commencé
La définition simple d’une récession est la suivante : deux trimestres consécutifs de recul du PIB (bien que d’autres facteurs tels que le chômage soient également pris en compte). L’économie américaine a traversé une récession modérée au premier semestre 2022 : elle a reculé de 1,6% au premier trimestre 2022 et à nouveau de 0,6% au deuxième trimestre.
Elle a rebondi au troisième trimestre, avec 2,6% de croissance en glissement annuel, bien que l’inflation persiste et que la croissance des salaires réels soit négative en raison de l’impact de l’inflation.
Mais selon toute vraisemblance, l’économie s’oriente à nouveau vers une récession encore plus prononcée dans les prochains mois – donc d’ici le premier trimestre 2023 – en raison de la politique de taux menée par la Fed.
La banque centrale américaine a relevé ses taux d’intérêt du niveau de 0% à celui de 4% en huit mois, et elle est bien partie pour les porter à 4,5% (au moins) avant la fin de l’année, lors de sa réunion de la mi-décembre. Il s’agit du cycle de resserrement monétaire le plus rapide depuis l’époque où Paul Volcker présidait la Fed, au début des années 1980.
L’inflation est à l’origine de ces mesures. Les prix de l’alimentation, de l’électricité et de l’essence ont grimpé encore plus vite que le taux d’inflation global, lequel s’élève actuellement à 7,7% (d’une année sur l’autre). C’est légèrement en baisse par rapport aux 9,1% de juin. Pour autant, l’inflation constatée ces derniers mois représente le taux le plus élevé jamais enregistré depuis 1981.
Après que les consommateurs ont acheté des produits essentiels tels que l’alimentation et l’essence, il leur reste donc moins d’argent pour les dépenses discrétionnaires telles que les vêtements, les produits pour la maison, les vacances, les loisirs, une nouvelle voiture, etc.
Parallèlement, la politique monétaire fonctionne généralement avec un décalage d’environ neuf à douze mois, en moyenne. La Fed ayant débuté son resserrement spectaculaire en mars, les impacts les plus significatifs commencent à peine à se faire ressentir.
C’est en 2023 que les pires impacts se feront ressentir. Une récession et une hausse du chômage sont quasiment courues d’avance, et cela se répercutera dans toute l’économie.
N’oubliez pas la chaîne d’approvisionnement
Et pour couronner le tout, les problèmes de chaîne d’approvisionnement menacent toujours l’économie. En fait, si vous pensez que cette crise est terminée, vous vous trompez.
Amazon fait face à des grèves locales, aux Etats-Unis. Les transports ferroviaires vont peut-être suivre, et le diesel pourrait rapidement manquer. Ce n’est pas une bonne conjonction d’événements, c’est le moins que l’on puisse dire.
L’an dernier à la même période, la crise des chaînes d’approvisionnement faisait les gros titres de la presse. Les rayonnages vides étaient monnaie courante, dans les supermarchés, alors que les délais de livraison des voitures neuves étaient d’un an, voire plus. Et ce n’était guère mieux du côté du commerce en ligne.
Les compagnies aériennes annulaient des vols à tour de bras. Lorsque certains produits étaient disponibles, on remarquait qu’à contenant constant, le fabricant avait réduit la quantité de produit, pratique appelée « shrinkflation » [NDLR : une quantité réduite vendue pour un prix qui reste le même].
Certaines pénuries ont été plus graves. Celles qui ont frappé le lait infantile ont menacé la santé et la nutrition des enfants, dans la mesure où l’on ne trouvait aucun substitut à une marque spécifique en rupture.
Les pénuries vont persister, mais la situation s’est améliorée, par rapport à l’an dernier. Mais cela ne veut pas dire que le fiasco de la chaîne d’approvisionnement est révolu.
Une grande grève des transports ferroviaires de marchandises est possible aux Etats-Unis, et pourrait se produire début décembre. Les grèves touchant le chemin de fer sont rares, car ce mode de transport est si crucial, pour l’infrastructure d’approvisionnement nationale, que le président et le Congrès ont souvent utilisé leurs pouvoirs pour faire barrage. Mais il y a des limites.
Cette grève a déjà été reportée depuis des mois, et l’accord de branche qui est l’objet des négociations a expiré il y a des années (les travailleurs obtiennent toutefois un complément de salaire au nouveau taux, une fois que le nouvel accord couvrant une période antérieure est ratifié).
L’accord de branche en question a déjà été rejeté par plusieurs des syndicats concernés par cette mesure, notamment le plus grand d’entre eux (l’unanimité est exigée pour qu’il entre en vigueur). La dernière date butoir arrive le 8 décembre, c’est-à-dire la semaine prochaine.
Indépendamment de cette grève du transport ferroviaire, le pays commence à manquer de diesel… lequel permet de faire tourner les moteurs des trains, mais aussi des camions et autres navires servant aussi au transport de marchandises. L’infrastructure de la chaîne d’approvisionnement américaine pourrait donc être stoppée net, avec ou sans grève.
Il semblerait que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement vont encore durer un temps, en dépit de certaines améliorations récentes, et c’est une raison de plus pour que l’économie ralentisse et recule lorsque les températures hivernales seront là.