** Un jour, dans une soirée à Manhattan, j’ai mentionné le fait que j’avais parlé à plusieurs groupes, aux Etats-Unis et en Europe, des opportunités d’investissement sur le marché des matières premières. Avant que je ne puisse prononcer un mot de plus, une femme m’a interrompu. "Les matières premières !" s’est elle exclamée avec cette incrédulité dans la voix que les habitants de Manhattan réservent d’habitude à leurs voisins qui déménagent à Los Angeles. "Mon cousin a investi dans le porc et il y a perdu sa chemise. Et pourtant il est économiste !"
– Apparemment, tout le monde a un parent qui s’est pris une raclée sur le marché des matières premières, et cette réalité (ou cette fiction) semble être une raison suffisante pour qu’aucune personne saine d’esprit ne se risque à jouer avec des choses aussi dangereuses. Que cette victime soit en plus un économiste professionnel rendait l’avertissement encore plus alarmant. Je n’ai pourtant pas pu m’empêcher d’éclater de rire.
– Des milliards de dollars sont investis chaque jour sur le marché des matières premières. Sans le marché des futures sur les matières premières, nombre des choses dont vous dépendez dans la vie quotidienne — de votre première tasse de café le matin à l’aluminium de votre porte d’entrée en passant par la laine de votre nouveau costume — seraient rares, voire inexistantes, et certainement plus chères.
– On entend beaucoup de platitudes justifiant le fait que les "personnes ordinaires" ne devraient pas investir dans les matières premières, et je souhaite démonter ces mythes une bonne fois pour toutes, afin que nous puissions nous tourner vers une question plus intéressante : comment pouvez-vous gagner de l’argent en investissant dans la catégorie d’actifs nouvelle génération ?
** En ce qui concerne votre Cousin-qui-s’est-fait-avoir — il était inexpérimenté. Il suffit d’apprendre. Il achetait probablement avec une marge faible — l’apport minimum demandé par un courtier pour se positionner sur une matière première précise — et quand le marché est allé contre lui il a tout perdu.
– Voilà comment ça se passe : comme les actions, les matières premières peuvent être achetées sur marge. Mais contrairement aux actions, pour lesquelles la loi vous oblige à déposer au moins 50% du prix des parts, les marges sur matières premières peuvent être de moins de 5%. Vous pouvez acheter pour 100 $ de soja avec seulement 5 $. Si le soja monte jusqu’à 105 $, vous avez doublé votre mise. Magnifique. Mais si le soja chute de 5 $, vous êtes ruiné. Pas si magnifique que ça.
– Les spéculateurs futés et expérimentés peuvent gagner énormément en achetant sur marge. Ils savent aussi qu’ils peuvent perdre beaucoup. Mais en général, ils peuvent se le permettre. Votre cousin a vu trop grand. S’il avait acheté pour 100 $ de soja comme on achète des IBM — à 100 $ (ou peut être même 50 $) — il aurait été heureux si c’était monté de 5 $, mais pas ruiné si cela avait chuté de 5 $.
– Quand je parle des matières premières en public, il y a toujours quelqu’un pour dire que nous vivons aujourd’hui dans un monde de nouvelles technologies où les ressources naturelles n’auront jamais autant de valeur que quand nous avions une économie industrielle. Mais si vous relisez l’histoire, vous découvrirez que les avancées technologiques sont aussi vieilles que l’histoire elle-même : au 20ème siècle sont apparus l’électricité, le téléphone, la radio puis la télévision. Il y a aussi eu l’automobile, l’avion, les semi-conducteurs — et au beau milieu de toutes ces innovations technologiques révolutionnaires sont apparus des marchés haussiers pluriannuels pour les matières premières.
– Quand l’offre et la demande en matériaux bruts est sérieusement détraquée, l’émergence d’une nouvelle technologie ne va pas forcément rétablir l’équilibre. C’est certain, les changements technologiques ont, par exemple, rendu l’économie moins dépendante du pétrole. Mais nous en utilisons toujours énormément, et quand il n’y en a pas assez, les prix augmentent. Les ordinateurs et les robots font peut-être des choses extraordinaires, mais ils ne peuvent pas trouver du pétrole ou du cuivre là où il n’y en a pas, ni faire que le sucre, le coton, le café ou les troupeaux grandissent ou poussent plus vite que la nature ne le permet. Nous pouvons passer nos journées à commander du plomb via nos ordinateurs, toute cette technologie internet sera vaine s’il n’y a plus de mines de plomb. La technologie ne peut pas nous nourrir ou nous tenir chaud, et la demande en matières premières ne disparaîtra donc jamais.
– Parlez-moi plutôt de ces titres Cisco que vous possédiez en 2000. Ou JDS Uniphase, ou Global Crossing ? Toutes ces actions risquées ont fait de l’entrée dans le nouveau millénaire une période assez sombre pour beaucoup d’investisseurs qui ont vu leur portefeuille s’évaporer.
– Si vous faites bien vos devoirs et que vous restez rationnel et responsable, vous pouvez investir dans les matières premières avec peut-être moins de risques que sur les marchés actions. Laissez-moi souligner quelque chose que vous n’aviez peut-être pas remarqué : le Nasdaq a été plus volatil, ces dernières années, que n’importe quel indice de matières premières. Cisco, Yahoo! et même Microsoft ont été bien plus instables que le soja, le sucre ou les métaux. Comparé au risque record de la plupart des actions technologiques, les matières premières sont assez stables pour faire partie du portefeuille de n’importe quel "bon père de famille".
– Et permettez-moi aussi de vous rappeler la différence énorme qui existe entre les matières premières et les actions : les matières premières ne peuvent pas tomber à zéro, alors que les actions Enron le peuvent (et l’ont déjà fait).