Les autorités économiques et financières ne veulent pas – ou ne peuvent pas – voir qu’elles sont à l’origine des problèmes actuels. Pire, elles en rajoutent une couche…
La Fed nie que ses propres politiques soient à l’origine des crises à répétition, des tendances déflationnistes et des inégalités astronomiques.
C’est normal : on ne peut attendre de ceux qui causent les crises qu’ils en voient les raisons. Ils font partie du problème, et la seule solution est de les mettre hors du circuit et de leur retirer tout pouvoir.
Les responsables pratiquent la pensée de groupe, ils ne rendent aucun compte, ils ne sont pas élus mais nommés ou cooptés, ils utilisent les mêmes théories, les mêmes modèles économétriques, ils ont les mêmes professeurs au MIT (Massachusetts Institute of Technology) ou ailleurs et ils ont le respect l’autorité. Ils ne tolèrent pas la contradiction.
Ils me font penser aux grands prêtres des religions antiques.
Nous sommes gouvernés – car ce sont eux qui gouvernent – par un quarteron de personnes qui se sont adjugé l’autorité monopolistique de la chose monétaire et se sont intitulés « experts ».
Faux sur toute la ligne
Le meilleur exemple est Ben Bernanke qui s’est trompé sur tout.
Il s’est trompé dans ses conseils au Japon, il s‘est trompé dans son analyse de la crise de 1929, il s’est trompé en 2006/2007 dans ses diagnostics immobiliers, il s’est trompé en 2010 sur les « green shoots » – les jeunes pousses –, il s’est trompé en 2013 sur le taper, il s’est trompé sur la reprise de 2015/2016, etc., etc.
Pourtant, Bernanke continue de pontifier et de donner des conférences largement rémunérées…
Il y a 50 ans, en juin 1971, Arthur Burns, le patron de la Fed d’alors, a écrit un mémorandum infâme – c’est le mot quand on songe aux dégâts qu’il a provoqués dans nos sociétés.
Dans ce mémorandum, Burns soutenait que la flambée des prix n’était pas due à la politique monétaire de la Fed. Le problème selon lui était que la structure de l’économie avait profondément changé.
En conséquence, Burns proposait des mesures de régulation administrative, des mesures coercitives qui débouchaient sur un contrôle des prix et des salaires. Un gel des prix et des salaires fut instauré pour six mois. Après une période de succès il est devenu vite évident que cette politique intrusive débouchait sur une situation gravissime.
Souvenirs des années 1970
La Fed avait alors oublié sa responsabilité de maintenir l’inflation à un niveau bas. Elle avait laissé la masse monétaire augmenter rapidement, la M2 dérapant au rythme de 10% dans les années 1970 au lieu de 7% dans les années 1960.
Le taux d’inflation avait accéléré irrémédiablement avec 12% en 1974, 1979 et 1980. La stagflation s’est instaurée.
Cela ne vous rappelle rien ?
En 2021, l’inflation augmente, elle repart… et la Fed, comme en 1971, prétend qu’elle n’est pas responsable de cette évolution. Pire, elle annonce qu’elle ne réagira pas même si l’inflation accélère.
Aucun responsable de la Fed n’essaie de creuser en profondeur et de mettre à jour les causes radicales de la multiplication, répétition, aggravation, généralisation géographique et sectorielle des crises.
Personne n’a envie de dépasser le superficiel de la finance et d’aller voir ce qui, en dessous, dans l’économie réelle, dysfonctionne. Personne n’a la rigueur méthodologique de s’interroger sur la répétition.
En tant que phénomène, tout ce qui se répète implique qu’il y a en sous-jacent des problèmes non vus et non résolus. Et ces problèmes, ce sont bien sûr des problèmes de l’économie réelle, car la finance n’est qu’un reflet, un récit plaqué sur le réel.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]