Les Etats-Unis sont passés du statut de république à celui d’empire – et cela implique bien d’autres modifications qu’un simple changement d’échelle.
La métamorphose d’une chenille en papillon est l’une des choses les plus remarquables de la nature. L’animal semble se digérer lui-même, utilisant des enzymes déclenchés par les hormones. Ensuite, à partir de la pupe, un tout nouvel animal se développe – qui a des ailes.
Le temps et la croissance produisent des changements dans les institutions aussi. Parfois, elles deviennent simplement plus grosses et plus vieilles. Parfois, elles connaissent une métamorphose et se transforment en quelque chose de tout à fait différent.
Nous passons une bonne partie de l’été en France. Nous y avons vécu pendant près de 20 ans… et nous avons encore une maison à la campagne où nous nous retirons tous les étés.
Nous y retrouvons nos amis et connaissances… nos vieux vêtements et souliers… nos outils et notre atelier… notre tracteur… et notre bureau préféré.
Sur la table de chevet se trouvait, depuis notre dernière visite, l’excellent ouvrage de Michel De Jaeghere, Les Derniers Jours. La Fin de l’Empire romain d’Occident.
Nous l’avons repris là où nous l’avions laissé l’année précédente… page 321.
L’exemple romain
Nombre des fondateurs de la république américaine étaient des lecteurs et des érudits. « Je ne peux vivre sans livres », a déclaré Thomas Jefferson.
Tout comme James Monroe, James Madison, John Adams et de nombreux autres, Jefferson était bien plus au fait de l’Histoire romaine que nos dirigeants actuels. La plupart des pères fondateurs américains avaient étudié le latin et/ou le grec ancien.
Ils avaient lu Plutarque, Sénèque, Salluste, Suétone et Cicéron.
On en savait long sur l’époque romaine… et on en débattait beaucoup. Les gens pensaient qu’ils pouvaient en tirer des leçons, et faire mieux.
L’année de l’adoption de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis, en 1776, Edward Gibbon a publié le premier volume de son chef d’œuvre, Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain.
Les pères fondateurs américains étaient bien conscients de la transition – naturelle et peut-être inévitable – de la république à l’empire. Ils l’avaient étudiée dans l’exemple romain. Ils avaient vu de quelle façon le pouvoir se concentrait entre quelques personnes… qu’il corrompait ensuite.
Ils ont tenté d’empêcher que cela se produise dans la Nouveau monde, mettant en place des limites… des fusibles… un système d’équilibre des pouvoirs… qui empêcherait le gouvernement de devenir trop gros, trop ambitieux ou trop puissant.
Même alors, ils doutaient de sa longévité. « Nous vous donnons une république… » a écrit Benjamin Franklin pour la postérité, « si vous arrivez à la garder ».
L’Amérique l’a bien conservée… pendant près de 100 ans, peut-être un peu plus. Ensuite, la métamorphose s’est produite. Et, comme à Rome, ce n’était pas joli-joli.
Le changement n’est pas simple
Lorsqu’un homme a une épouse, sa situation est plus ou moins agréable, en fonction des circonstances. Mais s’il a deux épouses, il n’a pas simplement deux fois autant de femmes. Ni deux fois autant de mariage. Ni deux fois la satisfaction… ou la misère, selon les cas. C’est tout à fait différent.
De la même façon, un petit aéroport est très différent d’un gros. Un petit pays modeste a peu en commun avec un gros empire agressif.
Ce que nous essayons de dire, c’est que le temps et l’échelle ont changé la nature – et pas uniquement l’âge et la taille – des Etats-Unis d’Amérique. Ils sont devenus ce que les pères fondateurs avaient essayé d’éviter… et qu’ils n’apprécieraient très certainement pas.
C’était un changement métamorphique, pas une simple augmentation. Mais contrairement à Jésus, qui a changé l’eau en vin… ou à la nature, qui transforme une simple chenille en magnifique papillon… le passage de république modeste à empire agressif n’a pas été forcément pour le mieux.
A suivre…