Dans un camp, la Chine, et dans l’autre, BlackRock.
Les BRICS n’ont jamais été aussi proches de lancer leur grande offensive monétaire contre le dollar, dont l’hégémonie est ouvertement contestée depuis l’invasion de l’Ukraine, où l’Otan ne fait pas mystère de diviser le monde entre ceux qui soutiennent Kiev et ceux qui le font pas, ce qui les relègue au rang de complices objectifs de la Russie.
La rhétorique otanienne peut facilement évoluer au cours des prochains mois, en mode : « ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous »… mais cela va devenir très compliqué, parce que très contre-productif.
Il reste cependant des « faucons » à Washington qui veulent mettre à l’amende ces « ennemis de la liberté et de la démocratie » qui ont critiqué les interventions occidentales pilotées par Washington pour « libérer » l’Irak, la Libye et la Syrie de la tyrannie et qui soutiennent l’envahisseur russe.
Il n’y a pas de raison de ne pas leur appliquer les mêmes sanctions qu’à Poutine, aux oligarques de son cercle rapproché et à ses généraux qui participent à l’occupation de l’Ukraine.
Il suffit au département de la Justice américain d’appliquer la législation qui criminalise l’usage du dollar pour l’achat de pétrole ou de matières premières à un pays frappé par un embargo décrété par Washington (Iran, Venezuela, Soudan, Somalie, Russie…).
Parmi les principaux pays qui continuent d’importer du pétrole russe, citons la Chine, l’Inde, le Pakistan (un tiers des imports désormais, payés en yuans), le Japon (impliqué dans Sakhaline-2), la Serbie et… l’Arabie saoudite.
Tout d’un coup, ça représente déjà plus de la moitié des habitants de la planète : à part le Japon, tous sont prêts à payer en yuans, Arabie comprise.
Les deux yuans
Restait à crédibiliser ce yuan (CNY), qui n’est pas une monnaie convertible – ni de réserve – pour le commun des mortels, mais qui a vocation à l’être entre Etats et multinationales.
Le yuan offshore (CNH), en revanche, sert pour les transactions en dehors de la Chine continentale, à Hong Kong et à Singapour, et n’est pas réglementé… ce qui le rend entièrement convertible.
La transformation du yuan en monnaie de réserve dépendait donc d’un « référent » qui fasse l’unanimité… et la Russie a semblé mettre fin au (minuscule) suspense en affirmant récemment que ce sera l’or.
Ce n’est pas un hasard si Moscou et Pékin sont les principaux acheteurs de métal précieux sur la planète, depuis une dizaine d’années.
Le yuan va donc devenir la monnaie de référence pour les « BRICS élargis », composés, en plus des 5 de l’acronyme, d’une trentaine de pays ayant manifesté leur intérêt pour intégrer cet univers commercial et monétaire. Citons parmi eux l’Arabie, qui a postulé en tant qu’observateur au sein du club de Shanghai, et la Turquie, membre de l’Otan et rejetée par l’UE.
Mais qui pourrait donc vouloir détenir du yuan adossé à un stock d’or (il faut s’attendre à d’autres annonces concernant des matières premières de premier plan venant constituer des « référents ») plutôt que du dollar ?
Le message des BRICS et de la Chine est clair : il y a désormais une alternative à la principale devise commerciale de la planète, qui n’est rien de plus qu’un gigantesque Himalaya de dettes.
Et les Etats-Unis ont désespérément besoin que le maximum de pays continuent d’utiliser le dollar pour placer 1 000 Mds$ de bons du Trésor américains supplémentaires d’ici la fin de l’année. Washington ne peut donc plus se permettre de « punir » un pays hors Otan qui utilise le dollar pour ses achats énergétiques, car il s’empresserait de troquer le billet vert pour le yuan/or.
Du jamais vu
La perte de leadership du dollar sera peut-être officialisée par Pékin d’ici quelques jours ou quelques semaines.
La visite de Janet Yellen à Pékin avait peut-être pour but de mettre un terme à une guerre commerciale et à un embargo chinois sur les métaux rares, mais aussi de convaincre Xi Jinping de se hâter lentement pour officialiser la mise en circulation d’une devise numérique dont la valeur sous-jacente inspire une confiance totale à ses utilisateurs.
Et la Chine, en tant que gros détenteur de T-Bonds (1 000 Md$), n’a pas intérêt à précipiter la dévalorisation de son principal stock de monnaie de réserve. C’est peut-être à elle de calmer les ardeurs de ceux qui piaffent d’impatience de se dédollariser, comme l’a fait la Russie depuis 2014.
Car tous les détenteurs de dollars savent que jamais le taux d’endettement de l’administration, des entreprises et des ménages américains n’avait atteint de tels sommets. La question de la détention d’actifs libellés en dollars devient ainsi problématique à tous les niveaux : le « jamais » qui concerne l’endettement américain n’est pas le seul qui soit hautement problématique.
Jamais la déconnexion entre le Nasdaq et le rendement des bons du Trésor – c‘est-à-dire la chute de la « prime de risque » – n’avait atteint des valeurs aussi extrêmes (même en 1999/2000).
Jamais la hausse de Wall Street n’avait reposé durablement (plus de 6 mois) sur moins de 2% de ses composantes (8 à 10 titres, avec Apple et Microsoft pesant près de 15% de la capitalisation du S&P 500).
Jamais l’étroitesse des volumes n’avait rendu le Nasdaq, le DAX ou le CAC 40 si faciles à manipuler, avec des mises de fond ridiculement faibles pour des titans de l’asset management comme BlackRock, Vanguard, Fidelity, Citadel… sans parler de la position hégémonique du premier, principal émetteur d’ETF de la planète (et de ce fait principal « market maker »).
Un or ou l’autre
Son PDG, Larry Fink, a opéré ces dernières semaines un virage sur l’aile en passant de détracteur du Bitcoin à encenseur de « l’or numérique ». Il a suffi qu’il soit convaincu qu’il y avait un marché à prendre en lançant un ETF sur le BTC pour que cet actif « sans valeur intrinsèque qui favorise les transactions du crime organisé » devienne celui des investisseurs en recherche de diversification, dans une crypto dont la rareté est l’ADN.
Ce qu’il ne vous dit pas, c’est que BlackRock, avec son accès un robinet de liquidités de la Fed, va pouvoir manipuler la valeur du Bitcoin à sa guise (via son ETF, comme la queue qui remue le chien, sans craindre une amende car c’est un actif non réglementé), tout comme c’est le cas sur l’or physique depuis des décennies (on ne compte plus les condamnations pour manipulation des cours de l’or par les plus grosses banques occidentales depuis les années 1980).
Faire la promotion du Bitcoin, n’est-ce pas une façon de détourner l’attention du basculement qui est en train de s’opérer en faveur du yuan adossé à l’or ?
Et vu les enjeux, combien de temps faudra-t-il attendre avant que les chinois se disent qu’il est de leur plus grand intérêt de voir l’or – le vrai, pas le numérique – s’apprécier afin d’asseoir définitivement la suprématie du yuan face au dollar ?
Alors, auquel accordez-vous le plus de chance d’appréciation : l’or millénaire, ou celui né à la fin de la première décennie du nouveau millénaire, et que la Chine a interdit en 2021 ?
3 commentaires
L’or et l’argent métal sont la Monnaie et le reste n’est qu’une illusion.
Entre : trouver une jarre de sesterces d’or, ou une clé USB, mon cœur ne balance pas .
Pour ma part je possède les deux car sur le fond les cryptos (il n’y a pas que le bitcoin) propose une réel alternative au monnaie traditionnel qui ne possède comme valeur que la confiance qu’on leur accorde qui s’effrite de plus en plus en regard du nombres de stupidités appliquées par les différentes banques centrales