Au-delà des débats sur la valorisation de la valeur, quels sont les vrais risques à craindre à moyen terme ?
Les débats sur la valorisation de Nvidia sont souvent passionnés, et les opinions divergent de façon extrême entre ceux qui prédisent l’éclatement d’une bulle liée à l’IA et ceux qui envisagent une croissance infinie et l’abolition des cycles économiques.
On peut parler de bulle lorsque la valeur d’un actif est totalement déconnectée de la réalité économique. Par exemple, pour un actif boursier, il s’agira d’une déconnexion entre le prix de l’action et la croissance anticipée des bénéfices (puisque le prix d’une action n’est rien d’autre que la somme actualisée des bénéfices annuels anticipés dans le futur).
Certains vous diront que certaines déconnexions sont « normales », donc que la bulle n’éclatera pas et que shorter une action telle que NVIDIA serait suicidaire. Les arguments s’appuient sur l’idée selon laquelle l’entreprise serait en train de révolutionner l’économie et de générer une croissance infinie ou éternelle (bref, on connaît par coeur ces travers de la finance des superlatifs).
Certes, Amazon, Microsoft, Apple, Alphabet (Google) et Meta (Facebook) n’étaient pas des bulles. Mais il est facile de le dire aujourd’hui. Cependant, que dire de ces prétendus pionniers de la croissance éternelle, qui se sont retrouvés assez rapidement dans un état financier désastreux et qui auront donc été de véritables bulles ? La liste est connue : Netscape, AOL, Yahoo ; Blackberry… (Les moins de 25 ans ne connaissent même pas ces noms.)
Dans quel camp ranger Nvidia ?
La publication des résultats du deuxième trimestre de Nvidia, le 28 août 2024, nous a offert une nouvelle occasion de réévaluer le bien fondé des cours actuels en s’appuyant sur les outils traditionnels de valorisation.
Encore faut-il reconnaître que la notion de « juste prix » ou de valorisation légitime est souvent surréaliste. En effet, on peut se demander si les marchés ont toujours raison, ou au contraire, s’ils n’ont pas souvent tort. Probablement les deux. On enseigne aux débutants sur les marchés financiers que ceux-ci ont toujours raison, dans le sens où les transactions entre acheteurs et vendeurs se réalisent à un prix qui, à cet instant précis, reflète une vérité. Et aussi car il est dangereux de vouloir avoir raison, seul contre le marché.
Cependant, cette vérité est éphémère. Avec un peu de recul et d’expérience, on réalise que les marchés ont en fait souvent tort. Ils surévaluent violemment le prix de certains actifs (ce qui provoque les krachs), et en sous-évaluent tout aussi violemment d’autres (ce qui provoque des corrections violentes et ouvre la voie à de bonnes affaires en perspective).
Pour en revenir au sujet de Nvidia, nous avons donc appris que la société a enregistré un chiffre d’affaires record de 30 milliards de dollars au T2 2024, soit une hausse de 15% par rapport au trimestre précédent et de 120% par rapport à l’année précédente.
Cette croissance s’explique principalement par le segment très profitable des data centers, qui continue de bénéficier de la dynamique actuelle de l’IA. Les chiffres sont également impressionnants du côté du bénéfice par action trimestriel, à 0,68 $ sur ce T2, soit une progression de 12% par rapport au trimestre précédent, et de 168% par rapport à l’année précédente, tandis que la marge brute (75,7%) reste stratosphérique.
L’augmentation du chiffre d’affaires s’est traduite par une situation de trésorerie de 34,8 milliards de dollars, contre 16 milliards de dollars il y a un an et 31,4 milliards de dollars au trimestre dernier.
Et pourtant, Nvidia n’est pas parvenue à « impressionner » les investisseurs le 28 août à la clôture des marchés américaine, et a ainsi vu le cours de son action chuter de 6,9% sur la séance du 29 août.
Mais tout cela reste presque anecdotique et d’importance relative, car finalement, tout peut être justifié en affirmant que les attentes étaient exagérées ou, à l’inverse, que le dépassement des attentes n’était pas si significatif.
Comme si, en définitive, les anticipations perdaient leur sens et que l’essentiel résidait dans le fait de déterminer le seuil à partir duquel un dépassement serait considéré comme satisfaisant. Tout cela paraît un peu dérisoire, d’autant plus qu’une réaction inverse de +6% aurait pu être justifiée avec des « arguments » tout aussi symétriques.
Mais au-delà de la valorisation de Nvidia, avec toutes les limites qui s’imposent pour apprécier l’exercice (loin d’être une science exacte), ce qui doit nous intéresser ici est plutôt de savoir si Nvidia est une valeur qui mérite d’être surpondérée dans un portefeuille d’investissement à moyen/long terme. Pour répondre à cette question, trois éléments méritent, à mon sens, d’être pris en considération.
- La « valorization » de l’utilité/efficacité.
- La pérennité du business model.
- Enfin l’évaluation des risques réglementaires.
Nous verrons dans notre prochain article comment Nvidia se place par rapport à ces trois éléments.