▪ « Non mais les Américains, à la limite ils préfèrent que tu craches sur leur mère, c’est moins grave que chercher à réduire la puissance de leur voiture ».
Votre correspondante a dîné avec son frère cette semaine, et la conversation s’était portée sur l’affaire Volkswagen.
Je dois avouer qu’une fois encore, ma naïveté m’a étonnée. Depuis 15 ans que je travaille aux Publications Agora, je devrais pourtant avoir l’habitude : mensonge, manipulations, dissimulation…
Rassurez-vous, il ne s’agit pas de l’ambiance des bureaux — mais de ce sur quoi nous enquêtons et écrivons au quotidien. Plus rien ne devrait m’étonner, question magouilles et trafics en tous genres, et pourtant… à chaque nouvelle surprise, je suis estomaquée.
C’est pareil avec VW.
Mon frère a eu beau m’expliquer, donc, la relation fusionnelle entre les Américains et leur voiture, la magnifique subtilité du système imaginé par les ingénieurs VW pour tricher aux tests de pollution et toutes les raisons pour lesquelles la marque allemande avait réussi à percer sur le sol US…
… Je suis restée muette en apprenant les frasques du constructeur automobile. Comment peut-on encore, de nos jours, imaginer pouvoir cacher une telle énormité aux agences de contrôle ?
Et là, sagace lecteur, vous me répondrez avec justesse : « Comment peut-on encore, de nos jours, imaginer que les agences de contrôle, les considérations écologiques, la moralité et tout le reste peuvent faire la moindre différence ? »
C’est vrai, c’est vrai, vous avez raison.
Mais tout de même… le ratio risque pris/conséquences était un peu déséquilibré, non ?
▪ Bill Bonner était quant à lui d’un avis beaucoup moins naïf — comme il le disait vendredi après que le cours de la valeur VW ait plongé :
« Que faut-il avoir fait pour mériter une telle dérouillée ? Combien de clients ont été tués par la périlleuse ingénierie VW ? Combien d’argent a été volé à ses acheteurs par leurs techniques marketing trompeuses ? Combien de femmes violées dans leurs concessions, combien de chiots noyés dans leurs profonds bassins ?
Comment ? Rien de tout ça ? Apparemment, pas une seule personne n’a été blessée et pas un seul pfennig n’a été perdu ou volé. La mesure totale des dégâts subis par le public ? Nous n’en savons rien. Tout dépend de la nocivité réelle des émissions ‘nocives’.
Les rusés ingénieurs de VW ont trouvé le moyen de passer les tests de pollution américains, apparemment en déguisant les émissions embarrassantes. Etait-ce illégal ? Etait-ce immoral ? Cela a-t-il nui à une créature vivante ? Là encore, nous n’en savons rien. Une chose est sûre ; c’était une mauvaise idée. Au minimum, VW a dû rappeler un demi-million de voitures, ce qui représente des frais exorbitants ».
▪ Quelles conclusions tirer de toute cette affaire à votre niveau, en tant qu’investisseur individuel ? Tournons-nous vers Simone Wapler, qui donnait les conseils suivants aux lecteurs de sa Stratégie mercredi :
« Le scandale Volkswagen ne pouvait certes pas être anticipé par des analystes mais cette mésaventure nous rappelle que pour choisir une action, le simple examen de quelques ratios ne suffit pas.
Le marché automobile est ultra-compétitif. Il existe une surcapacité criante, chaque marque se bat à couteaux tirés pour vendre des véhicules neufs. Les stocks de véhicules d’occasion grossissent à perte de vue chez les concessionnaires. Quels sont les acheteurs qui achètent comptant, sans recourir au crédit ou au leasing ?
S’il existe un secteur qui serait pénalisé par la remise en cause du modèle économique stupide ’emprunter pour consommer enrichit’, c’est bien celui de l’automobile.
Dans ces conditions, que faut-il penser du merveilleux bénéfice de Ford, dont parle très opportunément The Wall Street Journal ? Il est dû aux ventes sur le sol américain de pick-up et de SUV (sport utility vehicles), les exportations stagnant. Ces ventes gonflent en réalité la bulle du crédit automobile subprime.
[…] Pour votre stock picking, il faut impérativement choisir des entreprises :
– Qui ne sont pas endettées
– Dont le chiffre d’affaires augmente
– Dont le bénéfice augmente
Mais peut-être faudrait-il rajouter un critère supplémentaire :
– Qui ne vendent pas sur le sol américain
Car ce qui effraie, c’est le coût de la sanction potentielle. La législation américaine permet de pratiquer un protectionnisme meurtrier. Comme le pointe le Financial Times : ‘VW, comme le secteur bancaire ou BP auparavant, laisse penser que l’exposition potentielle aux coûts juridiques et réglementaires américains devrait faire partie des outils d’évaluation et les modèles devraient prendre en compte la gouvernance’. »
Ce n’est pas la BNP Paribas et ses amendes record qui la contredira…
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora