La solution aux défis économiques et financiers internationaux est-elle d’imposer un contrôle total par le biais d’un monopole monétaire ?
Les grandes banques centrales discutent actuellement à l’unisson de l’idée d’introduire une monnaie numérique.
Pourtant, la plupart des citoyens ne comprennent pas l’objectif d’un tel projet étant donné que la majorité des transactions en devises s’effectuent déjà électroniquement. Seulement voilà, une monnaie numérique de banque centrale est bien plus qu’une simple monnaie électronique.
Je vais vous expliquer pourquoi.
Les banques centrales ont adopté des politiques monétaires plus restrictives et remonté leurs taux d’intérêt aussi rapidement que le permettent les réglementations gouvernementales, car elles sont conscientes du fait que l’inflation est avant tout d’origine monétaire. Les banques centrales ont perdu en crédibilité ces dernières années en ignorant d’abord le danger de l’inflation, puis en l’attribuant à des facteurs transitoires et enfin en réagissant beaucoup trop tardivement et trop progressivement.
Bien que le monde souffre d’une érosion du pouvoir d’achat de la monnaie causée par un excès de création monétaire, des mécanismes existent pour juguler la hausse des prix à la consommation. Les politiques d’assouplissement quantitatif sont soumises à certaines contraintes qui permettent d’en limiter les effets inflationnistes. Comme le système bancaire joue le rôle de canal de transmission de la politique monétaire, la faiblesse de la demande de crédit vient naturellement juguler les pressions inflationnistes.
Maintenant, imaginez que le mécanisme de transmission soit directement et uniquement contrôlé par la banque centrale. Ce n’est pas du tout la même chose d’avoir un policier qui patrouille dans votre rue et d’avoir un policier dans votre salon surveillant le moindre de vos faits et gestes.
Une monnaie numérique de banque centrale serait émise directement via un transfert sur votre compte détenu à la banque centrale. Dans le meilleur des cas, il s’agirait d’un système de surveillance déguisé en mode de paiement. La banque centrale disposerait d’informations précises sur toutes vos transactions, votre épargne, vos emprunts, vos dépenses et vos revenus. Elle pourrait renforcer la fongibilité de la monnaie pour prévenir le problème souvent dénoncé, mais infondé, de « l’excès d’épargne ».
De plus, à mesure que les banques centrales deviennent plus partisanes dans le domaine politique, elles pourraient imposer des sanctions aux individus qui dépensent leur argent d’une manière qu’elles jugent inappropriée, tout en récompensant ceux qui suivent les recommandations des autorités.
Toute notion de confidentialité et l’ensemble des mécanismes limitant la croissance de la masse monétaire seraient abolis. En outre, si la banque centrale commettait une erreur en créant une trop grande quantité de monnaie, comme ce fut le cas en 2020, cela ferait immédiatement grimper en flèche les prix à la consommation. Si la masse monétaire était brutalement augmentée au cours d’une année, nous ferions face à des niveaux d’inflation inimaginables, car les mécanismes actuels de transmission de la politique monétaire, qui ont naturellement pour effet de juguler les pressions inflationnistes, seraient éliminés.
Imaginez un scénario où vous ne pourriez avoir qu’un seul compte, sous la supervision de la banque centrale et du gouvernement. Devinez ce qui se passerait ? Une part croissante des dépenses publiques seraient financées par la création monétaire, conduisant à l’hyperinflation en l’espace de quelques années et à la destruction du secteur privé. Les monnaies numériques des banques centrales seraient probablement une version informatisée des assignats français, avec pour conséquences inévitables l’hyperinflation, un contrôle total du gouvernement et la répression financière.
Les monnaies numériques des banques centrales sont inutiles et dangereuses. On ne peut pas lancer une expérience d’une telle ampleur, alors que l’autonomie des banques centrales est remise en question depuis des années et qu’il existe de nombreux exemples d’erreurs commises avec des mesures clientélistes qui n’ont fait qu’aggraver le danger de l’inflation et de la stagnation économique.
Les banques centrales n’ont jamais réussi à prévenir efficacement les bulles, l’accumulation excessive de dettes ou à anticiper les pressions inflationnistes. Compte tenu de ce constat empirique, personne ne devrait soutenir une proposition qui offrirait aux banques centrales une autorité et un contrôle complets sur le système financier et monétaire.
Quel est le véritable objectif des banques centrales lorsqu’elles discutent d’une nouvelle monnaie numérique ? C’est en fait une nouvelle étape dans le processus continu d’érosion du pouvoir d’achat de la monnaie, sous couvert d’amélioration de la supervision et du suivi des paiements.
Les principaux arguments en faveur d’une monnaie numérique de banque centrale sont leur efficacité et l’amélioration du mécanisme de transmission de la politique monétaire. Cependant, aucun de ces arguments ne tient debout.
Les banques centrales prétendent souvent avoir besoin d’améliorer le mécanisme de transmission de la politique monétaire, mais bon nombre de leurs déclarations reposent sur une croyance erronée selon laquelle il y aurait un excès d’épargne nécessitant un changement de comportement des agents économiques. En manipulant les taux d’intérêt et la quantité de monnaie émise, les banques centrales cherchent à corriger ce qu’elles perçoivent comme des déséquilibres. Néanmoins, la politique monétaire adresse rarement les véritables déséquilibres, à savoir ceux créés par les déficits publics et l’accroissement de la dette.
Les politiques des banques centrales ont eu pour effet de masquer les risques sur le marché des dettes souveraines, conduisant à des politiques budgétaires encore plus imprudentes et à l’aggravation des phénomènes de bulles sur les marchés financiers. La perception des risques a été complètement faussée par le maintien trop longtemps de taux bas et d’un haut niveau de liquidité.
Une monnaie numérique n’améliora pas le mécanisme de transmission de la politique monétaire, à moins que le mot « améliorer » ne soit utilisé pour masquer le projet d’accroître encore le poids de l’Etat dans l’économie au travers du financement permanent des déficits publics par la création monétaire, ce qui aggraverait l’érosion du pouvoir d’achat de la monnaie.
Un autre argument fallacieux est celui de l’efficacité. Les banques centrales semblent vouloir donner la priorité à la régulation des transactions et encourager les dépenses sans tenir compte des risques que cela implique.
Créer un système de monnaie numérique de banque centrale n’est certainement pas plus efficace. C’est juste une nouvelle forme de contrôle financier.
Bien que les taux d’intérêt négatifs aient été incapables de stimuler l’économie, certains continuent de penser qu’imposer des taux négatifs et dévaluer la monnaie encore plus fortement à l’aide d’une monnaie numérique pourrait se révéler efficace. Ils se trompent lourdement. Affaiblir la fonction de réserve de valeur de la monnaie ne renforcera pas l’économie.
L’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale a peu de chance de réduire les risques économiques ou de stimuler les investissements productifs, cela encouragera plutôt des investissements improductifs à court terme.
Les banques centrales ne peuvent pas contraindre les agents économiques à dépenser et à investir, d’autant plus que leurs politiques ont toujours eu pour objectif d’inciter les agents économiques à s’endetter et les Etats à accumuler les déficits budgétaires. Le processus par lequel un actif est adopté comme monnaie par le plus grand nombre est nécessairement démocratique. Il est hors de la juridiction des gouvernements et ne peut être imposé de façon coercitive.
Lorsque les gouvernements et les banques centrales mettent en oeuvre de concert une politique de répression financière et dévaluent leurs devises, les citoyens n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers des moyens de paiement alternatifs qui ont toutes les caractéristiques d’une véritable monnaie.
Les cryptomonnaies ont émergé en raison d’un manque de confiance dans les monnaies fiduciaires qui s’explique par les efforts constants des banques centrales et des gouvernements pour dévaluer leurs devises dans le but de dissimuler leurs déficits budgétaires.
Le concept de monnaie numérique de banque centrale est une contradiction dans les termes, un oxymore.
Les citoyens demandent des cryptomonnaies précisément parce qu’elles ne sont pas contrôlées par les banques centrales qui cherchent à augmenter la masse monétaire et à induire une dépréciation de la monnaie par l’inflation. Les banques centrales devraient donner la priorité à la protection du pouvoir d’achat des travailleurs et des épargnants, plutôt que de constamment chercher à le détruire. Introduire un nouveau moyen de répression financière risque uniquement d’entraîner une perte de confiance accrue dans les devises nationales.
Une fois que les banques centrales réaliseront qu’elles ont dépassé les bornes, il sera déjà trop tard.
Les monnaies numériques de banque centrale sont inutiles et dangereuses.
Nous bénéficions déjà de tous les avantages de la technologie, de la digitalisation et de l’accélération des transactions. Il n’est pas nécessaire de créer une devise qui serait émise directement sur un compte à la banque centrale. Les monnaies numériques de banque centrale sont également inutiles car il ne sert à rien d’essayer de concurrencer technologiquement le yuan numérique ou le Bitcoin. La Chine adopte progressivement une politique monétaire saine, ainsi sa banque centrale continue d’augmenter ses réserves d’or et non l’inverse.
Si les banques centrales veulent concurrencer les cryptomonnaies ou d’autres devises internationales, il n’y a qu’une seule façon d’y arriver : elles doivent absolument s’engager à défendre le statut de réserve de valeur de leurs devises. Il n’est pas nécessaire que l’euro ou le dollar américain rivalisent technologiquement avec le Bitcoin ou le yuan numérique si la Fed et la BCE s’engagent véritablement à maintenir le pouvoir d’achat et le statut de réserve de valeur de leurs devises.
Cependant, il semble que les banques centrales veulent plutôt se comporter comme un monopole qui vend des produits de mauvaise qualité mais exige de rester le principal fournisseur, en éliminant la concurrence. La Fed et la BCE n’ont pas besoin de venir sur le terrain des cryptomonnaies si elles montrent au monde qu’elles défendront le pouvoir d’achat du dollar américain et de l’euro.
La solution aux défis économiques et financiers internationaux n’est pas d’imposer un contrôle total par le biais d’un monopole monétaire dont l’indépendance est sérieusement remise en question, mais au contraire en promouvant la concurrence et en réaffirmant le principe d’indépendance.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
1 commentaire
D’accord avec beaucoup de ces éléments. Merci.
Pourtant j’aimerais ajouter que les banques centrales – qui se sont si souvent trompées – ne sont pas au service de leur peuple mais à celui de leurs actionnaires les banques privées et donc à celui des actionnaires principaux de ces banques : les ultra riches mondialistes. Observez que depuis la fin de l’étalon-or les classes moyennes de l’Occident collectif ne font que fondre méthodiquement et régulièrement alors que le monde financier, pas seulement bancaire, ne fait que crôitre et avec lui les grandes fortunes. Tout cela n’est pas du hasard ou de l’incompétence.
Avec la monnaie numérique et l’identité numérique, le contrôle est total, mais pas seulement pour les banques centrales. Les politiques et les fonctionnaires ne manqueront pas d’utiliser ce potentiel. Par exemple, si il est facile d’empêcher le mauvais citoyen d’épargner. Il suffit de le payer en euros numériques avec une échéance. C’est ce que fait déjà le contrôle social chinois qui paye certains avec des yuans numériques avec trois mois de validité. Non dépensés dans les 3 mois, ces yuans disparaissent. Pas facile d’épargner!
Cordiales salutations.