Les monnaies locales sont à la mode. Ces initiatives tendent à se multiplier partout dans le monde. L’essor de ce phénomène est lié à la crise de 2008 qui a altéré la confiance dans le commerce et le système monétaire traditionnels. Bien souvent reliés aux monnaies officielles par un taux de change fixe (une unité de monnaie officielle pour une unité de monnaie locale), ces moyens d’échange puisent leur justification dans la volonté de favoriser le développement de l’économie locale.
On retrouve hélas dans ces préconisations les mêmes réflexes protectionnistes qui dominent les débats actuels en matière de politique commerciale. Pour certains, acheter des produits allemands nuit à l’économie française. Pour d’autres, acheter des produits parisiens nuit à l’économie lyonnaise. Peu de gens réalisent que les échanges librement consentis profitent à toutes les parties impliquées indépendamment de la distance qui les sépare.
Certes les monnaies locales ne nous sont pas imposées. Il s’agit donc là de ce qu’on pourrait considérer comme du « protectionnisme volontaire ». Il est après tout possible d’envisager que le caractère local d’un produit constitue un critère de qualité pour certains consommateurs. Ces modes de consommation ne posent aucun problème tant qu’ils ne sont pas contraignants.
Mais ces préférences ne permettent pas de résoudre l’énigme des monnaies locales – ou plus précisément la question de leur utilité pratique. En effet, les monnaies locales diffèrent uniquement des monnaies officielles par le fait qu’elles sont limitées à des zones et à des communautés plus restreintes. Il n’y a donc aucune valeur ajoutée.
Cette mode est d’autant plus étrange que la notion de monnaie locale est contradictoire dans ses termes. Une monnaie est intéressante quand elle nous confère un pouvoir d’achat durable dans le temps et dans l’espace. Réduire artificiellement la liquidité de quelque chose qui prétend avoir le statut de monnaie ne relève donc d’aucune logique.
L’utilité de ces monnaies est d’autant plus discutable que consommer exclusivement des produits locaux est tout à fait possible avec les monnaies officielles. Qui peut le plus peut le moins. En revanche le détenteur d’une monnaie locale n’a pas la capacité de se raviser pour acheter des produits extérieurs dans le cas où ce besoin se ferait soudainement sentir.
Bien sûr il n’appartient pas aux pouvoirs publics de censurer ces projets. C’est le rôle de la concurrence de sélectionner les projets viables et d’éliminer les entreprises inutiles. Nous gagnerions d’ailleurs à ce que les monnaies officielles se plient aux mêmes règles et acceptent de se soumettre à un régime de libre-concurrence.
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Peu de chance cependant que les gouvernements acceptent cette concurrence dans la mesure où les monnaies officielles – particulièrement inflationnistes du fait de l’activisme des banques centrales – seraient sans doute peu à peu évincées. Le fait que les monnaies officielles doivent s’imposer par la force constitue bien un aveu de faiblesse. Une marchandise de qualité n’a pas besoin de la violence pour s’affirmer.
On peut douter de l’utilité des monnaies locales mais les monnaies officielles ne peuvent pas pour autant se targuer de constituer des moyens d’échange crédibles. Les métaux précieux ont par exemple toujours inspiré une plus grande confiance. Même les crypto-monnaies tendent aujourd’hui à être considérées comme des rivales sérieuses, en particulier dans les pays où les banques centrales ont complètement détruit leur système financier.
Le développement des monnaies locales signale cependant une curiosité grandissante à l’égard des questions monétaires, longtemps réservées à une poignée de spécialistes.
Finalement, elles auront peut-être une utilité pédagogique en sensibilisant le grand public aux dysfonctionnements du système financier contemporain et la nécessité de se pencher sur des alternatives monétaires plus crédibles.