Les bulles sont rationnelles… à condition de lire correctement les équivalences entre les actifs financiers et la monnaie. Les prix des actifs financiers nous donnent une indication sur ce que vaudra la monnaie à long terme.
Ce ne sont pas les actifs financiers qui sont surévalués ; c’est la monnaie présente, en quoi les prix s’expriment, qui est surévaluée en regard des prix des biens et des services. Elle sera dépréciée quand les politiques monétaires non conventionnelles ne pourront plus être poursuivies.
Ce que je vous propose, c’est de renverser la lecture des équivalences financières qui disent qu’un S&P 500 vaut 3 500.
Je vous propose de remettre le système sur ses pieds et l’église au milieu du village – à savoir que la richesse financière n’est pas une richesse mais une créance, une promesse de droit à prélever sur les richesses réelles futures, biens et services.
Si vous vous avez compris cela, vous comprenez mon raisonnement qui dit que l’inflation des prix des actifs financiers, l’inflation des promesses, implique que plus tard les prix de tous les biens et services montent, c’est-à-dire que la monnaie se déprécie.
Menteur par construction
Le système est menteur par construction ; il est conçu pour tromper/illusionner le maximum de gens. Quand les banquiers centraux vous parlent d’un « effet de richesse », il faut comprendre un effet de dilution de la richesse réelle présente et future.
Emettre des masses de droits sur le même stock de biens n’enrichit pas : cela ne fait que réduire la part qui revient à chaque signe, à chaque unité de richesse fictive.
Bien sûr, il y a toujours la possibilité que la masse des richesses futures s’accroisse, mais cela c’était avant, dans les temps anciens. Depuis des décennies, la croissance réelle est faible, et depuis 2008, la croissance réelle potentielle est considérée comme fortement ralentie. On a baissé toutes les estimations de la croissance potentielle dans le monde.
En passant, c’est la raison pour laquelle, quand un escroc intellectuel comme le Nobel d’économie Shiller ou le président de la Fed Jerome Powell vous dit que les taux bas justifient des évaluations élevées des actions, il se fout de vous.
Les taux bas ne font que traduire la disparition de la croissance en dessous des normes anciennes, et on démontre mathématiquement que les valorisations des actions ne méritent aucune prime pour les taux bas puisqu’en contrepartie la croissance des bénéfices futurs est réduite.
Une digression
L’idée que l’univers monétaire du dollar est fragmenté est une idée que je propose depuis longtemps ; je la tiens de l’expérience allemande qui, dans les années 30, manquait de devises et avait créé un système de monnaies complexe. L’Allemagne manquait de devises et avait mis en place un système ingénieux pour y parer. Il y avait donc plusieurs marks.
Dans la situation présente d’insolvabilité réelle du système, je me dis que l’on fait la même chose. Un dollar de la sphère financière n’équivaut pas vraiment à un dollar de la sphère réelle, et on le verra un jour ; ainsi, par exemple, avec leurs dollars accumulés, les Chinois ne peuvent pas acheter n’importe quoi aux Etats-Unis.
De même, je dis qu’un dollar de dette extérieure US ne vaut pas un dollar intérieur, on le verra quand la dette extérieure sera soit répudiée soit convertie.
Un dollar extérieur, un eurodollar, n’est pas un dollar, etc. De nombreux dollars coexistent – et dans l’inéluctable crise de réconciliation, soit certaines formes seront détruites, soit elles seront réunifiées.
Revenons-en à la valeur de la monnaie…
Les prix des actifs financiers nous disent quelque chose sur la valeur de la monnaie à long terme.
La monnaie est duelle : il y a une monnaie pour les biens et services et une monnaie pour la sphère financière.
La monnaie de Powell est financière ; ce n’est pas une vraie monnaie, c’est un jeton de Monopoly.
Rapporter la masse monétaire produite par Powell au PIB est une idiotie, car cette monnaie n’est pas destinée au champ des biens et services ; elle est destinée au champ financier.
S’en servir pour calculer un ratio de vélocité de la monnaie est une absurdité.
Toutefois, les prix des actifs financiers ne peuvent rester cantonnés, isolés de ceux de l’économie réelle. En effet, les cash-flows qui soutiennent les prix financiers doivent in fine venir de la sphère réelle. Le lien entre la sphère financière et la sphère réelle, ce sont les cash-flows gagnés qui servent à honorer les promesses financières.
La réconciliation est inéluctable car, comme l’a exprimé Alan Greenspan, les cash-flows futurs sont « embedded », intégrés dans les prix des actifs.
Ceci implique que les PIB futurs nominaux doivent être en mesure de faire face aux besoins d’honorer les prix des actifs. Le PIB nominal doit monter de façon considérable.
Si on pense comme cela, il semble raisonnable que l’on ne peut accélérer la croissance réelle. Il ne reste que la croissance nominale, c’est-à-dire l’inflation forte des prix du PIB, pour honorer le prix des actifs.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]