▪ La remontée miracle des indices jeudi n’avait pas plus de causes fondamentales que de soutien de la part des acteurs de chair et d’os : les gérants de fonds de retraite, les family offices, les opérateurs particuliers tentés par des rachats à bon compte.
La hausse a été orchestrée par quelques grosses mains utilisant des algorithmes quasiment identiques (une forme de panurgisme cybernétique). Son ampleur a été inversement proportionnelle à la quantité de papier échangé (25% de moins que la moyenne 2013).
Une fois de plus, dès que les cours ont commencé à progresser à l’encontre de toute logique, les contrariens, vite convaincus de l’entrée en action des robots, ont baissé pavillon au bout de quelques minutes.
Résultat : une hausse dans le vide qui ne donne lieu à aucun suivi dès que l’on déconnecte les treuils algorithmiques.
L’illustration la plus éclairante de ce phénomène de « stop & go » arbitraire nous a été fournie vendredi par l’affaiblissement initial de la tendance à Wall Street. Un bref épisode haussier s’est matérialisé peu après l’ouverture — mais il a été contré dès 16h15 et la consolidation des marchés s’est poursuivie jusqu’à la clôture.
Les indices américains ont reperdu 0,65% en moyenne vendredi soir, le S&P 500 et Nasdaq lâchant -0,6%. Le Dow Jones en a terminé quant à lui à -0,7%, soit -106 points à 15 070 points.
▪ Le QE3 condamné à être éternel ?
De nombreux commentateurs évoquaient une semaine de stagnation à Wall Street vendredi matin, histoire de prouver que seul le marché américain peut prétendre à une forme d’invulnérabilité. Grâces en soit rendues à Ben Bernanke, les « idiots utiles » n’ont pas pris le relais comme attendu… Cela malgré une intense campagne médiatique visant à les convaincre que la Fed réaffirmera ce mercredi que, dans les circonstances actuelles, le QE3 est fait pour durer éternellement.
De récentes analyses ont par exemple déterminé qu’au rythme actuel des créations d’emploi aux Etats-Unis, l’objectif des 6,5% de taux de chômage ne sera pas atteint avant 2016 et le plein emploi (un score inférieur à 5,5%) n’est pas envisageable avant 2020.
Wall Street semblait en mesure de creuser un écart décisif jeudi soir par rapport à l’Europe après le différentiel historique de 7,5% à 8% affiché par rapport à Tokyo. Toutefois, la semaine s’est achevée un repli global de 1,2% du Dow Jones et de 1,3% du Nasdaq — ce qui est légèrement mieux que la performance de l’Euro-Styx 50 (-2,1%) ou du CAC 40 (-1,8%).
C’est une déception au lendemain de la parution d’un article du Wall Street Journal qui croit savoir que Ben Bernanke va profiter du prochain FOMC (qui débute demain et s’étend sur 48 heures) pour rassurer les marchés au sujet de l’imminence d’une réduction de son programme d’achat de 85 milliards de dollars par mois actuellement.
L’hypothèse qui circulait depuis le 22 mai dernier était que le rythme pourrait être ralenti à 65 milliards de dollars à partir d’octobre prochain. C’est un montant équivalent à ce que la Banque centrale du Japon injecte chaque mois… mais le Japon, c’est le tiers du PIB américain.
La récente tension des taux (jusque vers 2,29% sur les T-Bonds mardi avant une détente vers 2,12% vendredi) pourrait provenir du débouclage en catastrophe de positions spéculatives (achats en carry trade de T-Bonds US entre autres) accumulées en dépit du bon sens sur des dettes émergentes à haut risque, sur des émissions corporate high yield et des emprunts classés dans la catégorie junk bonds.
▪ Défaut à Detroit
Un exemple parmi tant d’autres pour vous rendre notre démonstration plus concrète ? Prenez les obligations municipales de Detroit, la capitale automobile américaine, qui se retrouvent en défaut.
Des centaines d’autres municipalités américaines sont en défaut — des petites ou des très grandes, et qui ont comme point commun un taux de chômage élevé de leur population. Il en va de même pour de nombreuses entreprises de tailles très diverses confrontées — et mises à genou — par les différentes formes de dumping industriel chinois.
L’indice de la production industrielle pour mai s’avère décevant : stagnation complète alors que le consensus tablait sur une progression de 0,2%.
L’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan a également déçu : il s’est établi à 82,7 pour le mois de mai, alors qu’il était attendu stable à 84,5. Cet indice avait été fortement révisé à la hausse fin mai, atteignant ses meilleurs niveaux depuis 2007.
Cela semble excessif si l’on compare la situation budgétaire du pays, la croissance soutenue par des béquilles monétaires, le chômage endémique (vraisemblablement assez proche de 18%) et le taux d’emploi de la population active qui reste collé au plancher des 30 dernières années vers 63,4%.
▪ Ce n’est pas mieux au Japon
Le QE3 — temporaire ou éternel — n’a atteint aucun des buts que Ben Bernanke lui a assignés. Nous faisons d’ailleurs le pari que le « banzaï QE » du Japon part déjà en vrille alors que rien ne se passe comme prévu.
Les investisseurs nippons se désengagent des actifs à risque et des placements à l’étranger.
Aucune « Grande rotation » en faveur des actions à l’horizon — de Tokyo à Osaka –, bien au contraire.
Les Japonais vendent les pays émergents, vendent l’Europe, vendent les T-Bonds US (inversion du carry trade).
Comment le gouvernement japonais espère-t-il faire acheter des actions aux ex-quadragénaires qui se sont pris dans les dents le krach boursier de 1990 et qui partent maintenant à la retraite ?
Dès qu’ils réalisent quelques plus-values sur le Nikkei ou le TOPIX (merci la planche à billets), ils prennent leurs bénéfices pour mettre de côté cet argent tombé du ciel. Nous ferions tous pareil dans un pays endetté à 250% !
Quelque chose ne fonctionne vraiment pas dans les Abenomics : même les statistiques de l’inflation vont à l’envers de ce qui était attendu en mai.
En ce qui concerne les Etats-Unis, le taux de rotation de l’argent est au plus bas depuis 50 ans. Ce seul constat pourrait suffire à discréditer la politique monétaire de la Fed et démontrer que les politiques monétaires non-conventionnelles n’ont comme seul effet que de transférer la richesse des classes moyennes vers les plus (archi) favorisées.
Mais plus nous lisons les plaidoiries — d’une mauvaise foi confondante — des idolâtres de la Fed, plus nous soupçonnons que c’est bien l’effet recherché.