Par Isabelle Mouilleseaux (*)
5 juillet. Dimanche. La police chinoise fait une descente à l’aéroport de Shanghai.
Une affaire d’importation de drogue ? Non. D’espionnage industriel et de secret d’Etat.
Stern Hu, directeur du groupe minier Rio Tinto à Shanghai est arrêté. Et mis sous les verrous avec trois de ses collaborateurs.
L’accusation ?
Les responsables de la société auraient eu accès à des "secrets d’Etat". Comprenez des données industrielles sensibles (perspectives de production et données sur la rentabilité de quelques grands fabricants d’acier). Ils auraient aussi acheté des informations pour connaître la position chinoise dans les négociations actuelles ultra-tendues sur le prix du fer (j’y reviens dans un instant).
L’AFP rapporte que ces vols de secrets d’Etat "cause d’énormes pertes aux intérêts économiques et à la sécurité du pays". Pas de doute, l’affaire est téléguidée depuis les hautes sphères du pouvoir politique chinois.
Le moyen ?
Corruption massive ! Rio Tinto aurait soudoyé des hauts cadres de 16 sidérurgistes chinois pour obtenir l’information. Dont Baosteel.
La peine encourue ?
La prison à perpétuité… Ni plus, ni moins. Quant à la source de l’information, celle par qui le scandale est arrivé, elle est… anonyme, bien sûr.
Hu est-il tombé dans un piège qu’on lui aurait tendu ? Les officiels chinois sont-ils de bonne foi ? Impossible de savoir. Chacun ses convictions. Et pour ma part, je suis très réservée.
Nous nageons en plein James Bond, me direz-vous. Vous n’avez pas tout à fait tort. Mais je dirais surtout que nous touchons au coeur de la problématique des matières premières. Elles sont et seront de plus en plus stratégiques.
Ici nous parlons du fer, matière indispensable à la production d’acier. Vous allez comprendre…
Descente aux enfers pour le fer
Principale composante de l’acier, le fer subit les conséquences directes de la crise économique et sidérurgique ces derniers mois. Après s’être envolés de 90% l’an année, en hausse pour la sixième année consécutive, et après 400% d’augmentation depuis 2002, les prix du fer sont actuellement en pleine renégociation.
Le prix du fer est négocié de gré à gré, entre les aciéristes et leurs fournisseurs (Vale, Rio Tinto et BHP notamment, qui font 70% de la production mondiale de fer), annuellement.
Déjà, les sidérurgistes coréens et nippons ont obtenu ces dernières semaines une baisse sur le prix d’achat du fer de quelque 30% pour l’année qui s’ouvre. Ce qui est déjà une belle victoire.
Les Chinois, premiers consommateurs mondiaux de fer, sont plus ambitieux. Ils attendent une baisse des prix de 45% de leur fournisseur Rio Tinto. Les négociations tournent en rond, les Chinois restent intraitables, refusant tout compromis, jouant la montre. Jusqu’à ce que cette affaire rocambolesque explose !
Mais il faut absolument que vous compreniez les forces en présence… et nous verrons ça en détails dès demain.
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières & Devises est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières & Devises en cliquant ici.