▪ Tous les médias nous ont sorti leur reportage commémoratif sur le tremblement de terre du 11 mars 2011 et ses funestes conséquences.
Par pudeur, le Japon rechigne toujours à délivrer une estimation précise du dramatique bilan humain du tsunami du 11 mars. Cependant, des bribes d’informations terrifiantes fuitent (c’est de circonstance) concernant la centrale de Fukushima et l’attitude de la direction de TEPCO.
Submergés puis paniqués par l’ampleur de la catastrophe, les pontes du numéro un du nucléaire nippon ont failli abandonner le navire comme le capitaine du Costa Concordia avant même qu’il ne se couche sur le flanc.
Les commentateurs ont beaucoup disserté sur l’irresponsabilité des uns, la lâcheté des autres… Mais face à des cataclysmes qui résultent d’une combinaison de malchance et d’erreurs humaines, il existe peut-être un seuil de tolérance au-delà duquel tout disjoncte dans la tête des responsables.
▪ A cinq mètres près, l’Histoire est changée
A cinq mètres près, le Costa Concordia aurait pu frôler les récifs sans écailler la peinture. A cinq mètres près, le mur d’enceinte de la centrale de Fukushima aurait été suffisamment haut pour éviter l’envahissement par les eaux — comme ce fut le cas pour une centrale voisine où les concepteurs avaient renoncé à sacrifier la sécurité du site pour réaliser des économies de bouts de chandelle.
Mais nous sommes confrontés dans les deux cas à un accident, à un coup du sort. En revanche, en ce qui concerne la crise des subprime et des dettes souveraines, tout était prévisible. En effet, tout était su dans ses moindres détails par des acteurs bien informés, mais ces derniers ont décidé de ne rien dire, de ne pas prévenir les pompiers ni les autorités politiques, puis d’accréditer la thèse de l’accident.
Contrairement au capitaine du Costa Concordia ou au directeur de Fukushima, les responsables du gonflement de la bulle des dérivés de crédit (qui se sont transformés en dettes souveraines) sont toujours à leur place. Et qui plus est, ils sont grassement rémunérés quatre ans après la catastrophe ; ils ont toujours leur entrée à la Maison Blanche, quand ils ne font pas partie des conseillers spéciaux de Barack Obama !
Ils continuent de gérer la Fed comme avant avec, comme défi, d’imprimer encore plus d’argent qu’au lendemain de la faillite de Lehman, d’AIG, ou la nationalisation de Freddie Mac et Fannie Mae.
▪ Grâce à Mario Draghi, l’Eurozone imprime presque autant que la Fed
La BCE à la mode Trichet avait accumulé un sacré retard en termes de création monétaire par rapport à la Fed de Ben Bernanke. Mais Mario Draghi a permis à l’Eurozone de recoller au leader dès le mois d’octobre et de se détacher irrésistiblement depuis le 20 décembre dernier avec un bilan (un encours) de plus de 3 000 milliards d’euros ; soit environ 4 000 milliards de dollars, alors que la Fed n’en accuse que 2 750 malgré deux quantative easing sucessifs puis un switch de maturité.
Nous n’avons pas le fétichisme des montants bruts qui ne signifient pas grand-chose — car la grande question reste la suivante, et les marchés refusent obstinément de se la poser : « quel montant des dettes détenues par chacune des deux banques centrales sera effectivement remboursé » ?
Qui reverra toute ou partie de sa mise ? La Fed qui privilégie la croissance ? Ou la BCE qui a toujours privilégié, depuis l’été 2008, l’orthodoxie monétaire et encouragé les politiques d’austérité ?
Nous serions bien léger, après avoir évoqué le 11 mars 2011 et Fukushima, de ne pas évoquer les 200 milliards de dollars de dégâts occasionnés et entièrement financés par voie d’emprunt.
Vous savez probablement qu’à ce jour, 5% seulement des débris causés par le tsunami ont été « traités », ce qui signifie que soit une soixantaine de kilomètres de côtes nippones va rester en l’état, soit le taux d’endettement du Japon va exploser la barre des 300%… sans que cela n’inquiète personne.
Et de quoi les marchés occidentaux (qui chutaient de 1,3% à 3,6%) s’étaient-ils inquiétés mardi ? Quarante-huit heures plus tard, plus personne ne semblait en mesure de le dire !
▪ Pas de record de hausse en Europe à cause de Madrid, mais record à Wall Street
A tel point, d’ailleurs, que vendredi, les opérateurs ont cru pratiquement jusqu’au bout que le CAC 40 pourrait en terminer au-dessus des 3 500 points et peut-être même au-delà des 3 505 points. Cela aurait permis d’ajouter une douzième semaine au cycle haussier amorcé le 20 décembre dernier.
La Bourse de Paris a reperdu deux tiers de ses gains au cours du dernier quart d’heure de cotation et en terminait sur une progression de 0,26% (à 3 487,5 points). Voilà un chiffre qui ne permet pas de ramener le bilan hebdomadaire en territoire positif.
Le CAC 40 affichait donc un repli de 0,4% d’un vendredi sur l’autre après avoir culminé à 3 508 points vers 16h30 (et 3 505 points vers 17h15).
Pas de record de hausse en Europe non plus pour cause de défaillance réitérée de Madrid — ce qui n’inquiète évidemment personne. L’argent semble continuer de succomber à l’attraction de Wall Street qui parvient en revanche à inscrire une douzième semaine de progression.
Cela constitue tout simplement un record historique. Dans le détail, le S&P s’est adjugé 0,36% (+0,1% hebdo) et le Nasdaq 0,6% (+0,35% hebdo).
Le Dow Jones reste en revanche bloqué à onze semaines, malgré un gain de 0,1% vendredi ; mais cela n’a pas suffi à le faire clôturer dans le vert puisque le bilan hebdomadaire ressort à -0,45%.
Les indices américains ont perdu un peu d’influx alors que l’ISDA confirme que le swap d’emprunts grecs (assorti d’une forte décote) est assimilable à un événement de crédit qui justifie l’exercice des CDS.
▪ La Grèce plombe l’euro
Le gouvernement grec ne se satisfait pas de la participation de 83,5% des créanciers privés et fait jouer les clauses d’action collective afin d’entériner l’effacement de 107 milliards d’euros de dette. Cela constitue une victoire à la Pyrrhus, puisque la Grèce succombe parallèlement à une récession historique de 7,5%, ce qui obère gravement la capacité du pays à honorer ses engagements.
C’est probablement ce qui justifie une rechute de 1,25% de l’euro qui a fini la semaine au contact des 1,3050 $. Les cambistes réagissaient négativement aux propos de Wolfgang Schäuble qui prévient que la Grèce est loin d’être tirée d’affaire, prenant le contrepied de l’affirmation de Nicolas Sarkozy selon lequel « le problème grec est réglé » ; François Baroin, quant à lui, a déclaré que « le défaut a été évité ».
La remontée du billet vert n’a nullement déstabilisé Wall Street rendu confiant par la publication des chiffres de l’emploi américain (227 000 créations d’emplois).
▪ Taux de chômage inchangé, prix du carburant explosé
Pas d’enthousiasme démesuré non plus, car le taux de chômage ressort inchangé comme prévu à 8,3%. La durée hebdomadaire du travail stagne également à 34,5 heures et les salaires progressent de façon micrométrique de 0,02%. En revanche, le prix des carburants explose au-delà des 4 $ le gallon.
Les indices américains auraient aussi bien pu clôturer en repli, car le déficit du commerce extérieur américain s’est creusé de 4,5% au mois de janvier. Il enregistre ainsi son pire score depuis octobre 2008, soit 52,6 milliards de dollars contre 49 milliards de dollars anticipés.
D’autre part, le rythme supérieur à 200 000 créations d’emplois par mois continue d’éloigner la possibilité d’un QE3 initié par la Fed. Les opérateurs comptaient sur ce dernier pour propulser le Dow vers 14 000 points — malgré la contraction du taux de progression des bénéfices fin 2011.
Alors que la notion de marché s’est dissoute dans les programmes d’ajout de liquidités de la Fed et de la BCE, plus aucune hypothèse n’est jugée absurde ou insensée par les permabulls.