Par Sébastien Duhamel (*)
On a assisté il y a une dizaine de jours à l’intervention généreuse d’un seul homme, mais non le moindre : Warren Buffett lui-même. Le milliardaire a proposé son « soutien » aux trois principaux rehausseurs de crédit américains, AMBAC, MBIA et FIGC, empêtrés dans la crise des subprimes.
Il s’en est ensuivi un rebond de près de 6% des marchés indices qui a encore accru la légende l’oracle d’Omaha. Sauf que… sauf que les choses ne sont pas si simple à mon avis. Un seul homme, aussi puissant soit-il, a-t-il vraiment ce pouvoir de redonner confiance aux marchés ? Je n’y crois pas entièrement.
Il est toujours tentant de réinterpréter les mouvements de cours a posteriori — et de leur trouver une explication unilatérale. Mais laissez-moi vous montrer comment les choses se présentaient alors au point de vue technique, car le marché préparait un rebond avant même l’annonce du milliardaire.
L’homme qui tombe à pic sur un rebond technique
Le 4 février, le CAC échouait à franchir la résistance des 5 000/5 100 points… et dégringolait toute la semaine. Il est alors venu reprendre des forces au niveau du bas du gap haussier du 23 au 24 janvier (à 4 636 points), marquant un point bas le 11 février à 4 644 points.
A ce moment, il y a fort à parier que l’indice va rebondir, sans même compter sur l’annonce de Buffett… Des précurseurs se rachètent à ce niveau pour jouer le rebond technique. Au final, l’annonce de Buffett n’a fait qu’accentuer le mouvement qui avait déjà commencé. On peut même penser que les opérateurs y ont trouvé le prétexte rêvé pour conforter leur sentiment d’un rebond.
« Monsieur le Marché » : extralucide ou efficient ?
Voyez-vous, quand la tendance est incertaine, les intervenants cherchent désespérément des prétextes auxquels s’accrocher… et ils finissent toujours par en trouver. Car en Bourse, l’impact d’une nouvelle est très relatif : tout dépend du contexte où elle tombe. L’annonce d’un séisme peut à peine ébranler le marché ; au contraire, une petite phrase anodine, lâchée par « inadvertance » par une personnalité, peut provoquer un vent de panique sans précédent.
En tant qu’entité collective, le marché n’est pas extra-lucide au point de lire l’avenir, bien sûr… mais sa subjectivité le pousse souvent à interpréter les nouvelles du jour selon la façon qui l’arrange. Qui sait si, dans un contexte différent, l’affaire Buffett n’aurait pas été le prétexte à une baisse ?
Il arrive qu’un événement « catastrophique » se voie par des pré-signaux que nous parvenons à déchiffrer et à anticiper. Le plus souvent, on ne sait pas ce qui se passe précisément… mais on sait qu’il se passe quelque chose. M. le Marché nous parle en permanence, et l’analyse technique nous sert de décodeur.
Voilà pourquoi certains analystes aiment à penser que « tout est dans les cours », que l’on n’a pas besoin des nouvelles pour savoir où va le marché… puisque le marché a déjà intégré ces nouvelles dans les cours (j’arrête là le raisonnement, car ça débouche en général sur le chien qui se mord la queue).
De ce point de vue, l’annonce de Buffett était déjà « lisible dans les cours »… avant même d’avoir été rendue publique ! Aux yeux du non-spécialiste, ce sentiment de « prédestination » tient parfois de la croyance mystique : la psychologie de marché permet pourtant de l’expliquer de façon rationnelle.
L’analyse technique nous aide à décoder les signaux
Prenez l’exemple de l’affaire de la Société Générale (SG). « Tout était dans les cours » puisque l’essentiel de la baisse du titre SG a eu lieu dans les trois jours qui ont précédé l’annonce.
Alors, délit d’initié ? Pouvoir de voyance ? Ou simplement psychologie des intervenants du marché ?
Parce que, voyez-vous, les intervenant et analystes ne sont pas surpuissants. Ils préfèrent souvent faire « comme tout le monde » quitte à perdre « avec tout le monde » que risquer de perdre seul.
Du coup, pas besoin d’imaginer des hypothèses extrêmes : une banque ne déboucle pas cinq milliards de positions en trois jours sans se faire repérer. Quelqu’un — ses contreparties, par exemple — a pu se rendre compte que la SG devait avoir des ennuis… et a alors choisi de brader ses titres… Ce mouvement a attiré l’attention d’autres opérateurs, qui ont suivi le mouvement en se disant : « si lui vend, c’est qu’il doit savoir quelque chose ; je vends aussi ».
Ce sont de tels mouvements — la connaissance confuse d’un changement dans les conditions de marché, ou bien un sentiment collectif qui se renforce au contact de l’actualité -, qui permettent de dire que l’analyse technique a une valeur prédictive et vous procure un avantage décisif face à ceux qui ne la maitrisent pas.
Meilleures salutations,
Sébastien Duhamel
Pour la Chronique Agora
(*) Sébastien Duhamel est spécialiste en analyse technique et cela fait plus de sept ans maintenant qu’il intervient sur les marchés, avec toute son équipe. Il fait profiter les particuliers de son expertise en la matière.
Dans le domaine de l’investissement, il est une branche en particulier qui le passionne particulièrement : le Swing Trading. C’est une forme d’investissement extrêmement simple… et c’est le moyen d’engranger des gains à répétition.