En dépit des manchettes alarmantes titrant sur des tensions géopolitiques explosives et des marchés de la dette souveraine implosifs, certaines tendances perceptibles continuent à transparaître. Ainsi, le cours de l’uranium poursuit sa hausse implacable même si la plupart des autres matières premières succombent à une "phase de correction".
L’un des gros titres les plus intéressants qu’on ait pu lire en Asie ces derniers jours n’a rien à voir avec les deux Corées mais traite plutôt de l’appétit vorace de la Chine pour l’uranium.
Comme l’observe Bloomberg : "Cameco Corp., deuxième plus grand producteur d’uranium au monde, a accepté de fournir de l’uranium à la China Guangdong Nuclear Power Holding Co. jusqu’en 2025 pour satisfaire à la demande en hausse constante sur le marché nucléaire qui connaît la croissance la plus rapide au monde. Cameco prévoit de vendre 29 millions de livres d’uranium… Ce qui équivaut à environ 13 000 tonnes.
"La Chine et l’Inde mènent la plus grande expansion nucléaire depuis la décennie qui a suivi la crise pétrolière des années 1970 afin de réduire la pollution et faire fonctionner l’économie", continue Bloomberg. "La demande chinoise d’uranium pourrait s’élever à 20 000 tonnes par an d’ici 2020, soit plus d’un tiers des 50 572 tonnes produites dans le monde l’année dernière, selon la World Nuclear Association…. Guangdong Nuclear, le plus important opérateur de centrales du pays après China National Nuclear Corp. est en train de construire des réacteurs d’environ 17 gigawatts, et d’ici 2020, espère avoir plus de 50 gigawatts en exploitation, selon Cameco".
Le même jour, le Wall Street Journal titrait : "Les traders piquent une crise face à la demande chinoise d’uranium." Dans l’article qui suivait, le Journal indiquait : "Les prévisions d’une plus forte demande d’uranium en Chine ont lancé à des sommets le trading des options dans le secteur du nucléaire déjà haussier… Par exemple, les options sur USEC (USU) ont connu un intérêt soutenu. Le volume de ces contrats d’options en hausse a atteint sont plus haut depuis 14 mois".
Que ces paris à court terme soient rentables ou pas, les paris haussiers long terme sur l’uranium et les valeurs uranium deviennent de plus en plus intéressants en ce moment. Une "ruée vers l’uranium" mondiale est déjà en cours mais très peu d’investisseurs semblent le remarquer ou s’en soucier.
"Selon l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, la demande mondiale d’uranium était de 135,8 millions de livres en 2009", observe Matt Badiali, notre collègue au S&A Resource Report. "Elle s’élèvera probablement à 201,1 millions de livres d’ici 2020. Pour satisfaire cette demande, nous aurions besoin de quasiment doubler la quantité d’uranium produite dans le monde en seulement 10 ans".
"C’est beaucoup demander !" continue Badiali. "Les entreprises produisant de l’énergie nucléaire tout comme les producteurs d’uranium se battent pour contrôler l’offre existante. L’agence fédérale de l’énergie atomique russe, Rosatom, a récemment acheté 17% du producteur canadien d’uranium Uranium One. Cette acquisition donne à Rosatom le droit d’acheter jusqu’à 20% de la production globale d’Uranium One. Dans une opération similaire pour s’emparer de la production future, Korea Electric Power (KEPCO) a acquis 20% de la société junior minière Denison Mines"…
"De même, la China National Nuclear Corporation, chargée de surveiller l’industrie nucléaire chinoise, a récemment annoncé un accord avec le mineur français AREVA dans le but d’acheter 440 millions de livres d’uranium ces 10 prochaines années pour 3,5 milliards de dollars. Cela fait 79,55 dollars par livre… soit une majoration de 34% par rapport au prix actuel de l’uranium.
"Les entreprises dans le secteur de l’énergie nucléaire peuvent se permettre de payer ce genre de prime pour verrouiller les approvisionnements d’uranium", conclut Badiali "parce que le coût du combustible revient à moins de 4% du coût pour générer de l’électricité. Cela signifie que les entreprises d’électricité ne sont pas autant ‘sensibles aux prix’ que ça. Qu’elles paient 60 dollars ou 150 dollars la livre, cela ne leur fera pas une grande différence."
Cette dynamique devrait intriguer les investisseurs long terme. Alors que continue la mainmise sur les terres riches en uranium — et un pourcentage sans cesse croissant de l’offre mondiale d’uranium est "réservé" — le prix de l’uranium devrait continuer à grimper.